Chapitre 1 : La fille du train (1/2)

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Très déçue, la jeune femme posa sa valise et sa guitare dans le coffre du cabriolet. Elle aurait aimé que sa cousine, que sa Mina chérie, sa « Mimi » qu'elle n'avait pas vu depuis le jour fatidique, la serre dans ses bras et la rassure sur cette nouvelle vie qui l'attendait. Mais il n'en était rien. A la place, son cœur se serrait à intervalle irrégulier, revoyant sa vie passée défiler dans son esprit. Il ne lui restait qu'à découvrir les rues de Strasbourg et les paysages alsaciens. Elle redoutait tellement, cette région. Elle avait peur de l'inconnu, et c'était une peur qui la paralysait. Dans son cas, personne ne lui laissait le choix, elle allait devoir affronter sa nouvelle vie, seule. Elle laissait ses cheveux bruns, lisses et dégradés flotter au gré du vent dans la ville, son oncle sortant la capote du cabriolet lorsqu'ils montèrent sur l'autoroute. Elle n'avait même pas retenu le nom de la ville où ils avaient déménagé il y a un an de ça. Elle le sentait, cette ville, cette région, allaient changé sa vie. Mais elle ne savait pas dans quel sens, et à cette seule pensée, la peur l'envahissait, encore. Elle était lâchée dans la nature, isolée, triste et souffrante. Arrêtés à un feu rouge, à quelques centaines de mètres de sa future maison, sa tante se décida à briser le silence, pesant.

-Mina te demande de l'excuser, c'est son dernier jour à son job d'été, ils organisent un apéro avant la fin, et ensuite elle reste un peu avec son petit-ami qui est rentré aujourd'hui de vacances.
-D'accord.

Indifférente. Une apparence, ce n'était qu'une apparence. Elle était blessée, à croire que Mina n'en avait rien à faire de son retour. Et puis à quoi bon parler avec les parents de cette dernière, ils ne la connaissaient pas. Elle avait changé, était plus sombre et plus absente qu'auparavant. Elle ne voulait plus faire d'efforts, la vie n'en valait pas la peine. Au bout d'une bonne demi-heure de route ils arrivèrent devant la maison moderne d'un quartier résidentiel, quartier prisé mais accessible tout de même. Une maison blanche, grande, immense même pour elle, vraiment belle qui reflétait le soleil jusqu'à éblouir les yeux verts de la jeune fille.

Elle prit sa guitare, faisant plaisir à son oncle Christophe en lui laissant sa valise, beaucoup moins lourde que ce qu'il pensait. C'est vrai, elle n'avait emmené que le nécessaire, sachant très bien que dans cette région, il faisait soit très chaud, soit très froid, alors qu'à Paris, le temps était souvent morose. A quoi bon se charger ? Elle allait faire du shopping avec sa cousine, et cette dernière, elle le savait, ne demandait que ça. Elle rentra dans la maison et se dirigea vers le jardin. Il était terriblement grand, elle qui était habituée à son appartement de Paris (certes très grand et avec une belle vue sur la Tour Eiffel) était surprise d'avoir à présent tant d'espaces. Une piscine ovale était creusée, piscine d'au moins 5 mètres sur 12 et pourtant, le jardin restait très vaste, un panier de basket était aménagé, de même qu'un filet de volley-ball. Cette maison dégageait beaucoup de bonheur, de plénitude et d'amour, elle n'y était pas habituée, pas du tout. Sa tante s'approcha d'elle et posa une main sur son épaule.

-Tu viens ? Je te montre ta chambre.
-J'arrive Anna.

Elle scruta encore quelques instants ce si beau jardin et suivit sa tante dans la grande maison. Elles montèrent un escalier, la jeune brune ayant toujours sa guitare en main. Elles entrèrent ensemble dans la deuxième pièce sur leur gauche. Une grande chambre aux murs blancs se dressait devant elle, un lit deux places avec des draps frais, une armoire à sa disposition, beaucoup trop grande pour le peu d'affaires qu'elle avait amené et un bureau vide, à l'exception d'une photo de sa cousine et elle, quand elles n'étaient encore que deux gamines innocentes et heureuses... "la belle époque"pensa-t-elle.

-Je te laisse t'installer. On t'appellera pour le diner.
-D'accord.

Sa tante la prit dans ses bras, inhabituel pour la jeune fille qui n'était plus habituée à recevoir de marque d'affection, elle se força à lui sourire pour la rassurer, même si sourire était loin d'être naturel. Elle avait toujours détesté mentir, mais les derniers temps, les mensonges faisaient partis de son quotidien, ne serait-ce qu'en prétendant aller bien et en rassurant les gens sur son état psychologique. Sa tante s'éclipsa, la laissant seule avec elle-même. Elle posa son étui à guitare et en sortit directement son instrument. Elle se posa sur le lit vert et brun qu'elle ne connaissait pas, et plaqua des accords, se laissa aller, et respira vraiment pour la première fois de la journée. Sortir ses affaires et les ranger ? Non, elle n'en avait pas envie, cet acte aurait signifié qu'elle était vraiment là, loin de chez elle, et ceci, malgré elle.

Les Vignes de la TendresseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant