BROOKLYN
Je ferme la porte derrière nous et laisse Cameron parcourir du regard mon univers. À ce moment-là, entre ces quatre murs, j'ai tout ce dont j'ai besoin.
Ma décoration est plutôt classique comparée à celle de sa chambre. Un peu froide aussi, je l'avoue. Les hautes fenêtres à croisées laissent entrer les lueurs pâles de l'après-midi. Les murs et les plafonds sont blancs, ornés de moulures, le plancher — un parquet d'époque — grince par endroits.
Tandis que la chambre de Cameron est toujours désorganisée, mon côté méthodique aime que chaque objet ait et soit à sa place, dans le sens que j'ai choisi.
Je dispose d'un dressing, caché derrière deux portes en bois, qui compile les nombreuses pièces provenant de mes shootings. Ça fait partie de mes contrats. Je garde ce que je porte. Comme je n'ai aucun intérêt pour la mode car je préfère ce qui est pratique et confortable, et n'aime pas me changer en général, je repars avec les habits avec lesquels j'ai été photographiée. Comme aujourd'hui.
Cameron évolue dans la pièce, faisant sciemment abstraction de mon lit qu'il survole comme s'il n'existait pas. Lorsqu'on est chez lui, c'est assez petit pour que nos corps se rencontrent sans que l'on ne le cherche vraiment. Mais dans ce si grand espace, j'ai l'impression que le volume de la pièce est un obstacle.
Son regard dévie sur l'entrée de la salle de bains attenante, puis revient sur la droite.
— Il est superbe, fait-il en désignant le piano.
Cet instrument est ce que je possède de plus précieux. Un Bösendorfer. Sa sonorité est à la fois puissante et chantante. Je me réfugie derrière sa force, sa voix que je n'ai pas.
— Je peux ?
Je hoche le menton. Cameron se dirige vers lui, le détaille. Mon corps se tend lorsqu'il s'installe sur le petit banc qui y fait face. Personne n'a jamais pris cette place mis à part moi. Personne n'en a eu le droit, jusqu'à lui.
Ce garçon est assis devant mon piano. Mon monde. Mon histoire.
Mon pouls s'emballe.
Cameron joue quelques notes, ce qui, dans ce silence qui nous entoure, me procure mille frissons. Il paraît si calme, alors que mon cœur n'en finit plus de battre lourdement.
— Il doit coûter une fortune.
— 187 806,20 dollars, lui apprends-je.
Cameron se raidit.
— Waouh ! À ce prix-là, je ne comprends pas les 6,20 malheureux derniers dollars.
Il rit et c'est plus beau qu'un début de partition.
Je m'adapte à sa présence plus facilement que je ne l'aurais pensé. Je m'habitue à le voir là, comme s'il avait fusionné avec le tout de ma vie.
— C'est parce que je viens de convertir l'Euro en Dollars. Nous l'avons acheté à Vienne, en Europe.
— Ah ok.
L'envie de rire lui est passée. Pensif, il fixe le front du piano.
— Jamais je n'aurai les moyens de t'acheter ça... murmure-t-il.
— Tu veux acheter quoi ?
Il fronce le haut du nez, tout en clignant des paupières.
— Laisse. Je me parlais à moi-même.
— Ah.
— Tu as terminé les exams de ton côté ? me demande-t-il d'une voix changée.
— Oui. Et toi ?
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Under Your Appearance - S. 1 : How a good boy becomes bad
RomanceDisponible en version complète sur Amazon Mannequin depuis le berceau, Brooklyn n'a que six ans lorsqu'elle est élue la "plus jolie petite fille du monde". Sous son apparence parfaite et l'indifférence du monde adulte, son trouble autistique est fac...