4 - quotidien

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Point de vue de Lyliana.

Je rentre du lycée avec, comme toujours, cette peur qui m'envahit. Plus j'avance et plus je me rapproche de cette maison, plus cette peur grandit en moi. Cette petite bâtisse s'apparente à mes yeux plus à une prison qu'à un cocon familial. Cette angoisse qui crée une boule dans mon ventre grandit de plus en plus. J'ai l'impression qu'un poids énorme s'abat sur moi, m'empêchant d'avancer et me coupant le souffle.

Je tremble, j'ai peur. Non, ce n'est pas que de la peur, ce mot est encore trop doux comparé au sentiment qui s'immisce petit à petit en moi. Mais ce n'est en réalité que mon esprit qui ne veut pas que j'y aille, connaissant déjà la suite. Je sais que ce ne sera pas beau à voir. Mon subconscient ne veut pas que j'y retourne, mais mon cur me fait revenir ici chaque jour.

Arrivée à la maison, je retire mes chaussures en faisant le moins de bruit possible, croisant les doigts pour qu'il ne soit pas là. J'avance à pas de loup afin de me faire la plus discrète possible. Mon regard s'égare tantôt à gauche, tantôt à droite lorsqu'une pièce se présente le long du couloir.

Soudainement, des pas rapides se font entendre et je me fais projeter contre le mur. Sa carrure fait deux fois la mienne, je n'arrive pas à m'en extirper.

Il penche sa tête vers moi pour m'embrasser, ce que je fais tout en gardant une grimace figée par la douleur. Kyllian me tient les bras au-dessus de la tête, empêchant tout mouvement de ma part. Il pue l'alcool à des kilomètres. Il passe son temps à travailler et quand ce n'est pas le boulot, c'est l'alcool qui envahit sa vie. Rien que la vue de tous ces cadavres de bouteilles vides qui s'accumulent de jour en jour me fait peur et me répugne.

— Tu rentres tôt. Tu n'es pas censée être ici à une heure pareille Lyliana. Qu'est-ce que tu fais là ?

Son ton est froid. Mes poils se hérissent sous la chair de poule qui me prends.

— Un garçon de ma classe m'a énervée alors je suis partie.

— Dis-moi qui est cet enculé que j'aille lui montrer comment on s'adresse à MA copine.

Je signe un non de la tête. Je sais de quoi il était capable. Ou non, pas exactement. Je pense que j'ai surtout peur de savoir jusqu'où il serait capable d'aller. Tout ce dont j'étais sûre, c'est que je ne voulais pas me retrouver à la place de celui qui le mettait en colère.

Il m'agrippe par les cheveux et me traîna jusqu'au salon où il me jette par terre. J'atterris brutalement dans des bouts de verre. Ceux de ces foutues bouteilles qu'il lance sur les murs lorsqu'il est énervé. L'un d'entre eux vient s'infiltrer dans ma main, m'arrachant un gémissement au passage. Je le retire doucement, laissant apparaître une nouvelle blessure qui trace mon histoire sur ce corps endolori. Quelques perles de sang s'écoulent de ma plaie fraîchement ouverte.

— TU VAS ME LE DIRE BORDEL !

Mon silence le fait réagir immédiatement. Mon regard se porte sur mes pieds, évitant tout contact entre nous. Mais je vois ses pieds apparaître dans ma vision périphérique et mon cur s'emballe. Je place mon bras au-dessus de ma tête sans réfléchir.

L'habitude.

Mon copain attrape mon visage d'une main raiche et le colle au sol dans les débris, me coupant la pommette par la même occasion. Des mots chuchotés se font entendre dans le creux de mon oreille sans que je ne parvienne à les identifier. Tout est flou autour de moi. tout va si vite et si lentement à la fois. Son ton froid aborde une consonnance malsaine. Ce contraste me donne la nausée. Tout mon corps tremble face à son ton,méprisant mais à la fois aimant qu'il emploie.

Mon esprit parvient à identifier l'une de ces phrases : « Je t'aime et je prendrai toujours soins de toi, alors donne-moi le nom de ce connard. ». Sa main avance vers mon visage et alors que j'émet un mouvement de recul, il replace tendrement une mèche derrière mon oreille. Il glisse un baiser sur mon front avant de partir vers la cuisine, me laissant seule. Ces petites attentions sont celles auxquelles je me raccroche. Pourtant, je sais au plus profond de moi que ce répit, ce moment de soulagement, n'est qu'illusoire. Que ce n'est que le calme avant la tempête. L'ouragans. Le déchirement du sol sous mes pieds.

— Tu ne veux pas me le dire à moi alors peut-être que tu lui diras à elle. L'entendis-je crier depuis l'autre pièce.

Il traverse l'encadrement de la porte quelques secondes après, sa batte à la main. Des flashs arrivent par dizaines : douleur, peur, sang. Ses mains passant sur mon corps. Un coup violent derrière mon crâne.

Je l'ai rencontrée de nombreuses fois déjà, ce qui m'a valu plusieurs hospitalisations. Mon cur s'emballe, craignant de al suite. La peur est d'autant plus forte lorsque l'on sait ce qui va arriver. Des cris, une dispute, des bleus. Je ne connais que trop bien cette situation. Je me relève afin de pouvoir reculer le plus vite possible. La pièce est trop petite et semble se refermer sur moi, m'étouffer comme ses mains le font parfois.

Mes poumons refusent de garder de l'oxygène. je recrache tout, l'air me brûle. Ma tête tourne alors que je le vois se rapprocher. En reculant, je trébuche sur un coin du tapis. Le mur est à quelques mètres de moi seulement. Mais si c'est murs pouvaient me protéger, je le saurais depuis le temps.

Il marche doucement vers moi. Sa batte traîne derrière lui, apparentant un semblant de film d'horreur. Il la lève au-dessus de sa tête et commençe par un coup dans le tibia. Je retombe au sol en me tenant la jambe à l'endroit où il venait de frapper. Il enchaîne par plusieurs coups dans les côtes. Mon souffle se coupe un court instant. La douleur au ventre est, selon moi, la plus insupportable. Comme si tout mon corps refuse soudainement de m'écouter. Comme si il allait se déchirer en deux.

Je m'agrippe à un meuble pour tenter de me relever, mais c'est sans compter sur Killian qui m'assene un coup à la tête. Mes jambes ne me soutiennent plus. Mes bras, encore appuyés contre le meuble, m'abandonnent également. Je tombe encore une fois sous le choc. Une douleur imminente se propage dans tout mon corps. Mes larmes coulent à flots.

Même après tout ce temps, je n'arrive pas à les retenir. Je m'y suis pourtant habituée, mais la douleur est toujours aussi vive.

Il m'assène plusieurs autres coups. Le sang dégouline de mon nez. Amer. Métallique. Malodorant. Des hématomes violets apparaissent déjà sur ma peau presque transparente. La vue floue, parsemées de centaines de mouchètes lumineuses, tout devient inconnu. Je reste là, à subir, allongée à terre, attendant la fin de cette énième crise de nerf.

Arrêter de résister est la meilleure solution. Je l'avais compris avec le temps. Je me livre alors à mon triste sort. Un nouveau coup s'abat, dans le dos cette fois-ci. Killian vient ensuite s'allonger à côté de moi, me prends dans ses bras et chuchote quelques mots doux. Un bourdonnement titille mes oreilles.

Je ferme les yeux. Je les ferme si fort que mes taches sur mes paupières s'agrandissent. Le monde est sombre. C'est moi qui sombre.

— Je t'aime Lyliana, tu es à moi et tu le resteras toujours. Plus jamais personne ne t'embêtera.

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vote pour ce premier chapitre au pdv de Lyly⭐⭐⭐

L'emprise du silenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant