Chapitre 0

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Je m’appelle  Sarah Stewart et voilà 92 jours que je n'ai plus touché à un verre d'alcool et surtout aux anti-douleurs. Je suis alcoolique mais surtout accro aux opiacés et autres morphiniques depuis presque six mois. Je me bats contre mes envies destructrices à chaque seconde de chaque jour. 

Qui aurait pu croire qu’un agent d’une des deux unités d’élite du FBI pouvait sombrer aussi rapidement.  Bien-sur, nous avons eu de nombreux échecs et chaque personne retrouvée n’efface pas ceux disparus à jamais. Mais la pression et les horreurs de mon métier ne font toujours que renforcer mon envie d’aider les autres. Et surtout ma rage d’attraper ces monstres encore dans la nature. 

Et pourtant je me suis effondrée. Le 19 décembre 2009 ma vie s’est arrêtée. Mon mari et mon fils venaient de m’être arraché, un homme était entré armé dans le café dans lequel ils déjeunaient et avait tué toutes les personnes présentes avant de se suicider.  Aujourd’hui encore je suis incapable de me souvenir des quelques heures qui ont suivi le drame. Ne reste que les sensations : Douleur, incompréhension, colère, rage, haine, culpabilité. Mais surtout ce sentiment de vide. Perdre un être aimé est douloureux mais son enfant… c’est impossible à surmonter. Ce jour là j’ai cru mourir avec eux, je l’ai souhaité de si nombreuses fois. J’aurais dû être avec eux mais, occupée au bureau, James est allé seul chercher notre fils.

 Les jours qui ont suivi, j’occultais toute sensation afin de pouvoir accomplir les tâches administratives qui me rendaient malade. Je consommais mon premier verre le soir de la réception et repris la semaine suivante après un détour forcé aux urgences pour ce sommeil que je fuyais. Je n’ai plus arrêté durant presque trois mois. Enchainant alcool et médicaments. Jusqu’à ce que Tim me retrouve les veines ouvertes. Littéralement détruite par ma rage et ma souffrance. Et ce malgré la thérapie que m'avait obligé à suivre Henry. Je suis depuis ma plus tendre enfance une experte lorsqu'il s'agit de cacher mes émotions. C'est un de mes dons d'après mes pairs. Pour moi c'est une malédiction.

 

Longtemps j’ai haï la terre entière, la colère ne me quittant pas. Elle seule me gardait saine d’esprit. Je savais pertinemment où tout cela pouvait me mener, je faisais face à cela tous les jours dans mon métier. Pourtant je m’en contre fichais, la douleur était bien trop envahissante. Faisant parfois place à de lourdes crises de panique. Le diagnotic était évident: PTSD. Je savais ce que cette maladie pouvait faire, cela m'était égal. Ce n'était que ma vie, qui ne valait plus grand chose.

Toutefois mon supérieur et mes amis ne m’ont  pas laissé tomber. Je n’ai plus qu’eux à présent et ils ont réussi à me sortir de ce cercle morbide dans lequel je me complaisais. 

Huit semaines après ma convalescence,  je sortais de cure de désintoxication, entrais aux drogués anonymes et reprenais mon poste. Je me demande encore comment Henry a pu faire pour que je reste à mon poste.

Chaque jour est un combat  contre ma nouvelle dépendance. Mon mari avait également été mon coéquipier ce qui rend les choses plus difficile encore.  A mon retour, mes supérieurs m'ont laissé seule, plus de partenaire et je les en remercie encore, je ne suis pas prête à tourner cette page. Le serais-je un jour? 

J’avais finit par  déménager après une lourde crise.Donner toutes les affaires de James et Lucas et cacher leurs photographies. Leurs présences me hantent. Il  me faudra du temps avant d’accepter et gérer leur disparition sans m’effondrer ni avoir envie d’antidouleurs ou autres drogues.

Mes cicatrices aux poignets, longues et profondes, me rappellent chaque jour la terrible erreur que j’ai commise. Je n’avais mis que trois mois  à atteindre le fond pourtant aidée et soutenue par mes proches.  Et rien n’aurait pu laisser présager une telle descente aux enfers. J’ai perdu une partie de mon âme ce jour là et je ne pense jamais la retrouver. L’idée même de réussir à combler ce vide me parait peu probable, pourtant je m’accroche. Pour eux, pour leur mémoire.

Seconde chanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant