Âmes soeurs

Poussière de fée

Harry n'avait pas eu à réfléchir trop longtemps avant de se décider à écouter le conseil de Rogue. L'idée de mourir pour sauver le monde magique ne l'attirait pas vraiment, pas après avoir été traité de fou tout l'été par la Gazette sans que quiconque ne proteste. Au fond de lui, la colère et le ressentiment grondaient toujours.
Les regards suspicieux à Poudlard étaient également frais dans sa mémoire, et le professeur de potions avait été un protecteur depuis son arrivée à Poudlard. Un protecteur désagréable qui semblait ne pas l'aimer, mais près de lui il se savait en relative sécurité. Plus exactement, il lui faisait totalement confiance, presque malgré lui.

Lorsque Harry lui avait demandé quelle excuse il donnerait pour son absence soudaine de Poudlard, Rogue avait détourné les yeux et avoué à mi-voix que Dumbledore supposait qu'il était parti seul et volontairement de l'infirmerie.
Si l'adolescent n'avait rien dit, le professeur avait noté le sentiment de trahison qui était passé brièvement dans les yeux verts. C'était le moment où le jeune homme avait pris conscience qu'il ne retournerait probablement jamais à Poudlard. A une époque, cette pensée l'aurait fait souffrir, mais il ne savait plus du tout où il en était.

Severus était donc reparti pour Poudlard, pour y observer ce qui se passait tandis que Harry attendrait Impasse du Tisseur. Pour l'occuper, le Maître des potions lui avait remis avec un large sourire sadique un épais livre de potions, lui suggérant de revoir les bases pour parfaire son éducation.
Harry avait grogné, mais il était malgré lui amusé. Peut être que finalement l'homme n'était pas le bâtard que tout le monde décrivait, peut être qu'il gagnait à être connu. S'il avait été ami avec sa mère, c'était probablement que Lily avait vu quelque chose de bien en lui.

Le jeune homme s'était donc installé dans le salon au décor démodé, et après avoir longuement observé la maison d'enfance de son professeur, il avait fini par ouvrir le grimoire.
L'ouvrage était couvert de l'écriture serrée de son professeur, celui-ci semblait avoir commenté chaque phrase du manuel. Dans un premier temps, Harry déchiffra les annotations, amusé de voir que le ton directif de l'homme se retrouvait dans ses notes. Depuis qu'il était à Poudlard, l'adolescent avait souvent entendu parler de Severus Rogue. En dehors de son injustice envers les Gryffondor, et de ses méthodes d'enseignement catastrophiques, il était souvent décrit comme un excellent potionniste. Le plus jeune Maître des potions à avoir été diplômé, un génie face à un chaudron.
Jusqu'à présent, personne ne s'était attardé sur ses compétences, mais à lire ses notes écrites de son écriture serrée mais élégante, Harry prenait conscience que l'homme était réellement doué en ce qui concernait le domaine des potions. Il semblait avoir un instinct hors norme pour améliorer les recettes, ou pour trouver ce qui n'allait pas.

Plongé dans le chapitre des potions de soin - après tout, il avait fait suffisamment de séjours à l'infirmerie pour avoir envie d'apprendre les bases des premiers secours - Harry n'entendit pas que quelqu'un sortait de la cheminée. Mais même s'il avait entendu, il n'aurait pas plus réagi, son professeur lui ayant assuré que personne ne pouvait pénétrer chez lui sans son autorisation expresse.

- Ajouter de la poussière de fées à une potion de soins la rend plus puissante.
Pris par surprise, Harry sursauta brusquement et s'écarta rapidement de l'intrus qui se tenait juste dans son dos, le cœur battant la chamade, se maudissant de ne pas avoir été plus prudent.
Il dévisagea l'homme, mal à l'aise, le trouvant familier bien qu'il soit absolument certain de ne l'avoir jamais rencontré. Sous l'examen attentif de l'adolescent, les yeux de l'homme rougeoyèrent légèrement, et Harry hoqueta avant de reculer brusquement les yeux écarquillés.
- Voldemort.
- Je ne te ferais pas de mal, Harry Potter. Severus a dû t'informer de la situation...

Prudent,le jeune homme hocha la tête.
- Vous ne pouvez plus me faire de mal.
Le mage noir le fixa, l'air impénétrable, puis il eut un rictus amusé.
- Effectivement. Je n'ai plus aucun intérêt à te blesser.
Les yeux verts de Harry brillèrent de rage contenue.
- Vous avez tué mes parents, vous avez ruiné ma vie. C'est trop facile de décider que tout s'arrête comme ça. Je ne vais pas d'un coup vous pardonner ou vous apprécier !

Voldemort hocha la tête, et Harry aurait aimé voir une émotion passer sur le visage figé. Il ignorait quels étaient les sentiments de l'homme et ça le rendait particulièrement nerveux. Sa colère lui faisait oublier d'être d'être prudent pourtant.
Le mage noir finit par reprendre la parole, d'un ton neutre, sans faire le moindre geste, comme pour ne pas effrayer le gamin, lui dont la vocation était de semer la terreur.
- Je ne te le demande pas, jeune homme.

La réponse déstabilisa Harry. Il avait rencontré son ennemi à plusieurs reprises, et il n'avait senti que les ténèbres et la soif de dominer. Cette fois, l'homme semblait calme, ressemblant déjà plus à son souvenir qu'il avait rencontré dans la chambre des secrets. Cet adolescent sournois et maître de ses émotions qui avait failli tuer Ginny.
Si Voldemort avait perdu son calme ou s'était montré plus directif, Harry se serait immédiatement braqué et opposé à lui. Il se trouvait peut être devant l'assassin de ses parents mais le jeune homme ne perdait pas de vue qu'il dépendait de lui pour atteindre l'âge adulte et il se découvrait une soudaine soif de vivre.
Résigné, l'adolescent haussa les épaules.
- Alors que voulez-vous ? M'enfermer dans un cachot ?

Sa réflexion entraîna un ricanement amusé. Les yeux ronds, Harry dévisageait le mage noir prenant conscience qu'il l'avait depuis le début considéré comme un monstre dépourvu de tout sentiment autre que la rage ou la cruauté.
- Juste trouver un terrain d'entente. Si c'était aussi simple que de t'enfermer, je le ferais bien évidemment. Ça serait plus simple pour moi. Mais... notre situation est un peu plus complexe. Ce cher Severus a dû t'expliquer.
Harry hocha la tête, sans répondre qu'il n'avait pas vraiment cru son professeur. Le Mage Noir plissa les yeux et continua, la colère vibrant dans sa voix.
- Dumbledore... Si tu retombes entre ses griffes il n'hésitera pas à te tuer pour m'anéantir. Et c'est quelque chose que nous ne voulons ni l'un ni l'autre n'est-ce-pas ?

Harry aurait aimé pouvoir protester. Il aurait aimé faire totalement confiance au Directeur de Poudlard, celui qu'il avait considéré comme un proche.
Mais ça serait se mentir. Le jeune homme n'oubliait pas que Dumbledore l'avait renvoyé encore et encore chez les Dursley malgré leurs mauvais traitements. Il l'avait laissé affronter les dangers qui se présentaient à lui. Et surtout, depuis le retour de Voldemort, il ne lui avait pas parlé directement, ou n'avait rien fait contre la campagne de dénigrement qu'il subissait dans la Gazette.

Vaincu, l'adolescent hocha légèrement la tête, sous le regard satisfait mais étrangement protecteur du Mage Noir.

Prompt de demain :  château en ruines