Jour 2 - V

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– Qu-quoi ? balbutiai-je. De quoi parles-tu ?

– Dès que cette pierre sera brisée, je mourrai, dit-il en secouant la tête après s'être éloigné de moi et avoir glissé sa main sur son visage alors qu'un petit grognement échappait entre ses doigts. L'empereur Shivan va en abuser afin de se réapproprier Entremonts.

– Pour se réapproprier Entremonts ? répétai-je, n'y croyant pas.

– Il va forcer mon père à rendre Entremonts et quand celui-ci refusera...

Les yeux de Fernandez s'écarquillèrent et il s'empara d'un vase coûteux et laid sur la table avant de l'éclater contre le mur. L'objet se cassa en morceaux puis la céramique tomba avec un tintement triste sur le sol.

– Mon père n'y consentira jamais.

– Ne consentira jamais à quoi ?

– À rendre Entremonts, grogna Fernandez. Il ne le fera jamais. Il ne le fera jamais pour moi.

– C'est ton père ! Bien sûr qu'il ferait ça pour toi !

Un bougonnement animal s'échappa de sa gorge et je tins ma langue.

Fernandez était abattu. Il se soutenait à la table avec sa main et je supposais que c'était trop d'un coup pour lui car il pivota sur lui-même. Sa tête pendait, ses mèches mouillées et glissantes formant un rideau le long des ses joues.

De nouveau, je contemplai son dos, incrédule, la peau tendue sur ses os qui fripait.

Je m'avançai lentement et prudemment vers lui, comme si je tentais d'aborder un animal blessé et j'avais peur qu'il s'enfuît, ou pire, qu'il m'attaquât.

Lorsque je fus juste à côté de lui, je posai une main sur son dos.

Il sursauta. Comme si le bout de mes doigts était bouillant et il s'était brûlé. Il lança un regard derrière son épaule, embarrassé et effaré.

Fernandez ouvrit la bouche, vraisemblablement pour me faire la morale ou quoique ce soit d'autre. Pourtant, rien ne s'en échappa. Sa peau faisait des vagues contre la mienne, se transformant en relief sous mes doigts. Ses muscles, eux, étaient bandés à cause de la tension, du stress et de la gêne.

Je laissai mes doigts vagabonder plus vers le bas, caressai son dos défiguré.

– Je... sortit de sa bouche, néanmoins aucun son n'y succéda.

Fernandez me laissa faire, admirer son dos et le toucher, sans se retrancher ou se soustraire à mes gestes.

Sa respiration était rapide. Saccadée. À chaque bouffée d'air qu'il inspirait, ses côtes se soulevaient et sa peau striée se pressait sur ma main.

– Combien de gens savent ceci ? m'enquis-je d'une voix rauque.

– Mon père et quelques chefs d'armée, répondit-il en agitant la tête, ce qui fit dégouliner les gouttes suspendues dans ses cheveux qui se mélangèrent à ses marques. Shae, évidemment. Peu de gens. C'est ma faiblesse. Seuls mes proches peuvent le savoir.

Fernandez étreignit si fort la table que ses doigts en blêmirent.

Il pivota sur ses talons, faisant glisser ma main de son dos, et m'enserra les poignets.

– Pratiquement personne ne sait cela parce que c'est une information qui peut être utilisée contre moi. Et je préfère garder ça ainsi. Asha, si tu dis ça à quelqu'un, alors...

– Je comprends, l'interrompis-je. Et je ne le raconterai à personne. Je le promets, jurai-je avant qu'un silence dramatique s'abatît, après quoi je marmonnai : Aussi longtemps que tu promets qu'on s'occupera correctement de Layla.

Rubis de SangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant