trente-deux

5.9K 268 34
                                    

leena ;

Je grimace en essayant de passer à travers la foule, avant de sourire quand j'aperçois Azalée danser au milieu de la piste.

Seule.

Je reste immobile un moment et la regarde se déhancher, toujours avec le sourire aux lèvres.

Les hommes aux alentours de la métisse ne voient qu'elle.

Azalée est la femme la plus indépendante que j'ai pu connaître de toute ma vie, la plus douce, la plus fidèle. La plus vraie. Elle m'a sauvée.
Dès la première seconde où elle s'est installée à côté de moi dans l'avion, elle a su prendre une place importante dans ma vie.

Elle m'a écouté, m'a conseillé, m'a accompagné. Et je lui en serais éternellement reconnaissante. Car sans elle, je ne serais peut-être pas là, dans cette boîte de la capitale.

- Excuse-moi, t'es toute seule ?

Je me retourne et souris à l'inconnu devant moi.

- Euh... Non, je suis avec ma copine

Il regarde derrière moi en essayant de repérer Azalée que je viens de désigner d'un signe de tête.

- Elle est occupée ta pote là, ça te dit d'aller boire un verre ?

- Je ne bois pas

Il hoche la tête.

- Fumer une clope ?

- Je ne fume pas

- Danser ?

- Je ne sais pas danser

Je souris brièvement et coupe court à la discussion en tournant les talons, pour retrouver mon amie qui hausse les sourcils en me voyant. Je pose ensuite ses avant-bras sur mes épaules tout en continuant de danser.

Son sourire s'accentue pendant qu'elle approche son visage du mien pour chuchoter près de mon oreille :

- Tu vas te retourner, faire genre d'aller à notre table, et regarder droit devant toi

Je fronce les sourcils.

- Hein... ? Mais pourquoi ?

- Il est là

J'écarquille les yeux et me retourne en sentant mon cœur battre plus fort.
Il est devant moi, pourtant je n'arrive pas à le voir complètement, à cause du monde qui passe entre nous, à cause de la lumière qui bouge sans cesse, et à cause de ma vue qui me joue des tours.

- Va le voir

Je secoue la tête alors qu'Azalée reste derrière moi.
Mathieu me regarde aussi, et je n'ai même pas le courage de vérifier s'il est seul, ou s'il est avec les gars.
Je reste juste planté là, sans avoir quoi faire.

Je reviens à la réalité quand il penche sa tête sur le côté, sans pour autant qu'il arrête de m'observer, son geste me pousse à m'avancer, je crois halluciner quand je vois qu'il fait la même chose que moi, et ça ne fait qu'augmenter mon rythme cardiaque.

J'ai encore mal au ventre.

Je ris intérieurement quand je retrouve toutes ses émotions que je croyais ne plus jamais ressentir.

A présent face à lui et bien trop proche, j'ai l'impression de mourir lorsqu'un sourire apparaît sur son visage, qui a tellement changé.

Ses traits sont restés les mêmes, mais le temps les a perfectionné.

Je souris à mon tour, sûrement niaisement, en prenant soin de détailler tout ce dont je me suis privé. En ne pouvant m'empêcher de me demander ce qu'il se serait passé si j'étais resté.

On n'a pas dit un mot, la musique qui passe et qui nous entoure se charge de faire le discours.
Pourtant j'ai l'impression d'échanger bien plus que d'habitude.

Ses yeux.

Ses yeux me parlent.

Et je ris avant de commencer à laisser couler quelques larmes.

De soulagement, de peine, de joie.

Il fronce les sourcils pendant que mes paupières s'abaissent, et je sens sa main retrouver ma joue.
La sensation de sa peau contre la mienne mêlé à l'ambiance de la boîte de nuit me fait perdre pied.
Encore plus lorsque ses bras s'enroulent autour de moi, et que je me retrouve contre lui, en parfaite position pour pouvoir sentir son parfum, et entendre sa voix me murmurer :

- Je te déteste...

J'ouvre les yeux, et mes mains retrouvent à leur tour son dos pour l'approcher un peu plus de moi.

Je ne lui réponds pas, et profite du mieux que je peux de ce qu'il m'offre, bien consciente que c'est déjà énorme de sa part. Car ça fait bien un mois qu'on ne s'est pas revu, et qu'avant ça on ne s'est pas calculé plus que ça, simplement car je n'ai pas envie de me pointer dans sa vie après tout ce que j'ai fait.

Et j'ai aussi bien compris qu'il veut avancer.

Alors je me recule légèrement, à contre cœur, pour qu'on se retrouve à nouveau face à face.

Il ne sourit plus, moi non plus d'ailleurs. Comme si on venait juste de voler quelques minutes de trêve, pour reprendre là où on s'est laissé.

- Tu me détestes ?

Il hoche la tête pendant que je baisse la mienne.
Et quand je la relève, je ne peux m'empêcher de me sentir coupable, encore.

- Plus jamais Leena

Mes sourcils se froncent alors que mon esprit me ramène trois ans plus tôt, quand nous étions chez lui, et que je lui avais dit qu'il ne fallait plus qu'on s'embrasse pour qu'au final on réitère nos bêtises dix minutes plus tard.

Sauf que là, c'est lui qui prend cette décision, et il semble être sérieux.

Alors j'hoche la tête, avant de la secouer pour montrer mon désaccord. Mais il ne réagit pas. Il ne bouge pas.

Et moi je me sens mal. J'ai encore le ventre noué et une difficulté soudaine à avaler ma salive.

Puis Mathieu se décale pour passer à côté de moi avant de s'arrêter à hauteur de mes épaules et d'approcher son visage de mon oreille pour articuler :

- Une fois, pas deux

Je ferme brièvement les yeux et le vide m'habite quand il commence à partir. Je me retourne pour l'observer s'en aller. Sans qu'il regarde ne serait-ce qu'une seule fois derrière lui.

Alors je me précipite vers la cour extérieure pour fumer une cigarette et boire cul sec le verre de whisky qu'Azalée me tend.

- Ça s'est mal passé ?

Je fronce les sourcils et ne réponds pas, laissant mes yeux scruter les alentours avec l'espoir qu'il soit encore là.

Mais la seule personne que je vois, c'est le mec à qui j'ai dit que je ne fumais pas, que je ne buvais pas, et que je ne dansais pas.

Et je roule des yeux quand je remarque son sourire en coin.

- Viens, on s'casse.

uppercut ; 𝐭𝐨𝐦𝐞 𝐝𝐞𝐮𝐱Où les histoires vivent. Découvrez maintenant