18 - Esprit chamboulé

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Point de vue de Lyliana

Posée sur mon lit, le regard braqué sur le plafond, je me questionne. Dois-je vraiment prendre cette décision ? Après tout, je suis seule à présent. J'ai abandonné Liam, ne lui donnant plus aucune nouvelle, j'ai coupé les ponts avec ma famille et je n'ai pas non plus répondu aux messages de June et Ella après la soirée au bar que Liam aime tant.

Parfois quand je vais faire mes courses, je passe devant pour voir s'il est là, mais bien évidemment aucune trace de lui en journée. Sauf une fois, au petit matin. J'ai été courir et je suis passée devant, faisant un détour inconsciemment pensant l'y revoir un jour.

Et c'est arrivé. Une seule fois, je l'y ai vu avec ses potes. Ils devaient encore sécher les cours. Liam ne doit pas se rendre compte qu'il se met dans une terrible misère par rapport aux cours. Il risque son année tout de même. Mais il a l'air d'aller bien. Il rigole. Il ne doit déjà plus se soucier de moi. Ce fut la seule fois. Les autres jours, je passe en journée et il doit probablement être en cours.

Ça aussi j'ai laissé tomber. De toute façon, avec tous ces séjours à l'hôpital après mes chutes, j'ai déjà bien plombé ma moyenne. Cela ne sert donc à rien que je retourne en cours puisque j'vais de toute façon devoir recommencer mon année. Je me demande souvent si je leur manque.

Est-ce que mes amies s'inquiètent pour moi ? Est-ce qu'elles m'ont oubliée ? Et les amis de Liam, ils doivent me détester à présent, lui aussi doit me détester. Est-ce qu'il pense encore à moi ? Est-ce qu'il est vraiment sincère ? Et les profs, est-ce qu'ils se questionnent sur mon absence ? La seule réponse que je trouve à ces questions sont d'autres questions encore.

Et puis de toute façon, je suis transparente aux yeux de tous. Mon cur se serre à cette pensée. Il est trois heures du matin et je ne peux pas empêcher mon cerveau de tourner à plein régime. Sans rire, y'a pas un bouton OFF sur ce truc ? Histoire de m'enfoncer encore plus dans mon désarroi, je place mes écouteurs dans mes oreilles et enclenche une playlist composée de musiques tristes. Peut-être que je ne devrais pas faire ça. Mais trop tard, j'ai déjà commencé et je me laisse bercer par ces musiques. Une larme à l'il, je me lève du lit et me dirige vers un miroir qui est éclairé par la douce lumière de la lune. Je regarde mon reflet, soudainement prise d'empathie pour la chose que je vois dans ce miroir.

Je détaille cette image de moi qui apparaît : des cernes jusqu'aux pieds, un teint pâle, des yeux rougis par les torrents de larmes et surtout gonflés, attestant de ces longues heures passées à me lamenter. Me voir me dégoûte encore plus, je ne peux plus me regarder, je me dégoûte. Je suis moche, je suis un monstre à ses yeux et j'en suis devenue un aux miens.

Parfois je me demande si je dois vraiment rester en vie ? Au point où j'en suis, personne ne le remarquerait de toute façon. Si, peut-être Killian après quelques jours quand l'odeur de mon cadavre aurait commencé à envahir notre habitacle. Puis je me dis que c'est encore plus égoïste de lui faire ça. Pourquoi moi j'aurais le droit d'être apaisée alors que lui souffre par ma faute ?

Cette nuit, à quatre heures, je prends la décision de partir. Je prends un petit sac à dos et y fourre mon téléphone. Bien que pas très utile vu le nombre de notifications que je reçois, c'est-à-dire : aucune. Je me mets à tourner en rond dans ma chambre. Je ne sais même plus quoi mettre dedans. Sans rire, rien ne m'est utile ici ? La rage s'empare à nouveau de moi. Mon existence est vraiment futile. J'enfonce d'un geste sec un jogging et un pull dans le sac et l'enfile sur le dos. Mon portefeuille ! Enfin quelque chose d'utile. Je sors en trombe de la maison ne prenant même pas la peine d'atténuer mes pas pour ne pas le réveiller. À présent je me fous de tout.

Je me dirige automatiquement vers le parc. Ce n'est pas loin et étant donné que je ne sors pas beaucoup, il fait partie des rares endroits que je connais. Je m'assieds au bord de la fontaine. Entendre l'eau couler est apaisant. Je me calme petit à petit. Je dirige mon regard vers le ciel. Il y a beaucoup de nuages mais la lune parvient tout de même à transpercer cette épaisse brume.

J'aurais aimé être la lune, forte et lumineuse, heureuse. Parsemée de quelques trous symbolisant les étapes de la vie, et cette parfaite forme ronde représentant un avenir sans embûche. Mais non, je suis plutôt comme ce nuage là-bas. Petit, transparent, tout gondolé, me laissant emporter par le souffle de la vie.

Quelques minutes s'écoulent avant que je me lève et que je me décide à marcher à nouveau. Je me laisse guider par mes pas qui semblent savoir où aller. Tandis que j'avance, je sens des gouttes commencer à tomber. Puis c'est un orage qui arrive.

Je sors mon pull mais ne prends pas le temps d'enfiler le jogging. Il ne fait pas spécialement froid en mars alors un short me convient. Les rues sont désertes jusqu'à ce qu'une voiture s'arrête à mon niveau. Le cur haletant je continue de marcher mais la voiture avance à ma vitesse, la vitre teintée s'abaisse pour laisser apparaître un homme d'une cinquantaine d'années.

— Dites jeune fille, si j'étais vous je ne resterais pas seule dans la rue à une heure pareille.

Je réponds à moitié mais la voiture reste à mon niveau. Est-ce moi qui suis parano ou me suit-il vraiment ? Je tourne au coin de la rue et vois la voiture tourner également. Je me mets alors à courir et remarque que la voiture n'ira pas spécialement plus vite. Bon d'accord, ce n'est que mon esprit qui me joue des tours. Ce vieil homme doit me prendre pour une folle.

Je m'enfonce ensuite dans une petite ruelle inatteignable par les voitures, juste pour être sûre qu'il ne me suive pas. Je continue à avancer, c'est préférable. Faire demi-tour me paraît être une mauvaise idée, je favorise alors la deuxième option : revenir sur les chemins éclairés. La lumière des lampadaires ne parvient pas jusqu'ici. La ruelle fait un peu peur, étroite et sombre comme dans les films je m'attends presque à trouver un groupe de dealer ou de SDF ici.

Puis je me mets à rigoler toute seule face à cette ignorance presque attendrissante. J'ai dû regarder trop de films d'horreurs et de reportages policiers. Tout en rigolant j'entends, un bruit de métal devant moi. Je m'arrête d'un coup sec. Bon d'accord c'est juste mon imagination tout va bien aller... Je m'avance tout de même vers l'origine de ce bruit, mon cur continue à battre la chamade et mes mains tremblent.

— Il y a quelqu'un ?

Personne ne répond, juste un nouveau léger bruit, de papier cette fois-ci, vient interrompre le silence. Je place un pied devant l'autre d'une lenteur hors du commun et me dirige vers ce que j'identifie comme étant une poubelle de restaurant. Je soulève doucement le couvercle et mon cur s'arrête lorsqu'un chat me saute dessus. Mais quel abruti ! Il faut vraiment que je sorte d'ici avant de faire une crise cardiaque.

Je me mets alors à courir comme si quelque chose d'autre allait arriver. Puis je vois un point de lumière, c'est la sortie de la ruelle, je n'ai jamais vu un chemin aussi long. J'ai l'impression que plus j'avance et plus elle se prolonge. En sortant de cette artère sombre je tombe des nues. En face de moi se trouve la maison d'Ella

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