Chapitre 2.3

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Je me réveille en sursaut, encore un cauchemar. Je m’en doutais un peu compte tenu des derniers jours que nous avons vécus. Je regarde l’heure. Deux heures du matin. Je soupire. Je n’ai réussit à m’endormir il n’y a que deux heures. Et ce malgré le fait d’avoir eu tout l’après-midi pour oublier tout ça.

Mais en plus de ma mémoire photographique, Je n’oublie jamais rien. Don et malédiction à la fois. 

La codéine m’appelle, tout comme la vodka. J’inspire profondément, calmant les battements hérétiques de mon cœur. Puis finit par me lever et mettre des vêtements de sports. J’attache mon badge à ma cheville gauche et mon arme de secours à la droite. On ne sait jamais. Je ne risque pourtant rien, j’ai un entraînement d’élite et les rues ne sont pas si mal fréquentées que cela dans le quartier où je vis à présent.

Je finis par prendre mes clefs et quitte mon appartement. J’ai besoin de courir et le parc non loin de chez moi est parfait pour cela. 

Courir m’aide à ne pas réfléchir, je cours et je me concentre sur mes pas et ma respiration autant que sur mon environnement. Il fait nuit et il me faut tout de même faire attention. Avec tout cela, j’oublie mes envies destructrices, j’oublie le manque autant de drogue que celui de ma famille. J’en oublie presque le trou béant dans mon cœur.

Voilà une demie heure que je cours et cela va déjà mieux, je m’épuise physiquement pour aider mon mental à ne plus basculer.

Et soudain je m’arrête, je reconnais cette silhouette qui arrive face à moi presque dans le noir. Comment peut-il être ici, à cette heure ci ? Il m’arrive souvent de venir courir après un cauchemar, en réalité c’est systématique depuis un long moment compte tenu des cauchemars qui hantent mes nuits depuis ma plus tendre enfance. Je ne l’ai cependant jamais vu depuis ces trois mois de partenariat. Et je finis par comprendre, sa maison n’est pas si loin de mon appartement.

Je le laisse me rejoindre, il est en sueur lui aussi, j’oublie son physique et me concentre sur ses yeux. Et j’y vois le reflet de mes propres peurs. Comment ai-je pu être aussi aveugle, aussi égoïste ? Il semble s’en apercevoir et finit par me sourire.

Il se retourne et nous nous remettons à courir, ensemble. Il cale son rythme sur le mien. Et cela me calme plus que je ne l’aurais cru. Je refuse de réfléchir plus à la situation. J’oublie ce fichu sentiment de culpabilité qui m’assaille de temps à autre.

Nous finissons par nous affaler sur un banc, 3h30 du matin ayant largement sonné.

_Je suis désolée. Finit-elle par dire au bout de cinq minutes de silence.

Elle ne le regarda pas, se contentant de fixer le noir de la nuit devant eux.

Il posa délicatement une main sous son menton la forçant à le fixer. Il la sentit se figer, peu lui importait.

_Pourquoi donc ?

_Ce matin, tu as cru perdre ton fils et je n’ai pensé qu’à moi après...

_Priorité à celui qui va le plus mal non ? Et puis Jamie est sain et sauf et jusque là pas de cauchemar.

Elle hocha la tête.

_Toi par contre…. Reprit-il sans la lâcher.

Elle haussa les épaules.

_Les habituels. Ca ne change pas tu sais.

Ils restèrent silencieux plusieurs minutes avant que Mike ne finisse par reprendre.

_Je sais à quoi tu penses.

Elle fronça les sourcils, gênée du contact de sa main qu’il venait de poser sur son genoux. Il ne fit guère attention et reprit.

_Tu te demandes pourquoi James n’a pas réussit à sortir tous les otages ce jour là. C’était un très bon agent, un bon profiler et la vie de son fils était en jeu et pourtant il n’y est pas arrivé. Tu te demande aussi pourquoi cela a été si facile.

