Chapitre 1.

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C'est l'histoire d'un amour naissant
Entre une fée et un seigneur,
Au creux des bois, des cœurs
Les Lusignan entament leur chant...

Un jour d'été, dans une source claire,
Se baignait une fée de lumière...
Un preux chevalier, passant par-là,
S'est laissé envoûté par sa voix...

Les Lusignan s'aiment,
Les Lusignan sèment

Sous promesse de ne point la voir le samedi
D'un mariage béni, l'amour les unit,
L'amour a perduré, dix enfants naquirent,
Tous destinés à être maître d'Empire...

Les Lusignan veillent,
Les Lusignan règnent.

Mais un jour le mal poussa le mari à tromper,
À suivre le faux pas et sa femme, d'épier.
Par un trou, une fente, la vérité se fit,
La femme était serpente, l'amour était trahi...

Les Lusignan pleurent,
Les Lusignan meurent.

Mélusine, aussitôt s'envola,
Pour ne plus jamais revenir,
Et sur leur chemin de croix
Les Lusignan se perdirent.

La mélopée de Melusine de Lusignan, par Melusine elle-même. 12ème siècle.

*

Les légendes et les mythes sont les fondations même de notre monde. Elles sont le ciment, la colle, les liens de cette Terre, hantée par son histoire si particulière. Qu'elles soient vraies ou fausses. Car le temps les change, le temps les modifie, le temps agit. Mais jamais les légendes, les rumeurs et les mythes ne s'évanouissent réellement. Une part de vérité, une part de mensonge, les voilà qui naissent et se propagent, au gré du vent, des voix, des vies...

Il se prétend qu'une sirène ne peut être à l'aise que dans la mer. S'il est certes vrai que nous préférons l'océan et son sel, tout lac nous conviendrait. Un poisson est à l'aise dans l'eau, qu'elle soit salée ou douce. Et je peux assurer qu'en tant que l'une des plus vieilles sirènes de ce monde, une source perdue en pleine forêt française peut représenter un véritable havre de bien-être.

D'autant plus lorsque ladite source est magique, protégée par la magie des fées, et que je peux m'y métamorphoser en toute sécurité. Ma longue queue de serpent noire ondule dans l'eau du bassin qui m'arrive au nombril, provoquant quelques remous tandis qu'adossée aux bords, je profite de la chaleur des rayons du soleil sous ma métamorphose mystique. Les sirènes de la première génération comme moi en possèdent trois : la métamorphose mystique qui varie selon mes sœurs, la métamorphose aquatique et sa traditionnelle queue de poisson et la métamorphose humaine. Si j'aborde plus souvent les deux dernières, j'aime parfois revêtir ma longue queue de serpent, mon état le plus naturel.

Le calme et la sérénité de cette forêt m'assurent un charmant bain, dans une verdure flamboyante, bercée par les clapotis de l'eau et le chant des oiseaux. Dans mon dos, mes longs cheveux noirs effleurent mes reins. Je ferme les yeux, me mettant à fredonner un chant, une douce berceuse, dans ma langue naturelle qui est le grec ancien. Je doute que quiconque autre que moi ne connaisse encore son existence. Il y a mille ans pourtant, les femmes de mon village la chantaient à leurs enfants.

Soudain, je sens le métal froid d'une lame d'acier se glisser sous ma gorge et je sursaute, cessant aussitôt de chanter. Ma queue de serpent se fige au fond de l'eau tandis que ma poitrine se soulève sous la stupeur. Une voix masculine gronde à mon oreille :

Mélusine - La légende De Lusignan (Mélusine HS.3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant