Narquois

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Bien évidemment, ce qui s'était produit dans la salle commune des Gryffondor fit le tour de l'école à la vitesse de l'éclair. Le Survivant était à peine installé dans un lit de l'infirmerie que Poudlard bruissait déjà de rumeurs sur le malaise soudain et impressionnant du jeune homme.


Le plus étonnant n'était pas que toute l'école soit au courant de ce qui s'était produit, mais plus qu'aucune des suppositions farfelues proposées par les élèves n'impliquaient le retour de Voldemort.
Hermione et Ron, éjectés manu militari de l'infirmerie par une Poppy Pomfresh visiblement inquiète, étaient la cible de tous les regards, et ils ne cachaient pas leur nervosité même s'ils refusaient de dire le moindre mot à leurs camarades.

Les élèves se turent tous sans exception lorsque Albus Dumbledore quitta son bureau pour rejoindre l'infirmerie à grands pas, le front barré d'un pli soucieux. Et les murmures reprirent, plus frénétiques que jamais sitôt qu'il eut disparu derrière les grandes portes en bois.


**

Dans l'infirmerie aux murs blancs, Dumbledore s'avança entre les rangées de lit, lissant machinalement sa barbe, jusqu'à atteindre l'unique lit occupé. La mince silhouette était l'un des visiteurs les plus assidus du lieu, et le vieil homme soupira en secouant doucement la tête.

Poppy en entendant du bruit s'approcha et hocha sèchement la tête lorsqu'elle vit que le visiteur était le Directeur.
- Albus.
Le sorcier sourit tristement.
- Comment va-t-il ?
L'infirmière s'avança près du lit, et caressa doucement les cheveux noirs du garçon qu'elle avait vu bien trop souvent.
- J'ai bien peur qu'il n'y ait aucun changement. Physiquement, il semble aller bien. Rien d'anormal d'après mon examen. Mais... il ne se réveille pas.
- Pourquoi ?

Poppy soupira et sa main s'immobilisa. Elle se redressa et pinça les lèvres.
- Je n'ai aucune explication. D'après les témoignages de ses camarades, ce pauvre garçon a énormément souffert avant de perdre connaissance. Nous ne pouvons pas savoir... Albus. Pour ce que j'en sais, son esprit aurait pu être réduit en miettes par la douleur qu'il a subi.

Albus grogna et secoua la tête, l'air mécontent.
- Monsieur Potter est un jeune homme résistant. Il ne...
Poppy leva les bras au ciel, et l'interrompit.
- Les Longdubas étaient des Aurors expérimentés et forts. Ils étaient eux aussi des Gryffondors résistants, n'est-ce pas Albus ? Pourtant, ils sont devenus fous de douleur. Vous savez aussi bien que moi que quelque soit le courage et la force de ce garçon, son esprit a pu être brisé par ce qu'il a enduré. Nous ignorons ce qui lui est arrivé exactement !
Le Directeur détourna le regard.
- Harry souffre lorsque... Lorsque Voldemort éprouve des émotions fortes. Ils sont connectés par le biais de sa cicatrice, mais ça n'avait jamais été aussi intense.

L'infirmière écarquilla les yeux et eut un mouvement de recul. Mais elle avança rapidement la main pour exposer la cicatrice et la regarder avec une répugnance non dissimulée.
- Le pauvre enfant. Nous aurions dû faire l'impossible lorsqu'il était bébé pour effacer cette marque.
- Il était capital que cette cicatrice reste...
- Pour quelle raison vieux fou ? Pour qu'il n'oublie jamais que ses parents ont été assassinés ? Pour qu'il attire les regards curieux de tout le monde magique ?
- Pompom...
- Oh non Albus. Quel besoin aviez-vous de lui laisser cette horreur ? Vous aviez besoin d'un lien avec... avec Vous-savez-qui ?

Dumbledore eut l'air gêné. Il détourna les yeux, et se lissa la barbe nerveusement. Puis, il se justifia presque agressivement, laissant tomber l'affectueux surnom qu'il utilisait habituellement.
- Il devait garder cette cicatrice. La prophétie... La prophétie était claire Poppy. Ce garçon devait être marqué de la main de son ennemi pour espérer le vaincre un jour !

Face à la désapprobation claire de l'infirmière, Dumbledore se détourna. Avec un soupir épuisé, il envoya un message qui prit la forme d'un papillon en origami. Il était temps de savoir si le Sauveur, le garçon sur qui il avait laissé reposer tous ses espoirs, était encore sain d'esprit ou si son corps n'était plus qu'une coquille vide.

**

Dumbledore resta immobile et silencieux, le regard fixé sur l'adolescent inconscient, si jeune et si petit dans ce lit blanc.
Lorsque la porte de l'infirmerie s'ouvrit brusquement, il n'eut pas la moindre réaction, laissant le nouveau venu s'approcher à grands pas de lui.
- Albus ? Vous vouliez me voir ?
- Ah. Severus, mon cher...

Le maître des potions jeta un regard presque méprisant au garçon dans le lit, et attendit que le Directeur explique ce qu'il attendait de lui.
- Je suis inquiet Severus. Le jeune Harry n'a pas reprit connaissance et... il est capital que nous puissions nous assurer que son esprit est intact. Pourriez-vous... ?

Le professeur eut un rictus narquois face à l'ironie de la situation. Voilà que Dumbledore lui servait le fils de son ancien tourmenteur sur un plateau, avec l'autorisation de fouiller son esprit alors qu'il était sans défense. C'était encore plus savoureux que les cours d'occlumentie, parce qu'il pourrait accéder à tous les secrets du gamin sans que celui-ci ne s'en doute. Si son esprit n'avait pas été réduit en miettes bien évidemment.

Cependant, le Gryffondor était bien trop agaçant pour simplement tirer sa révérence de cette façon. Il était évident que compte tenu du crâne épais du garçon et sa faculté à traverser les pires épreuves pour en sortir indemne, ce n'était pas un simple malaise - quelle que puisse en être la cause - qui en viendrait à bout.

Il leva un sourcil et demanda confirmation - que Dumbledore lui accorda d'un geste pressé de la main. Le maître des potions s'avança et dévisagea le jeune homme, repoussant toute pitié face à sa jeunesse et à sa pâleur.
Il leva sa baguette, et lança le sort legilimens, prêt à découvrir les plus sombres secrets de l'insupportable gosse qui le faisait tourner en bourrique.

Cependant à la place de retrouver le fouillis désorganisé de l'esprit du Gryffondor qu'il avait eu l'occasion d'apercevoir il se heurta face à un mur psychique infranchissable et il fut rejeté brutalement au point d'être projeté contre le mur derrière lui, expulsant l'air de ses poumons en un grognement choqué.

Dumbledore sursauta et se tourna vers lui, les yeux écarquillés.
- Severus ?
Le Maître des potions frémit en regardant Harry.
- Son esprit n'est pas brisé Albus.
Son esprit n'était pas brisé. Définitivement pas. Potter était intact. Mais il était totalement différent. Entre leur dernier cours le jour précédent l'incident et ce moment présent, Potter avait fait de son esprit une forteresse imprenable sans que Severus n'ait la moindre idée de comment il avait pu accomplir ce prodige.

Prompt de demain : maléfique

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