Elle ferma les yeux, il ne la lâcha pas pour autant. Il savait repousser les limites là où les autres n’osaient pas. C’est ce qui les avait rapprochés. Il ne se laissait pas berner par Sarah Stewart. Il la poussait toujours plus loin, et cela ne fonctionnait pas trop mal depuis ces quelques semaines de collaboration. James lui même n’avait jamais réussit à percer cette carapace qu’elle enfilait souvent.

_Ma version ? Il n’en a pas eu le temps Sarah et tu le sais aussi bien que moi. L’homme est entré, il a tiré sur les premiers clients. James était en civile avec Lucas. Il n’a eu le temps de rien. Lucas a échappé des bras de la serveuse paniquée et… 

Il s’arrêta. Son amie connaissait la suite. Elle avait mémorisé chaque ligne du rapport. James était mort en essayant de sauver son fils et les autres clients du restaurant. L’homme était entré en tirant, ne laissant aucune chance au profiler présent sur les lieux.

_Et oui heureusement que parfois c’est juste simple. Tu le sais n’est-ce pas ?

Elle hocha la tête, s’autorisant cette fois ci des larmes trop longtemps contenues. Il la prit dans ses bras, elle ne se laissa pas faire, il l’y força pourtant. Elle finit par capituler, pourquoi lutter. Ils étaient seuls et cet homme savait lire en elle comme personne n’avait jamais réussit à le faire auparavant.

Elle soupira et s’accrocha à lui avec force se demandant soudain d’où cela pouvait provenir.

_C’est si difficile parfois. Finit-elle par avouer.

Il venait de la lâcher mais son regard était toujours braqué sur elle. Même dans la pénombre ce bleu si intense la perturbait. Si seulement elle savait que le vert avait le même effet sur lui. Mais son cerveau refusait une telle chose. Celui de Kyson au contraire commençait à comprendre et comme sa partenaire refusa d’y prêter plus d’attention.

_Je sais. Se contenta-t-il de répondre.

Il la serra de nouveau contre lui surpris qu’elle le laisse faire cette fois. Trois mois seulement et il était déjà hors de question pour lui de la laisser souffrir. Il était perdu se dit-il soudain. Sarah s’ouvrait petit à petit mais jamais elle ne s’avouerait ce qu’ils étaient en train de devenir. Le souvenir de James et de Lucas étant bien trop encré en elle.

Ils se séparèrent vers 4h du matin, apaisés tous les deux. La journée  risquait d’être rude en émotions mais quelque part ils venaient de s’y préparer.

Sarah remit son rapport la dernière quelques heures plus tard. Depuis le drame, Henry préférait en effet effectuer ses entretiens avec sa protégée en dernier. Lui permettant ainsi, si elle le voulait, de prendre tout son temps. Il la trouva moins affectée qu’il ne l’avait imaginé. Epuisée, certes, compte tenu des derniers jours qu’ils venaient tous de vivre mais relativement sereine. 

Bien sur, elle aurait pu lui cacher ce qu’elle voulait. Elle s’y était d’ailleurs acharnée durant de longs mois. Mais il savait cette période terminée et ils en étaient tous soulagés. Ils parlaient moins longuement à présent, comme si elle avait moins besoin de se confier. 

Non, c’était autre chose se dit-il alors qu’il l’observait en train de quitter leur cafétéria. Il aurait pu se poser la question, il aurait pu chercher. Mais il n’était pas ce genre d’homme et surtout il avait une petite idée de la raison pour laquelle Stewart semblait de mieux en mieux.

 Il sortit à sa suite, la suivant quelques secondes du regard, et ses doutes furent confirmés. Michael lui parlait et elle hochait la tête un sourire plaqué sur les lèvres. Et dire qu’elle ne s’en rendait même pas compte. La meilleure profiler du pays ne voyait rien, ou plutôt refusait d’accepter l’évidence se dit-il. Son nouvel agent qu'en à lui aussi douée que Sarah, semblait au contraire parfaitement conscient de la situation. Henry fut soulagé et fier. Mike semblait résigné et ne tenterait jamais rien qui puisse nuire à sa partenaire. Il était bien trop intègre, bien trop fidèle en amitié comme en amour malgré l’image qui semblait lui coller à la peau chaque fois qu’une femme posait les yeux sur lui.

Seconde chanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant