Jour 1 - IV

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Je déglutis à l'entente de sa voix ténébreuse.

Dragtan aurait été un bel homme – pour son âge – s'il ne marchait pas en rond avec ses stupides ornements et babioles. Enfilées autour de ses doigts, il portait de larges bagues en or massif.

Il m'avait été enseigné de ne jamais gaspiller l'argent à des objets sans intérêt... Sans doute était-ce mon opinion plus que celle d'autrui ?

– Je dois admettre que je trouve ça bien de votre part à toi et tes acolytes que vous ayez réussi. Peu de gens connaissent l'existence de cette porte au grenier, raison pour laquelle je suis curieux de connaître l'identité de celui ou celle qui vous l'a révélée.

Lorsque je pinçai les lèvres, il rigola. Il piétina le sol du pied jusqu'à moi, me tint le menton douloureusement et tourna mon visage vers le sien. Têtue comme une mule, je le fixai droit dans les yeux, lui prouvant ainsi n'en avoir aucune crainte.

– Qui t'a envoyée, fillette ?

Je rassemblai un tas de salive dans ma bouche et le lui crachai à la figure. Son expression faciale ne se modifia pas le moins du monde ; avec une lueur stoïque, il essuya de la main le crachat de son œil.

– Tu as volé la Pierre de Guérison, chuchota-t-il devant mon visage avant de laisser ses doigts errer le long de mon cou en m'arrachant le collier de la nuque, dont la corde se brisa avant que les perles roulassent à nos pieds. Et puisque ce n'est pas mon problème, tu te justifieras avec mon fils.

Je haussai les sourcils, abasourdie à ses mots. Ce n'était pas son problème ? Je venais tout juste de dérober un objet dans sa maison – dans sa chambre, même ! – et ce n'était « pas son problème » ?!

La porte s'ouvrit sur un jeune homme qui pénétra dans la chambre. De sa main droite, il soulevait le col de Layla qui donnait des coups de pied dans les airs et pleurait particulièrement fort, et la jeta avant qu'elle atterrît à mes côtés sur le sol de pierre avec un gros bonk sonore. Je l'attirai vers moi, et la pris conciliamment dans les bras en lançant un regard bouillant au garçon, qui sourit insouciamment.

– Ashara, c'est ça ? interrogea Dragtan en jouant avec les bracelets sur son poignet ; il les tournait d'un côté et de l'autre, gigotant les franges qui les décoraient. Voici mon fils Fernandez. Il prendra en main ton interrogatoire dans le but de retrouver la Pierre, qui a plus d'importance à ses yeux qu'aux miens.

– Va avec lui. Ainsi, ta sœur et moi pourrons discuter. Pas vrai, Layla ? demanda-t-il après s'être courbé sur le tapis et m'avoir pris Layla des bras.

– Si tu t'avises de toucher ne fût ce qu'un de ses cheveux, l'avertis-je, provoquant un grand rire de Dragtan.

– Alors quoi, fillette ? Que vas-tu me faire. Tu es ma prisonnière. Pour cette raison, je suis ton supérieur. Retiens bien ça.

Je retroussai ma lèvre supérieure et pestai contre lui d'une manière animale.

Fernandez m'empoigna par les cheveux et me trimballa à travers le voile de perles à l'extérieur sur le balcon. Et dire qu'une heure plus tôt je sautais par dessus le corps du garde, pensai-je. Je regardai l'endroit, sous la trappe où il était allongé. Il n'y avait plus trace de sang, cependant, la substance avait laissé derrière elle une tâche rose clair sur les pierres couleur sable.

Fernandez m'emmena jusqu'à la balustrade du balcon. C'était une grosse bande blanche sur la pierre, où des mains habiles avaient sculpté de magnifiques figures. Je scrutai la rue après que Fernandez me poussât violemment sur la rambarde. À environ vingt mètres de moi pendaient les cages avec leurs carcasses grignotées.

Rubis de SangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant