Mordred et l'intimité

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Mercredi 14 octobre

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Mercredi 14 octobre

Je suis en train de ranger les rayonnages après le passage de ces sagouins de seconde lors de leur visite du CDI tout en triturant mon portable distraitement (je suis dans les rayonnages du fond et je me remets du passage des fauves) quand je vois popper une alerte sur mon téléphone.

C'est M. Duranne, ce professeur qui voulait que je fasse une thèse sous sa direction. Il me fait suivre un appel à communication pour un colloque sur le travestissement en littérature. Un sujet qui pourrait m'intéresser... pour y assister, pas pour présenter. De toute façon, je réalise que la date limite d'envoi des propositions de communication est largement dépassée. Mais dans son mail, monsieur Duranne a glissé :

Une place s'est libérée pour présenter un papier suite à un désistement et mon ami du comité de sélection m'a demandé si j'avais des idées pour un remplacement de dernière minute. Je vous ai proposé. Vous pourriez peut-être reformuler et présenter les parties de votre mémoire inachevé que vous m'aviez soumis. De cette façon, vos travaux seraient diffusés.

Diffusés ? Mes travaux ? Est-ce qu'ils le méritent seulement ? Est-ce que qui que ce soit va vraiment s'intéresser aux questions de travestissement dans la théâtre français du XVIIIème et XIXème siècle. J'en entends qui feignent de ronfler rien qu'à entendre le titre. Mon corpus d'étude était trop imposant de toute façon, mon sujet cliché et rebattu, mes idées stériles, mes recherches aussi vaines que superficielles et...

Hoa me fait signe entre les rayonnages :

– Mordred ! T'exagère ! Ça va bientôt être la pause déjeuner !

Je bondis sur ce prétexte pour oublier cette demande qui me déstabilise en redevenant un collègue exemplaire pour un temps.

Pourtant, la communication me trotte dans la tête le reste de la matinée. Une petite voix (celle que j'imagine à Galaad même si je ne l'ai jamais entendu) me répète en boucle que je devrais tenter ma chance. Après tout, c'est censé être mon défi cette semaine. Je me rappelle de ce que m'a écrit Galaad : "ton défi sera de saisir une opportunité ! Et de VRAIMENT la saisir. Pas la bâcler et ensuite dire que ça n'a pas marché. "

Et ça, ça ressemble fortement à une opportunité qui tombe à pic parce que ça fait quatre jours qu'il m'a envoyé ce message et que je n'ai toujours pas avancé. Et il est pourtant hors de question que j'échoue à ce défi ! Je reviens au comptoir et m'occupe des quelques retours que nous avons eu entre temps pendant qu'Hoa gère la petite file d'élèves qui veut enregistrer son livre avant de courir déjeuner au premier service (c'est jour de frites). Je me perds encore dans mes pensées. Ça fait deux semaines qu'on discute avec Galaad et même si j'ai parfois l'impression de le connaître depuis beaucoup plus longtemps, je ne me permets encore pas vraiment d'être intime avec lui. De lui parler en profondeur des raisons pour lesquelles j'ai déçu mes parents à tous les niveaux et renoncé à une grande carrière d'académicien.

Galaad et Mordred, coachs en relationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant