Un an vient de s’écouler et la douleur ne me quitte que très rarement. Je me demande parfois si j’ai conservé toute ma raison. Les cauchemars sont là, plus que jamais. Ce n’est pas le pire cependant, je vis avec depuis ma plus tendre enfance. Le manque. Voilà le pire. James me manque mais l’absence de mon petit garçon est intolérable la plupart du temps.
Me voilà sur cette plage peuplée de tant de souvenirs. Henry et Mike viennent de passer et je me suis cachée. Je sais que je vais finir par appeler mon supérieur à l’aide. Mais pour le moment, je savoure cette souffrance qui me rattache encore à mes deux hommes. Lâcher prise signifierait oublier et les laisser partir. J’en suis incapable. J’ai déjà oublié le son de leurs voix et leurs sourires s’estompent un peu plus chaque jour. Je sais pourtant que tôt ou tard, il faudra accepter et avancer. J’ai déjà fait deux pas en avant, je refuse d’avancer plus pour le moment.
Quelques mois plus tôt, je me serais enfermée dans ma douleur et me serais laissée sombrer dans l’alcool et les drogues. Aujourd’hui ces envies me poursuivent parfois mais j’ai apprit à réclamer l’aide qu’il me faut. Dans quelques minutes je vais appeler Henry. Avec mon équipe je peux être moi-même. Cela a été difficile à admettre mais j’ai fini par y arriver. Ils sont là pour moi quoi qu’il arrive, ils me l’ont prouvé de si nombreuses fois. Ce lien particulier qui me lie à Henry semble s'être renforcé depuis le drame. Cet homme, divorcé et sans enfant, est devenue la figure paternelle qui m’a manqué toute ma vie.
J’ai grandit dans un orphelinat, dans les quartiers pauvres de Sacramento. A 18 ans j’entrais dans les services de police. Deux ans plus tard, je postulais au bureau fédéral et réclamais une formation de profiler. Et après un refus j’y suis finalement arrivé. Puis ils ont découvert mes dons et m’ont rapidement propulsée plus haut. A 24 ans, j’entrais dans l’équipe d’Henry. Nouvellement et spécialement formée en plus de la cellule d'analyse du comportement en Virginie. Deux nouvelles équipes étaient formées et nous n'étions pas que des profilers. Deux unités d'élite, spécialement entraînée afin d'aider celles de Virginie qui commençaient à crouler sous les affaires. Les autorités du pays commence à prendre au sérieux notre travail et le nombre de cas les affolent et les dépassent. Ils sont de plus en plus nombreux à mettre l'éternelle rivalité avec le FBI de côté.
Deux ans après la création de notre équipe, James arrivait. Nous avions fait nos classes ensemble. Il avait mit plus de temps à monter que moi. Nous en riions parfois. Nous nous sommes mariés en secret en apprenant ma grossesse accidentelle. James avait des principes et il était hors de question pour moi que cet enfant grandisse sans parents. Ils n’ont pu qu’approuver notre union. Henry ne les a pas laissé nous séparer. Ils avaient, après tout, accepté le transfert de James tout en sachant que nous étions plus ou moins en couple. Cependant, jamais le bureau n’a eu à nous reprocher quoi que ce soit qu’en à notre relation.
Les yeux rivés sur l’océan, je ferme les yeux tentant de raviver leurs visages. Je sais qu’il me faut appeler de l’aide, maintenant, où je risque de basculer de nouveau. Je prends alors mon portable. Henry décroche à la première sonnerie, je sens de la colère et de l’inquiétude dans sa voix. Cet homme est un paradoxe à l’état pur, c'est une des raison pour laquelle je me sens parfois si proche de lui. Je suis identique.
Il me dit qu’il arrive et je sais qu’il sera là rapidement, je me doute même de l’endroit où ils doivent être. Et soudain le visage amical de Mike remplace ceux de James et Lucas. C’est un nouveau visage à qui je vais devoir faire confiance, il sait à présent qui j’étais. Ce sentiment d’insécurité m’envahit soudain de nouveau et je tente de le réfréner. Mike est quelqu’un de bien, Henry ne l’aurait pas nommé à ce poste si ce n’était pas le cas. Il me faut réapprendre à faire confiance aux nouvelles personnes et à aller vers elle.
