Chapitre 16

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PDV ELÉA

Jeudi 27 août

Trois petits coups se firent entendre contre la porte. Je soufflais et remontais la couette sur ma tête sans faire de bruit. Au bout de quelques secondes, la personne recommença.

《Eléa, ouvre s'il te plait je sais que t'es là.》

Je reconnus la voix de Mika mais ne bougeais pas d'un millimètre. Il finirait bien par se lasser et me laisser seule. Je ne voulais voir personne. Il toqua de nouveau.

《Tu sais très bien que si t'ouvres pas je vais rester là quand même et attendre.》

Il disait vrai, il en était capable. Je soufflais et me résolus à me lever, enroulée dans ma couette. Je déverrouillais la porte, l'entrouvris légèrement et retournais dans mon lit. Mika entra et referma la porte.

《Ça fait combien de temps que t'es enfermée ici ? Il ouvrit le volet et la fenêtre. Je grognais. Au vu de l'odeur je dirais plusieurs jours. Allez lève-toi et file à la douche.

- Nan, pas envie.

- Je ne te laisse pas le choix. Façon si t'y vas pas je te porte pour t'y amener. Je resserais la couette autour de mon corps. Très bien, tu l'auras voulu.》

Il tira la couverture et me porta. Je me débattis. Je voulais être seule.

《Ça sert à rien, tu sais que t'as autant de force qu'une crevette. T'en as le poids aussi. Ça fait combien de temps que tu n'as pas mangé ? Je ne répondis pas. On dirait bien que je suis arrivé à temps. Quelques heures de plus et tu serais devenue invisible.》

Il me mit dans la douche et ouvrit l'eau sans prévenir. Je hurlais de surprise.

《Bon et bien maintenant que t'es mouillée, tu te laves. Je t'attends dans le salon.》

J'obéis puis le rejoignis dans mon « salon ». Autrement dit, le micro espace de mon studio qui contenait un vieux clic clac et une table basse bancale. Mika avait sorti du pop corn et Ratatouille, l'un de mes films préférés qu'il avait lancé sur son ordi.

《Serais-ce un sourire que je vois sur ton visage ?

- Un petit. Avouais-je.

- C'est déjà ça. Allez, viens là.》

Il me donna un paquet de pop corn et ma tasse de thé.

Deux heures plus tard

《Et mais t'abuses là ! Ralais-je faussement.

- J'en ai plus. Se défendit-il, la bouche pleine.

- On ne parle pas la bouche pleine. Tu n'avais qu'à pas tout manger le premier quart d'heure.

- C'est pas de ma faute si c'est trop bon le pop corn.》

Je levais les yeux au ciel.

Je nous revis quelques années auparavant, lui et moi dans le salon de chez mes parents devant un film. Il se pointait toujours chez moi avec un film et de la nourriture quand j'étais malade ou que j'avais tellement mal au ventre à cause de mes règles que je n'allais pas en cours. Mika n'hésitait pas une seconde à sécher les cours pour passer la journée avec moi. Bien que cela me faisait plaisir, je l'enguelais toujours pour qu'il arrête de sécher à cause de moi. À cette époque là, ses potes dont mon frère qui n'était pas encore au courant pour nous deux, n'arrêtaient pas de charier Mika à propos de ça.

Il aura fallu plusieurs mois et un sweat oublié de Mika pour que Tom ne comprenne qui était sa fameuse copine. Fort heureusement, les parents et Alice n'étaient pas à la maison ce jour là. Il avait appelé Mika pour lui demander de venir. J'avais eu tellement peur que mon frère le tape mais au final, il s'était contenté de nous poser des questions et de menacer Mika de le défoncer si jamais il osait me faire du mal.

Les premières fois où nous étions tous les trois la maisons étaient un peu étranges mais le temps avait arrangé la situation. Avec Mika nous évitions les gestes d'affections devant lui et tout se passait bien.

Un jour où Alice était rentrée plus tôt que prévu, elle m'avait surpris avec Mika dans le canapé. Elle en avait alors parlé à nos parents qui après m'avoir réprimandé d'avoir invité quelqu'un sans les avoir prévenu, avaient voulu le rencontrer. Le plus délicat fut de leur faire accepter notre écart d'âge. Les cris avaient fusé de part et d'autre de la table. Tom essayait tant bien que mal de calmer le jeu en rassurant nos parents à propos de Mika tandis que je luttais de toutes mes forces pour ne pas mettre mon poing dans la figure de ma sœur. Quelle peste !

《Tu vas enfin te décider me dire pourquoi tu es dans cet état là ?

- J'ai plus de boulot. Marmonnais-je.

- Et c'est pour ça que tu te mets dans cet état là ?

- Tu ne comprends pas. M'agaçais-je. Je vais faire comment pour payer mon loyer ? Et me nourrir ? C'était déjà pas la joie mais là c'est encore pire.

- Déjà c'est pas en te morfondant ici que ça va aller mieux donc demain matin on va faire le tour des annonces et on va te trouver un job. Dans le pire des cas, ma porte sera toujours ouverte et tu le sais.

- Mika, on ne peut pas habiter ensemble, ça serait de la folie.

- On a bien réussi pendant quelques jours.

- Quelques jours, tu viens de le dire. Je baissais les yeux. Tu sais quel jour on est aujourd'hui ?

- Oui. Ça fait 7 ans aujourd'hui. Murmura t-il. J'acquiesçais silencieusement.

RubisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant