Chapitre 11

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Je suis seule pour la première fois depuis plus d'une semaine ce soir et je me sens tellement idiote face à ce lit. Idiote et terrifiée à la fois. Il est 3h du matin et nous venons de rejoindre notre petit motel. La ville de Beitleet est à plus de 3h de route de chez nous et Henry a préféré rester pour la nuit. Tant notre état de fatigue se reflétait sur nos visages presque hantés par cette nouvelle affaire. Nous venons de terminer une pénible enquête ainsi qu'une série de consultations. Tout cela suite au massacre à l'arme blanche de plus d'une dizaine d'adolescents dans l'enceinte même de leur lycée. Nous n'avons pas eu à appréhender le suspect cette fois ci, il est entré dans les locaux du shérif à peine quelques heures après ses crimes. Le shérif nous a appelé aussitôt, qualifiant le « gamin de perturbé ». Il souhaitait notre aide pour lui parler. À lui ainsi qu'aux parents des victimes qu'il n'arrivait presque plus à gérer. Le principal du lycée a finit par nous demander d'effectuer une conférence pour ses élèves doutant des capacités du seul psychologue qu'ils avaient. Nous sommes donc dans cette petite ville, à attendre les premières heures du jour pour rentrer chez nous. Henry a passé plus de temps en débriefing avec chacun d'entre nous cette fois. Nous venons juste de terminer et me voilà à me demander si je vais enfreindre une des règles que nous avons établi avec Michael. Lors d'une enquête nous ne sommes en effet plus que des agents, pas des amants.
Je soupire, à peine notre première affaire en tant que couple et me voilà déjà là. Le pire je crois, n'est pas de m'apercevoir de la dépendance que j'ai face à cet homme qui reste le seul à m'apaiser quoi qu'il arrive. C'est d'enfreindre une règle au risque de nous dévoiler, uniquement pour pouvoir dormir sans cauchemars. Je ne cesse de me demander comment cela est possible, depuis l'enfance je souffre de ces terreurs nocturne sans que personne n'ait pu déceler quoi que ce soit chez moi. James n'est jamais parvenu à m'aider. Lucas avait cette faculté sur moi mais je reste persuadée que cela avait juste un lien avec l'instinct maternel, je ne voulais pas terrifier mon petit bonhomme.
Je secoue la tête, soupir de nouveau et quitte ma chambre. Revêtue uniquement de pantalons de yoga et d'un débardeur à bretelle pour dormir.
Ma chambre est à deux portes de celles de Michael. Entre nous il y a celle de Ben et après mon partenaire, celle de Tim. Henry est, fort heureusement, au rez de chaussée. Jen ne nous a pas accompagné cette fois-ci, nous assistant à distance comme il lui arrive souvent de le faire. Et c'est une bonne chose, mon amie n'est pas un agent et à plus de mal que nous à se remettre de ce genre d'affaire.
Je traverse le couloir lentement, les rideaux de toutes nos chambres sont tirés et toutes les lumières éteintes. Cela ne m'étonne pas. Enfin je suis devant sa porte, je ne peux me permettre d'hésiter, interdiction pour moi d'être vue à cette heure dans cette tenue, les pieds nus devant sa porte.

Sarah ne prit pas la peine de frapper sortant de sa poche un petit trousseau de cuir et ses outils pour ouvrir une porte en moins d'une minute. Deux secondes plus tard elle entrait dans la chambre de son partenaire. Elle se figea en constatant que la chambre était vide. Puis expira longuement lorsqu'elle vit la lumière de la salle de bain sous la porte. Elle secoua la tête, Mike et ses économies d'énergie se dit-elle sans même s'y attarder plus que cela. Elle retira son pantalon et s'installa dans le lit face à la porte de la salle de bain. Puis ferma les yeux, juste quelques secondes en attendant qu'il sorte et qu'elle sente enfin ses bras autour de sa taille. Elle se traita une fois de plus de midinette. Elle, le grand agent du FBI prise comme exemple par leur communauté toute entière, incapable de dormir seule alors que toute sa vie elle avait dû lutter contre divers démons. C'était justement pour cela, peut être qu'aujourd'hui elle ne voulait plus lutter, elle ne pouvait plus lutter.
Sarah ne sentit pas Mike poser ses mains sur son ventre sous son minuscule débardeur, elle ne sentit pas non plus son partenaire la serrer plus fort contre lui dans son dos. Il inspira profondément et la vanille et la cerise achevèrent de le calmer. Il sombra dans un profond sommeil aussi rapidement que sa partenaire sans se demander comment elle avait pu s'endormir si vite et si profondément. Sarah ne s'endormait jamais ainsi.
Une heure plus tard il fut soulagé de l'avoir contre lui, elle était en effet perdue dans un de ces cauchemar dont elle n'arrivait jamais à s'extirper seule. Il la tourna délicatement et la prit dans ses bras murmurant au creux de son oreille que ce n'était qu'un mauvais rêve, qu'il était là et qu'il l'aimait. Sans s'éveiller, elle posa une main sur le cœur de son amant instinctivement et elle se calma aussitôt. Elle nicha sa tête un peu plus dans le cou de son partenaire et replongea dans le sommeil. Elle n'avait pas ouvert l'oeil une seule fois et Mike se demanda si s'était une bonne chose ou non. Puis il se souvint qu'elle s'était endormie beaucoup trop profondément et beaucoup trop rapidement. Il se jura, avant de sombrer de nouveau dans un sommeil réparateur, qu'à l'avenir ils devraient adapter leurs règles lorsqu'ils seraient en dehors de chez eux.
Il ne s'étonna pas de ne pas la trouver le lendemain lorsqu'il s'éveilla. Tranquillement il prit sa douche, rangea ses affaires et quitta la chambre pour rejoindre la petite cafétéria. Il la trouva à une table, seule et cela ne l'étonna pas non plus. Tim et Ben ne seraient pas là avant dix bonnes minutes et Henry devait probablement avoir déjà terminé.
« Bonjour »
Elle lui répondit d'un sourire, avalant sa gorgée de café puis grimaçant.
« Je crois que je éviter leur café donc... »
Elle lui sourit de nouveau avant de lui tendre un verre de jus d'orange qui lui semblait frais.
« Merci. »
« De quoi? » demanda-t-il surpris après sa première gorgée.
« Pour cette nuit. »
Elle ne s'était peut être pas réveillée mais elle savait toujours lorsque des cauchemars venaient la hanter.
Il secoua la tête terminant son verre. Il n'eut pas le temps de poursuivre, la serveuse arriva et il passa commande puis comme prévu les deux autres membres de l'équipe se joignirent à eux.
Ce soir, il lui parlerait. Ils auraient tout leur temps. Elle sembla le lire dans son regard et il détecta un léger acquiescement. Ils avaient, au fil des mois, développé ce genre de sensibilité et de petits signes indétectables par leurs amis. Au début ils avaient mis cela sur le compte de leur professionnalisme mais récemment ils avaient comprit que c'était bien plus que cela.
Mike avait peut être raison se dit-elle, leur couple renforcerait l'équipe. Et pour la première fois depuis le début de leur relation elle ne compara pas James à Michael, il n'y avait plus de comparaison à faire. Les deux seuls hommes de sa vie était aussi différents que le jour et la nuit.
Une demi-heure plus tard, ils étaient en voiture. Le trajet n'étant que de 3h et leur SUV suffisamment large pour cinq personnes, ils n'avaient pris qu'un seul véhicule. Mike ne pourrait donc pas parler à sa partenaire durant le trajet.
Henry leur donna le reste de la journée lorsqu'ils arrivèrent enfin dans les locaux du FBI. Le débreifing avait été effectué sur place la veille et chacun pourrait remettre leur rapport par email quand bon leur semblerait au cours de la journée. Tim et Ben ne se firent pas prier et quittèrent le bureau les premiers annonçant aussi fort qu'ils le pouvaient qu'ils retournaient dormir. Ces deux là était peut être totalement différents sur le point physique qu'au niveau caractère mais on aurait pu les imaginer jumeaux tellement ils se complétaient.
Henry ne s'attarda pas non plus. Sarah et Mike ne purent s'empêcher de se demander si le chef d'équipe n'avait pas enfin une femme dans sa vie. Ces dernières semaines, ils avaient tous deux constatés quelques changements chez lui. Certes imperceptibles mais pas pour eux, pas pour les deux profilers qu'ils étaient. Même si jamais ils n'auraient analysé leurs proches. C'était une ligne qu'ils ne franchissaient jamais, sauf si la vie d'un des leurs était en danger.
Ils se séparèrent dans le parking, Michael invitant une fois de plus sa partenaire à dîner le soir même comme à leurs habitudes. La jeune femme le soupçonnait de surveiller son alimentation, guère satisfaisante il est vrai, lorsqu'elle était livrée à elle même. Il n'était que midi et il la laissait seule. Persuadé et inquiet d'être, peut être, trop intrusif trop rapidement dans sa vie. Elle qui était l'exemple même de la solitude et de l'indépendance. Il restait cependant inquiet également face aux évènements de la nuit passée.
Sans même qu'il ne s'y attende, elle sortit de sa voiture avant qu'il ne démarre et se dirigea vers celle de son partenaire. Celui-ci curieux et surpris baissa sa vitre.
«Il fait beau et nous avons tout l'après midi pour nous. Que dirais-tu d'aller faire un tour à la plage. »
Il ne su quoi répondre et elle ne pu que sourire, Sarah Stewart venait de clouer le bec du grand Michael Kyson. Le don juan impitoyable et l'indomptable beau parleur.
Il finit par acquiescer, et elle lui annonça qu'elle lui laissait dix minutes pour rentrer chez lui et prendre ses affaires. Cette fois il ne pu s'empêcher de rire, il reconnaissait bien là sa partenaire. Il la salua tel un militaire et démarra sans lui laisser le temps d'émettre le moindre sarcasme.
Elle finit par retourner à sa voiture, levant les yeux au ciel et secouant la tête mais avec un sourire radieux sur le visage. Elle ne s'attendait cependant pas à croiser Jen qui arrivait dans leurs locaux.
Son amie fronçait les sourcils et souriait en même temps comme si elle se doutait que quelque chose venait de se passer entre les deux profilers.
Sarah, plaqua une expression neutre sur son visage. Personne ne pouvait déceler ce qu'il y avait derrière ce masque. A vrai dire, depuis quelque mois, une seule personne y arrivait et elle n'avait plus aucune crainte à présent à ce sujet.
« Qu'à donc fait Mr Don Juan pour te faire sourire autant. » Lui demanda Jen, un sourire en coin.
Son amie ne pu s'empêcher de penser que l'analyse comportementale déteignait gravement et positivement sur leur analyste technique.
« Une idiotie sur sa dernière conquête, tu le connais. Il est midi, il va pouvoir faire tout un tas de chose tout l'après-midi. »
Elle raconta son histoire sur un ton parfaitement neutre et Jennifer n'y vit que du feu. Sarah en fut soulagée et honteuse à la fois. Mentir à ses amis lui déplaisait au plus haut point, surtout après ce qu'elle leur avait fait subir lors de sa descente aux enfers. Ils avaient beau faire plus attention à présent mais elle restait maîtresse de ses émotions à 99% du temps et était la reine de la dissimulation et du changement de personnalité. Elle n'était d'ailleurs pas arrivée à ce poste si jeune pour rien. Elle se rassura en se persuadant que cette fois elle ne mentait pas à Jen. Michael allait effectivement passer l'après-midi avec sa dernière conquête.
Jen se contenta de rire et de hocher la tête. Puis elle lui annonça qu'elle avait encore du boulot et qu'elles se verraient le lendemain.
« Repose toi. Vous n'êtes restés qu'une journée mais celle-ci a été particulièrement éprouvante. »
Sarah acquiesça d'un signe de tête et monta dans sa voiture, promettant à son amie de prendre du bon temps et de se reposer.
Et cette fois non plus ce n'était pas un mensonge.
Elle trouva du courrier sur le sol en ouvrant la porte de son appartement. Et trouva cela bizarre puisqu'elle avait une boite à l'extérieur de son immeuble. Elle la décacheta avec précaution, ce genre d'habitudes ne les quittaient jamais. Après tout, ils faisaient partie d'une unité d'élite et ils avaient été recrutés et formés pour cela.
Et tout ce qu'elle vit sur le morceau de papier fut ces quelques mots écrits à l'aide d'un ordinateur.
''Tu es à moi Sarah, ne l'oublie pas.''
Ce n'était pas la première lettre qu'elle recevait, mais la seule directement chez elle et glissée sous la porte de son appartement qui plus est.
Elle se dirigea, sans accorder trop d'importance au courrier, vers son bureau. Elle la déposa dans une boîte qui contenait toutes les lettres de ce genre et quitta la pièce pour revêtir ses vêtements de plage.
Ce n'était certainement rien mais elle préférait tout garder, juste au cas où. Elle gardait tout. Articles de journaux sur la tragédie qui l'avait frappée envoyés par des détraqués. Sachant pertinemment qu'ils étaient bien trop craintifs pour tenter quoi que ce soit. Ce papier ne faisait pas exception se dit-elle. Gardant tout de même à l'esprit les circonstances et les mots choisit cette fois ci. Ne jamais sous estimer personne était la première chose qu'on leur apprenait à Quantico.

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