Prologue : À quai.

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Vendredi 27 août 2010

Un train comme un autre, un train quotidien faisant la liaison entre la capitale, Paris, et l'est de la France, Strasbourg. Un train transportant certainement plus de 100 personnes, beaucoup trop pour elle, pour cette fille, tellement malheureuse. On peut le lire sur son visage, sur son corps. Elle est recroquevillée contre la fenêtre, la musique de son smartphone dans les oreilles, le volume beaucoup trop fort. Les chansons ? Elle les connait par cœur, elle ne les a pas changées depuis 5 mois et 10 jours exactement, le jour où sa vie a changé. De toute manière elle ne les écoute pas vraiment, elle est ailleurs, elle perd son regard dans le paysage, ne se préoccupant pas des trois garçons à côté d'elle, dans le même compartiment qu'elle. Un petit, et deux grands, certainement frères. Ils se chamaillent et rigolent à tel point que les autres voyageurs ne cessent de leur lancer des regards désapprobateurs, mais ils s'en fichent, ils ont le droit de faire ce qui leur semble bon. Et puis leur voisine ne les remarque pas, alors peu importe.

Deux heures plus tard, ils arrivent, enfin, à entrevoir le centre de Strasbourg. Cette ville si petite pour elle, par rapport à Paris, ce n'était rien... Et encore, elle savait que ce serait pire dans quelques minutes ... Strasbourg n'était pas sa destination finale. La jeune brune allait découvrir le centre Alsace, les villages... La province, quelques kilomètres plus loin. La jeune fille n'y voyait qu'une région dans laquelle on l'obligeait à aller. Là où elle avait été envoyé pour "aller mieux", pour avoir une vraie "structure familiale". Elle éteignit sa musique et se prépara mentalement à sortir du train. En bonne claustrophobe et agoraphobe qu'elle était, elle se prépara également à sortir de sa bulle musicale. Et elle réalisa,comme une claque qu'on lui donnait, qu'elle était enfermée. Elle eut l'impression de revenir à la surface, après une longue apnée et elle se rendit également compte qu'elle était entourée d'inconnus. Sa respiration s'accéléra, elle ne pouvait pas faire de crises d'angoisse maintenant. 

Bien sur, un de ses voisins remarqua son étrange état, il s'agissait du plus âgé des trois. Mais il la surveilla juste, il n'osa pas lui parler. Elle avait été trop distante tout le voyage, ils s'étaient à peine dit bonjour et elle n'avait pas l'air de chercher de l'aide. Ils arrivèrent enfin sur le quai, après qu'elle ait fait preuve,pendant 5 minutes et 42 secondes, un record pour elle, de self-control. Elle se leva rapidement. Mais les trois frères, bien trop polis pour s'imposer dans la file de personnes sortant du train,n'osaient pas s'interposer, et elle n'arrêtait pas de pester. Intérieurement, contre eux. Quand ils arrivèrent enfin à rentrer dans la file les amenant au bout du couloir, la jeune fille frêle et petite du reprendre sa valise, bien trop lourde pour elle. A Paris, elle avait demandé de l'aide sans problème, chez elle, elle n'avait aucune gêne... à Strasbourg, tout lui paraissait différent, étranger... tellement provincial. Le cadet des frères vit dans son soupir le signe qu'elle n'arriverait pas à porter sa valise toute seule.

-Je te la descends, si tu veux ?

Elle le regarda à peine et murmura un « merci » quasi inaudible.
Ils arrivèrent sur le quai, et elle eut un flash. Sa guitare, SA guitare, elle l'avait oublié. Elle n'avait eu d'autres choix que de la mettre à l'autre bout de l'allée, la place réservée aux bagages dans le compartiment était bien trop petite, elle avait été dans l'obligation de séparer ses bagages à deux endroits différents. Elle laissa sa valise en plan et remonta comme une furie dans le train, en courant. Elle arriva au bout du train et vit le plus âgé de ses voisins ouvrir son étui à guitare, le même qui avait remarqué son état anxieux à l'arrivée du train. Que faisait-il, à ouvrir sa housse ?!

-Hé ! Mais ça va pas, qu'est-ce que tu fous avec ma guitare ?!

Elle ne le regarda pas. Elle se précipita vers lui, le bouscula pour qu'il s'enlève de son chemin, referma l'étui et le prit dans sa main dans la seconde qui suivit.

-On se calme c'est bon ! - il n'avait pas l'intention de laisser une inconnue lui parler comme ça - On a exactement la même housse, je vérifiai quelle guitare était la mienne, et puis entre nous, si t'as été capable de l'oublier, c'est que tu ne dois pas tant y tenir que ça !

Elle se retourna, le regarda prendre une autre housse en main. Effectivement, ils avaient, par hasard, exactement le même modèle. Elle se lacéra la lèvre inférieure nerveusement, elle avait exagéré, comme toujours. Elle avait été injuste, et elle détestait l'injustice, donc, à ce moment précis, elle se détestait, elle.

-Tu n'as pas de nom dessus ?

Elle tenta de se défendre, du mieux qu'elle pouvait.

-Et toi alors ? Je n'ai rien vu ! Je ne me serai jamais permis d'ouvrir ça sans raison !

Il marquait un point, aucun nom sur sa housse, aucune étiquette. Et apparemment, il en était de même pour celle du jeune homme.

-Désolée, alors.

Elle fit demi-tour, il soupira bruyamment... Les gens pouvaient être tellement agressifs, pour si peu, ces comportements le dépassaient.

-Pas grave...

Il avait murmuré ces mots, plus pour lui que pour elle, et en secouant la tête légèrement de droite à gauche, il prit sa guitare et sortit, juste après elle du train. Attendu par ses frères, il ne prit même pas la peine de leur raconter la scène qui venait de se produire.

Elle, était déjà loin, devant la gare, à attendre au dépose minute son oncle et sa tante, chargée comme une mule. Tout ce qu'elle voulait,à ce moment-là, c'était rentrer, et dormir, juste dormir, seule dans un lit. Ils arrivèrent après deux trois minutes d'attente. Son oncle se précipita vers elle pour la décharger, et, fidèle à elle-même, elle ne put s'empêcher de réagir agressivement.

-Je suis pas éclopée Christophe ! Juste dépressive.

Les Vignes de la TendresseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant