quarante-et-un

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leena ;

Être proche d'une personne mais sentir qu'elle vous échappe, c'est tellement douloureux. Une douleur vive, qui ne vous quitte jamais, puisque au final c'est votre souhait, vous vous efforcez même à maintenir son intensité.

Parce-que d'un côté si vous avez mal, c'est que vous vivez.

Et parce-que vous vous accrochez à la sensation que cette personne vous procure, vous offre. Cette sensation qui vous lie. Vous acceptez tout, vous ne mettez aucune barrière, restez en retrait, pour mieux pouvoir l'apprivoiser.
Vous apprenez à la cacher, pour que personne ne puisse s'en douter. Jusqu'au jour où elle explose en vous, sans même prévenir. Sans réel contexte. Comme là.

Assise au fond de mon siège en observant la pluie qui ruisselle sur le pare-brise, je me concentre pour contenir mes larmes qui menacent de couler.
Je mords ma lèvre et regarde aux alentours, tout le monde a l'air d'être dans leurs pensées, tous enfermés dans nos voitures en attendant que le periph' se débouche, en vain.

Un mois est passé, pourtant j'ai l'impression que ce dernier a été l'addition de plusieurs années. Rien a changé, mon train de vie est le même, je navigue entre le travail et la maison, entre la maison et le travail, puis quelques fois je vois les gars, chez eux, en boîte, même chez nous.

Sans qu'un seul mot ne soit échangé entre Mathieu et moi.

Il n'a jamais été question d'ignorance entre lui et moi et pourtant désormais en sa présence, je doute de mon existence.

Pas un message, pas un regard, encore moins un geste.

Alors je l'ai évité, j'ai esquivé les soirées, mais n'ai pas pu faire autrement certaines fois, et je finissais toujours dans le même état, en larme dans mes draps.

J'appuie sur l'embrayage et enclenche la première pour avancer, enfin plutôt pour m'arrêter un mètre plus loin, puis je soupire, exaspérée par les bouchons parisiens.
Je fronce soudainement les sourcils en fixant le poste de ma voiture branché sur la radio quand j'entends que la voix qui émane de ce dernier n'est autre que celle de celui qui m'évite.

Pendant quelques secondes sa voix emplit l'habitacle. Il s'agit d'un cours extrait d'une sorte d'interview réalisée histoire de promouvoir son prochain combat.

La seconde d'après c'est une voix inconnue qui prend le relais, pour annoncer la date où l'entièreté de l'interview sera diffusée sur la chaîne de radio.

Les battements de mon cœur s'intensifient alors que mon esprit fait un bon dans passé sans que je ne contrôle quoi que ce soit. Se remémorant le jour où je suis monté à l'arrière de sa voiture, derrière Juliette qui m'avait supplié pour que je vienne à une de leurs soirées. Je me rappelle de son rire qui m'avait froissé, de ses yeux qui m'avaient jugé.

Cette fois-ci c'est une chanson d'amour qui débute et qui résonne dans ma voiture, ce qui n'arrange rien.

Je souris encore plus lorsque les images de notre contre soirée dans la loggia avec Elie me viennent en tête, pour laisser place tout de suite après à celles de l'appartement, du stade, puis de notre séjour à la montagne.

La route devient de plus en plus fluide, elle est le reflet de mes pensées.

Une larme s'échappe en même temps que mon ventre se noue quand je me remémore notre semblant d'adieu chez lui, nos retrouvailles en boîte, notre dérapage dans sa voiture.

Un goût amer s'installe au fond de ma gorge en voyant apparaître le visage de Juliette, avant d'être remplacé par celui de la douceur, qui me rappelle ce dont avait fait preuve Mathieu la deuxième fois nous nous étions lié chez moi, avant de partir sur un coup de tête au Maroc.

Mon cœur s'emballe quand la suite des évènements s'enchaîne à une vitesse affolante dans ma tête.

Mon retour en France, le baiser passionné avec Mathieu, Juliette dans ma chambre, ses mots tranchants. Ses pleurs mélangés aux miens, ma culpabilité, ma souffrance, mon anéantissement. Mon appel en détresse fait à Amir qui m'avait rejoint pour me consoler toute la nuit, pour finalement m'accompagner dès le lendemain soir à l'aéroport avec ma mère.

Le cœur en lambeau.

Un klaxon me ramène à la réalité et je me met à réellement pleurer cette fois-ci, avant de reprendre le fil de ma conduite pour enfin sortir du périphérique. Et comme une évidence, je change de fil, de direction.

Pour mettre fin à cette situation, ou du moins essayer.

Pour lui, pour moi.

Et peut-être pour nous.

Les larmes se multiplient au fil de mon accélération, me brouillant la vue à chaque mètre parcouru, jusqu'au moment où je me gare sur le parking, où je prends le temps de retrouver une respiration normal, avant de sortir avec précipitation de la voiture.

J'ai jamais autant remercié intérieurement ces garçons d'être devant le hall de son immeuble, qui en me voyant arriver, se décalent jusqu'à même m'ouvrir la porte, me facilitant la tâche.

Je ne prends pas l'ascenseur et enjambe les marches quatre par quatre pour être le plus tôt possible devant la porte d'entrée.

Puis je ferme les yeux en inspirant profondément, et appuie sur la sonnette après avoir essuyé mes larmes.

En tentant d'avoir l'air calme.

uppercut ; 𝐭𝐨𝐦𝐞 𝐝𝐞𝐮𝐱Où les histoires vivent. Découvrez maintenant