Point de vue de Lyliana
La soirée continue tranquillement. Les filles ont l'air de bien s'entendre avec les amis de Liam. Ça m'arrange bien, on peut être ensemble plus souvent comme ça. C'est aussi parce que je verrais plus souvent Liam, je dois l'avouer. Sa présence me fait du bien. Ça m'apaise d'être avec lui, je me sens en sécurité comme s'il représentait un mur infranchissable pour Kyllian. Comme si je suis enfin libérée de mes peurs.
Il devient de plus en plus beau à mes yeux et prend chaque jour une place plus grande dans mon cur. Malgré tout, je suis perdue. J'aime Kyllian et ce, depuis plusieurs années déjà. Je ne peux pas abandonner mes sentiments pour lui aussi facilement.
— Dis-moi, comment se fait-il que tu connaisses autant de monde ici ? Dis-je à l'intention de Liam.
— Ma mère travaillait ici avant, elle m'emmenait toujours avec elle. J'adorais venir ici et siroter mon petit jus en écoutant les gens chanter. Les années passent, et tu dois bien te douter que j'ai fini par connaître tous ceux qui venaient régulièrement ici.
— Tu ne m'as jamais parlé de ta mère. Comment est-elle ? Pourquoi elle ne travaille plus ici ?
— Elle était une femme extraordinaire. Toujours là pour aider son prochain. Dès qu'elle entrait dans une pièce, on sentait une chaleur immense nous transpercer. C'était un rayon de soleil, un bonheur qui nous envahissait dès qu'on la voyait. C'est mon exemple encore aujourd'hui. C'est pour ça que j'aimerais travailler ici, en hommage à elle. À la vie qu'elle a menée et au nombre de personnes qu'elle a fait sourire rien qu'en un regard.
Je me décompose face à ces informations. Je suis partagée entre de la peine pour lui et la curiosité, c'est humain, c'est normal de vouloir savoir, mais ce n'est pas toujours bien de vouloir en savoir trop.
— J'avais treize ans quand c'est arrivé.
Je le stoppe, lui disant qu'il n'est pas obligé de continuer, mais je vois dans son regard qu'il veut finir son histoire. C'est un garçon assez pudique au niveau de ses sentiments. S'il veut se libérer d'un poids, c'est qu'il doit vraiment en avoir besoin. Je prends sa main pour lui donner du courage. Il la serre un peu plus, et je le vois s'apaiser face à mon contact. Il souffle un coup et reprend :
— J'avais treize ans, on revenait un soir de ce café. Elle était restée un peu après son service au bar pour me faire plaisir. Bien que j'étais jeune, c'était les grandes vacances, alors elle ne s'inquiétait pas de l'heure à laquelle j'allais me coucher. Elle avait croisé une vieille amie à elle au bar, et elles avaient bu ensemble. Une heure s'écoula, puis deux, puis trois, et il était déjà plus d'une heure du matin. Elle décida qu'il était temps de rentrer. Je ne m'étais pas aperçu tout de suite qu'elle avait trop bu. À mon âge, je ne savais même pas ce que ça faisait quand on était bourré. Tout s'est passé très vite après ça.
Nous prenions sur l'autoroute pour rentrer, elle conduisait beaucoup trop vite, je me souviens de la peur que j'ai ressentie quand je l'ai vu passer de plus en plus de vitesse. Elle essayait de dépasser toutes les voitures pour rentrer le plus vite possible. Une voiture changea de voie au moment où ma mère allait la dépasser. C'est arrivé trop vite, elle n'a pas eu le temps de réagir. Nous avons percuté l'autre voiture, le conducteur a été tué sur le coup. Ma mère était aux soins intensifs, mais elle n'a pas survécu.
Moi, je m'en étais bien sorti, seulement deux côtes cassées et des bleus un peu partout. Je suis quand même resté quelques jours à l'hôpital pour voir si je n'avais pas de traumatisme suite à l'accident. Malgré l'alcool qu'elle avait ingurgité, elle avait gardé son instinct maternel, et elle a fait en sorte de me protéger avant le carambolage.
Une larme coule le long de sa joue, raconter tout cela doit être dur pour lui, revivre ces événements doit être atroce.
— C'était il y a cinq ans et pourtant je m'en souviens toujours aussi bien. Je me souviens de chaque détail. De l'odeur de l'alcool dans la voiture, à l'odeur de la voiture voisine qui avait pris feu après le choc, jusqu'au son des ambulances avant de m'évanouir. C'était traumatisant de voir sa mère mourir à petit feu et de ne rien pouvoir faire.
J'essuie la larme qui coule encore sur sa joue et le prends dans mes bras. Il me serre contre lui avec toute la peine du monde réunie en une personne.
— Tu sais pourquoi je tiens autant à toi Lyly ? Tu me fais penser à ma mère, une personne rayonnante, même si tu étais très discrète en cours, que tu ne parlais presque pas, que tu avais l'air éteinte. Je voyais en toi quelque chose. Que ce soit ton rire si communicatif ou le fait que tu fasses tout pour que les autres aillent bien. Tu es une personne fabuleuse et pleine de vie. Tu ne mérites pas ce qu'il t'arrive, il articule sa dernière phrase d'une voix basse afin que je sois la seule à l'entendre.
Là, c'est mon tour de verser une larme.
— C'est une situation compliquée, je ne sais plus où j'en suis Liam. Je tiens tellement fort à toi. Tu as pris une place à part entière dans ma vie maintenant. Mais d'un autre côté, il y a Kyllian, et je ne sais pas comment réussir à m'en défaire. Tu n'imagines pas à quel point je suis heureuse quand je suis avec toi. À quel point je me sens bien et en sécurité. Mais je ne voudrais pas qu'il t'arrive quelque chose si Kyllian te voyait avec moi. Il est capable du pire, et je ne pourrais pas me le pardonner.
— Bon, le roman à l'eau de rose, c'est fini, les deux-là, on se fait un petit karaoké ?
Cela m'étonne fortement de la part de June, qui, d'ordinaire, déteste avoir l'attention sur elle. Elle m'atteste simplement qu'en dehors du lycée, elle peut réellement être elle-même, puis court jusqu'au gérant du karaoké.
Lorsqu'elle commence à chanter, nous nous regardons tous ébahis. Elle chante divinement bien. Pourquoi ne nous l'a-t-elle jamais dit ? Ça doit être génial d'avoir un tel talent ! Quand elle finit son morceau, nous la poussons à y retourner, et c'est sur ce ton joyeux que la soirée touche à sa fin.
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L'emprise du silence
RomanceJe reste là, à subir allongée à terre, attendant la fin de cette énième crise de nerfs. Arrêter de résister était la meilleure solution. Je l'ai compris avec le temps. "Tu parles, tu meurs", c'est ce qu'il ne cesse de me répéter. Alors je ne dis ri...