Henry Lone trouva sa protégée assise sur le sable face à la mer. Les jambes recroquevillées, les bras autour de ses genoux. Il s’installa près d’elle sans un mot. Mike avait préféré rentrer au bureau, il ne se sentait pas à sa place. Pas encore.
_A combien de personne ai-je menti depuis que je suis à ce poste Henry ?Demanda-t-elle soudain après plusieurs minutes de silence.
L’homme, surprit, tourna la tête et chercha son regard. Elle le lui refusa, se contentant de fixer l’océan.
Elle continua ne le laissant pas le temps de répondre.
_Est-ce que l’on s’en remet un jour ? Cette question j’ai du y répondre des centaines de fois. Toujours la même chose. Il faut laisser le temps guérir les blessures…
Elle secoua la tête, étouffant un rire désabusé. Henry posa une main sur l’épaule de la jeune femme. Elle se laissa faire sans pour autant se laisser aller. C’était un travail qu’elle avait dû faire également, ce problème de contact venait de son enfance et tout comme ses cauchemars, elle refusait d’en chercher la cause. Un comble pour l’agent qu’elle était.
_Et c’est la vérité Sarah…laisse le temps apaiser ta souffrance.
Il se reprocha aussitôt ses paroles, elles étaient d’une banalité affligeante lorsqu’on connaissait un tant soit peu Sarah Stewart. Il vit des larmes couler sur ses joues, elle n’essaya même pas de les cacher. C’était un progrès. Quelques mois auparavant elle les aurait caché derrière un masque de neutralité.
_Ne plus souffrir, c’est accepter et les laisser partir. Je ne suis pas certaine de vouloir cela.
Elle soupira et posa la tête sur l’épaule de son chef d’équipe. Enfin, se dit-il.
_Il faudra pourtant, tu sais qu’on ne vit pas ainsi. Tu ne dois plus te contenter de survivre.
Il n’ajouta pas, l’éternel « Ils n’auraient pas voulu cela pour toi. » Sarah connaissait mieux que personne les discours sensé apaiser les familles des victimes.
Elle ferma les yeux et inspira profondément.
_Il ne faut pas que je reste seule ce soir… Ajouta-t-elle.
L’homme hocha la tête.
_Les autres rentrent dans quelques heures. Jennifer me parlait d’un BBQ dans son jardin avant qu’ils ne partent.
_Vous aviez déjà tout prévu n’est-ce pas ?
Henry hocha de nouveau la tête et Sarah sourit enfin. Sans eux, elle n’aurait pas survécu et une part d’elle-même le souhaita soudain. Celle qui souffrirait toute sa vie et qui n’accepterait pas la mort de sa famille. Cette même chose qui l’avait plongé dans l’alcool et la drogue. Cette noirceur, elle savait cependant la combattre aujourd’hui.
Elle se leva soudain plongeant enfin son regard de ce vert si particulier dans le noir de jais de son mentor. Ce dernier, soulagé, lui sourit. Elle laissait parler ses yeux. Et Henry Lone était un très bon observateur lorsqu'elle le laissait faire.
Elle n’avait plus cette petite lueur d’optimisme et de joie qui la distinguait avant le drame mais, il y lu de l’espoir et c’était tout ce qui comptait pour le moment.
L’homme se leva et tout deux se dirigèrent vers la voiture de la jeune femme. Elle le laissa s’installer au volant, se contentant de jeter un dernier regard vers la plage et de dire adieu à ses deux hommes.
***
_Il sait tout à présent. Lança –t-elle après quelques minutes de route.
Henry se contenta d’acquiescer.
_C’est peut être mieux. Si nous devons travailler ensemble, il doit connaître mes faiblesses.
Elle savait qu’il en allait de leur sécurité. Elle accepta ce fait. Et cela ne lui fit plus aussi peur. Avancer à petits pas: tels étaient les conseils prodigués trois fois par semaine par son psy.
Ce soir là, elle remercia ses amis haut et fort. Elle avait mit un an et de longues heures de thérapie à le faire mais leurs regards si soulagés lui prouvèrent qu’elle avait eu raison.
VOUS LISEZ
Seconde chance
General FictionSarah Stewart a tout perdu. Mari et Enfant. Après une descente aux enfers, elle essai de remonter la pente. Aidé par ses amis, sa seule famille. Son équipe au FBI.... Début du prologue: Je ne sais plus très bien quelle heure il peut être. Deux, troi...