BROOKLYN
Nous sommes le 20 février. Il fait encore un peu froid. Assises sur le banc devant le bâtiment de l'école, Charly et moi attendons la fin de la pause déjeuner.
— Qui fixes-tu comme ça ? me demande-t-elle.
Parfois, certains garçons jouent au baseball sur le terrain qui jouxte la cour. Je crois que c'est par là que je regarde. Le batteur frappe la balle avec force. Un bruit sourd se répercute en écho et des voix s'élèvent ensuite. Ça attire mon attention inévitablement.
J'humidifie mes lèvres devenues sèches.
— Personne.
Depuis quelques temps, je ne vois que du brouillard.
— Tu viens toujours chez moi, ce week-end ?
— Tes dernières photos sont trop cool, bébé !
Je lance un regard aux élèves qui viennent de scander cela. Elles imitent approximativement les pauses de mes dernières séances photos avant de s'éloigner en ricanant.
— Vous n'en avez pas marre de la harceler ?! lance Charly, scandalisée. Et toi, pourquoi tu baisses les yeux ? Tu as quelque chose à te reprocher ?
Pourquoi mon amie s'agace ?
— Non.
— Alors relève la tête et envoie leur ton majeur, merde. Pendant combien de temps tu vas jouer les victimes !
Charly paraît vraiment contrariée.
Que puis-je y faire ? Je vis cela tous les jours depuis mon rendez-vous manqué. On me tire les cheveux en cours ou on tape dans ma chaise. Certaines de mes affaires disparaissent. Parfois, je rentre à la maison avec des marques de ciseaux dans mes vêtements.
— Je t'ai pris un jus de fruit, lui dis-je, pour l'apaiser. De la pomme, ce que tu préfères, je crois.
Elle paraît surprise et récupère la boisson en soupirant.
— Merci..., marmonne-t-elle.
Les moqueries, les méchancetés et les choses que l'on dit de moi ne me touchent plus autant que ça. Si je ne réponds pas, je sais que ces personnes passeront leur chemin. Et surtout, j'ai découvert ces derniers temps qu'il y avait des choses bien plus difficiles à supporter.
— Bon, où j'en étais. Ah oui, mon frère m'a juré que ses potes ne viendraient pas.
Une fille brune passe devant le banc et Charly devient livide. Toutes les deux se font un signe quasi imperceptible et s'échangent un « salut » minuscule.
— C'est mon ex-meilleure amie, m'informe-t-elle morose. Tu te souviens.
Je fais oui de la tête.
— Je pensais que vous ne vous parliez plus.
— On ne se parle plus. C'est du fake, m'apprend-elle.
— Je ne comprends pas.
— On fait semblant quoi.
— Pourquoi ?
— Je ne sais pas. Je suppose que ça arrange tout le monde. On joue les faux-culs. C'est comme ça.
— Les faux-culs ?
— Tu ne sais pas ce que ça veut dire ?
— Si, bien sûr. C'est une armature métallique placée sous la jupe, au-dessus des fesses, comparable au pouf utilisé à partir de 1875...
— Qu'est-ce que tu me racontes ? Le mot « faux-cul », c'est de l'argot. Du langage familier si tu préfères. Comme une expression.
— Je n'ai pas lu beaucoup de livres sur l'argot. Il est vrai que je ne connais pas non plus le sens contextuel de toutes les expressions de la langue populaire. Il y a longtemps, j'ai lu un livre sur les expressions traditionnelles. Il s'appelle, les « expressions décortiquées ».
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Under Your Appearance - S. 1 : How a good boy becomes bad
RomanceDisponible en version complète sur Amazon Mannequin depuis le berceau, Brooklyn n'a que six ans lorsqu'elle est élue la "plus jolie petite fille du monde". Sous son apparence parfaite et l'indifférence du monde adulte, son trouble autistique est fac...