le Graal

1.2K 112 5
                                    

Severus venait de regarder Potter sombrer dans le sommeil avec une expression indéchiffrable, rattrapant la fiole de verre qui avait contenu la potion de sommeil sans rêves avant qu'elle ne tombe au sol, lorsque la marque sur son bras commença à le brûler, l'appelant.
Serrant les poings pour cacher sa souffrance, il quitta l'infirmerie à grands pas, laissant sa cape voler derrière lui comme à son habitude, saluant Poppy d'un bref signe de tête, silencieux, comme toujours.


Il partit de Poudlard aussi vite que possible, pestant contre ces convocations à répétitions, même s'il n'irait pas s'en plaindre au principal concerné. Pas s'il tenait à la vie en tous cas.
Conscient que son Maître n'était pas quelqu'un de patient, il transplana dès qu'il eut passé les grilles du château et parcourut les couloirs de pierre sombres d'un pas rapide, légèrement inquiet.

Voldemort était seul, son serpent familier enroulé à ses pieds. Il attendait, le regard dans le vague, et Severus s'agenouilla à son arrivée, baissant la tête.
- Maître.
- Severus. Mon fidèle Mangemort.

Malgré lui, Severus eut un frisson d'appréhension et repoussa au fond de son esprit son rôle d'espion et le risque qu'il prenait constamment sur les ordres de Dumbledore. Il s'obligea à garder une expression neutre, attendant les ordres, comme il le faisait toujours.
- J'ai besoin de toi, mon cher. Tu vas devoir amener à moi mon petit Graal personnel, aussi rapidement que possible.
- Maître ?
L'expression perplexe du potionniste fit ricaner Voldemort. Le mage noir se pencha vers lui et répéta d'un ton sans appel.
- Harry Potter. Amène-le moi.


Malgré lui, Severus hésita, un peu trop longtemps. Le bon sens aurait voulu qu'il acquiesce et quitte les lieux pour ne jamais revenir, dévoilant ainsi sa véritable allégeance et son statut d'espion. Mais comme l'avait sous-entendu le Seigneur des Ténèbres, Dumbledore n'hésiterait pas à sacrifier la vie du fils de Lily pour son plus grand bien, dès qu'il saurait qu'un rituel de Bellatrix l'avait lié à Voldemort, inextricablement.

Voldemort plissa les yeux, le dévisageant avec attention. Il tournait lentement sa baguette entre ses longs doigts pâles, un rictus énigmatique aux lèvres.
Quelques jours plus tôt seulement, face à cette hésitation, Severus aurait été puni et aurait reçu plusieurs Doloris pour l'inciter à se montrer un peu plus... enthousiaste face aux ordres. Il aurait également certainement rejoint Bellatrix dans les cachots. Cependant, le Seigneur des Ténèbres ne fit pas mine de lever sa baguette vers lui.

Le mage noir laissa planer un lourd silence quelques instants, puis il prit la parole.
- Severus... Pensais-tu réellement que j'ignorais que ta loyauté était vacillante ? Pensais-tu que je ne voyais pas tes regards ? Je n'ai pas oublié que tu m'as supplié d'épargner la mère de Potter. Que tu étais prêt à tout pour elle, n'est-ce-pas ? Ta chère Lily, celle qui te faisait soupirer. Celle à cause de qui tu as rejoint mes rangs.

Severus hoqueta, et secoua doucement la tête, persuadé qu'il allait mourir d'ici peu.
- Je comprends que tu aies des scrupules à m'amener son fils ici. Peut-être la vois-tu dans ses yeux ? Il a d'incroyables yeux verts non ? J'ai pu le remarquer lors de notre trop brève rencontre, lorsque j'ai récupéré mon corps. Je me souviens également des yeux de sa mère... les mêmes yeux, l'as-tu remarqué ?

Une larme solitaire coula sur la joue de l'espion, et il resta immobile, agenouillé, tête baissée, vaincu. Dans son esprit, il se préparait à mourir, et il espérait que le jeune homme allongé dans l'infirmerie de Poudlard s'en sorte indemne.
Voldemort laissa échapper un rire cruel, avant de continuer, imperturbable, insensible à la douleur de l'homme à ses pieds, désirant le briser pour le forcer à lui obéir.
- Tu peux donc hésiter à amener l'enfant de ton amour perdu. En d'autres circonstances, j'aurais fait en sorte de te punir de cette... baisse de foi envers moi. J'aurais demandé à un autre de mes Mangemorts de s'en occuper. Quelqu'un qui serait moins... délicat que toi avec le gosse. Mais... Mais les choses changent. Tu es le seul en dehors de Lucius à être au courant de l'effet du petit rituel de Bellatrix. Tu vas donc rentrer à Poudlard, et tu m'amèneras le garçon au plus vite. Il sera en sécurité avec moi, autant que possible. N'oublies pas que je ne peux pas le blesser sans me blesser moi-même.

Severus hocha lentement la tête. Il n'avait pas d'autre solution, aucun échappatoire.
- Bien Maître.
- Ne me déçois pas une fois de plus Severus. Je me suis montré patient avec toi, bien plus que tu n'aurais pu l'espérer. Il n'y aura pas d'autre chance pour toi.

Le Maître des potions ferma un instant les yeux et prit une inspiration brève avant d'oser prendre la parole.
- Si je peux me permettre Maître, qu'allez vous faire de Potter ?
Voldemort le dévisagea un long moment, tournant toujours sa baguette lentement, en un mouvement presque hypnotisant. Cependant, il n'y eut pas d'explosion de colère. Pas de cris. Pas de sort jeté vicieusement.
Juste un long silence, et deux yeux rougeoyants fixés dans les onyx du Maître des potions.

Puis, le Mage noir soupira.
- Je compte lui exposer la situation et lui proposer... une entente. Notre survie dépend après tout de notre capacité à former une alliance. Comme tu peux le voir Severus, je ne compte pas blesser ton précieux petit protégé. Juste une conversation civilisée, et des décisions à prendre pour notre avenir commun.

Severus, légèrement sonné, hocha la tête. Il n'avait pas vraiment de marge de manœuvre, dans sa situation actuelle. Potter était au cœur de la guerre plus que jamais, malgré lui. Et le jeune garçon n'était même pas au courant...
Il soupira.
- J'amènerai le garçon Maître. Si vous m'assurez qu'il ne sera pas blessé, je l'amènerai à vous et j'essaierai de lui parler pour qu'il soit... un minimum coopératif. Bien souvent son côté Gryffondor le pousse à se montrer... quelque peu imprudent.
- Et bien... Peut être que finalement la méthode douce permet d'obtenir d'aussi bons résultats que la méthode... forte ? Tu vas devoir me prouver de nouveau ta loyauté, Severus. Tu vas devoir me convaincre que j'ai un intérêt à te garder à mes côtés plutôt que de t'expédier en morceaux dans les bras de ce vieux fou qui se prend pour le nouveau Merlin.

Le professeur de potion baissa la tête, essayant de montrer autant que possible sa soumission. Ce discours au moins était habituel. Un point fixe dans la folie ambiante.
Severus s'inclina de nouveau avant de quitter les lieux, masquant au mieux les sentiments qui s'agitaient en lui et s'efforçant de calmer son coeur qui battait la chamade.

Il avait une mission à remplir. 


Prompt de demain :  Expier ses fautes

Âmes soeursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant