Sac en cuir

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Bien que Sirius Black soit désormais présent pour son filleul, Severus continuait de garder un œil sur le Gryffondor. Après tout, il était son protecteur, depuis l'instant où il avait posé les yeux sur lui.
Non pas à son arrivée à Poudlard, mais bien avant, depuis une nuit glaciale d'Halloween où sa vie avait basculé dans l'horreur. Il avait juré à Lily qu'il prendrait soin de son fils - alors qu'il tenait son corps encore chaud dans ses bras -, et il n'avait jamais failli à sa parole.

Il avait repoussé les craintes d'Hermione Granger d'un haussement d'épaules méprisant. Cependant, il avait observé le petit brun aux yeux verts avec bien plus d'attention, débarrassé de tous ses préjugés d'autrefois, sur la vie soit-disant idéale du petit prodige de Dumbledore.
Le constat l'avait laissé vaguement mal à l'aise.

Harry allait bien. Physiquement, il était en pleine forme : il mangeait à sa faim, dormait correctement et ne semblait plus faire de cauchemars.
Moralement... il était plus joyeux, et son rire résonnait régulièrement dans le Manoir de Voldemort, sonnant étrangement dans un lieu qui n'avait connu que des hurlements de peur ou de douleur auparavant. Désormais, Voldemort tenait ses mangemorts à l'écart, puisqu'hormis Severus, seul Lucius était au courant de la présence du Sauveur près de leur maître.

Cependant, parfois, le regard vert se perdait dans le vague, mélancolique. Severus savait que la miss-je-sais-tout avait raison : Potter se sentait coupable. C'était la guerre et même si le nombre de victimes avait drastiquement chuté, il y avait toujours des morts de temps à autres. Il y avait des attaques, et l'objectif de Voldemort n'avait pas changé.

Aussi, après avoir pris le sac en cuir qui lui servait pour récolter les ingrédients de potion, Severus se planta devant Harry.
- Venez avec moi. J'ai besoin d'un assistant.
Harry ne s'étonna pas de l'ordre bref et ne protesta pas. Il hocha juste la tête et suivit docilement son professeur de potions, un léger sourire aux lèvres. Il était habitué aux manières brusques de l'homme et il avait appris à réellement apprécier sa compagnie.

Severus les conduisit dans la forêt jouxtant le Manoir, et ils progressèrent un long moment en silence, s'arrêtant pour ramasser les plantes que Severus désignait.
Finalement, l'homme en noir s'arrêta et observa attentivement Harry, comme pour essayer de lire dans ses pensées. Il soupira et secoua la tête.
- Comment allez-vous Harry ? Réellement ?

L'adolescent grimaça, comme s'il avait espéré échapper à cette conversation. Cependant, il détourna le regard et offrit un sourire de façade.
- Bien Monsieur. Vraiment bien.
Le ton était un peu trop joyeux, et il avait répondu avec un peu trop de précipitation. Severus grogna et croisa les bras ses sa poitrine, fronçant les sourcils.

Harry s'empourpra et soupira.
- Je ne sais pas. Vraiment pas. Je veux dire... Je suis à l'abri et il semblerait que j'ai pu demander la protection de toutes les personnes importantes pour moi. Comme vous l'aviez dit, j'ai pu... demander à ce que les moldus soient épargnés, ce qui est une avancée plutôt... bénéfique.
- Mais ?
- Mais il est celui qui a tué mes parents. Il est celui que je devais tuer. Et il tue encore des gens.

Severus hésita un instant, puis posa une main sur l'épaule du gamin, qui lui semblait beaucoup trop jeune pour toute cette histoire.
- Vos parents... étaient des Aurors qui se plaçaient en première ligne. Lily... était mon amie, mais c'était stupide de sa part que de se mettre en danger avec un enfant si jeune.
- Qu'essayez vous de me dire ? Qu'ils l'avaient mérité ?
- Non. Bien sûr que non. Juste... c'était une autre époque. La guerre faisait rage, après tout.

Severus secoua la tête puis grogna.
- Oubliez ça. Juste... il y a des victimes des deux côtés, dans une guerre. Pour ce qui est de tuer... voyez ça comme un point positif : vous voilà libéré de cette tâche qui vous inquiétait tant.
- Et dois-je aussi fermer les yeux sur ceux qui vont mourir ? Comme Cédric Diggory ?
- Vous avez mis à l'abri votre parrain, et vos amis. Pourquoi ne pensez-vous pas à ceux que vous avez sauvé ?

Harry sembla déstabilisé. Severus leva les yeux au ciel.
- Oh par Merlin Potter. Vous êtes un jeune homme qui a l'avenir devant lui, et je suis persuadé que vous ferez au mieux pour aider un maximum de gens comme ces moldus que vous avez mis à l'abri. C'est bien plus que ce que n'importe qui a fait, y compris Dumbledore !
- Mais la prophétie...
- Réalisez-vous que vous conditionnez votre vie aux phrases prononcées par une pseudo-voyante dans une taverne miteuse ? Cette stupide Trewlanney a un goût immodéré pour le xérès et depuis cette fameuse prophétie elle n'a jamais réussi à réitérer l'exploit...
- Mais...
- Dumbledore aurait pris n'importe quoi pour redonner de l'espoir aux sorciers qu'il avait près de lui. Il était aux abois, et il avait besoin de n'importe quoi pour donner une raison valable de se battre à tout ceux qui étaient près d'abandonner.
- Comment ça ?
- Il a fait ce qu'il pensait nécessaire pour offrir du courage au monde magique exsangue mais il n'avait pas pensé un seul instant que les conséquences seraient terribles. Vos parents étaient sensés être à l'abri, et sans Pettigrew...

L'adolescent soupira.
- Pourquoi me dire ça Monsieur ?
- Votre amie Miss Granger craint que votre culpabilité pour les choses que vous ne pouvez pas changer ne vous terrasse. J'essaie juste de vous montrer que vous n'êtes pas lâchement terré dans un coin comme certains. Qu'à votre niveau, vous faites beaucoup, plus que ceux qui oseront vous critiquer.

Il récoltèrent en silence quelques morceaux d'écorce de bouleau - utiles dans les potions de soin - avant que Harry ne s'immobilise, tête baissée.
- Et Dumbledore ? Je ne comprends plus, je ne sais plus. Je croyais qu'il était... bon ?

Severus eut un sourire triste.
- Il n'est pas mauvais Potter. Il sert la lumière, sans la moindre hésitation. Il est prêt à tout pour cela. Il ne cherche ni la gloire ni la richesse, mais il veut juste atteindre sa vision du monde idéal. Voilà pourquoi j'ai accepté de vous amener ici, parce que lié au Seigneur des Ténèbres vous étiez condamné.
L'adolescent soupira et ferma les yeux.
- Et si je devais réellement mourir ? S'il avait raison ? Que vaut ma vie comparé à celle de centaines d'autres ?

Le Maître des potions tendit la main comme pour ébouriffer les cheveux du garçon, mais il se retint au dernier instant. A la place, il passa presque naturellement au tutoiement.
- Si mes erreurs m'ont appris quelque chose, c'est qu'aucune vie ne mérite d'être sacrifiée. Harry, si tu devais décider de la mort de ton ami Weasley pour sauver un village... accepterais-tu ?
La lueur d'effroi dans les yeux verts fut une réponse suffisante pour le Maître des potions.

 Prompt de demain : les ailes d'un ange

Âmes soeursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant