Chapitre 20.

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Louis

J'adorai ce restaurant, cette ambiance chaleureuse, ces personnes souriantes, ces plats délicieux. Mais ce que je préférai, c'était Harry au milieu de tout ça et tout ce que sa présence en ces lieux me rappelait.

Nous en avions passé du temps ici. Ô que oui. Tant de temps.

Du bon temps, du temps de fête et même de fatigue.

Avant, dès que nous partions tous les deux dans les montagnes, lorsque nous rentrions, nous nous arrêtions ici et mangions une pizza. Lorsque nous étions petits, nous n'en mangions qu'une. Une seule pour deux. Puis au fil des années, la pizza était devenue deux pizzas. Et aujourd'hui, chacun de nous avait son plat.

C'était ici que j'avais mangé les meilleures pizzas. Sans aucun doute.

Pas qu'elles soient meilleures qu'ailleurs, mais nous ne les dégustions que pour des occasions si particulières qu'à chaque fois, la pizza semblait meilleure.

Mais ce soir, le meilleur n'était pas cette pizza que je mangeais, mais bien Harry. Durant deux ans, entre nous, rien n'avait été facile. Tout avait changé du tout au tout en moins de quelques jours, quelques heures même.

Durant deux ans, nous avions continué de nous voir, mais sans plus. Nous ne nous parlions presque plus, nous nous regardions à peine.

Et passer du tout au rien en si peu de temps, avec une personne qui était, après tout ce temps, une part de vous-même, c'était dur. Affreusement dur. Éprouvant, comme l'était un chemin entre les cimes. Épuisant, comme l'était une dernière voie escarpée vers le sommet.

Alors être ici, dans ce restaurant qui avait vu tant de nous se construire, assis face à lui était ce que je trouvais de plus beau ce soir.

J'avais l'impression d'être revenu trois, quatre, cinq ans en arrière. À une époque où nos visages auraient été plus juvéniles, nos peau parsemée d'acné, nos joues plus rondes, nos connaissances plus vagues... À une époque où le Harry d'il y a deux ans ne se serait pas envolé loin de moi, à une époque où le Louis que j'étais se serait tué pour le rattraper.

Pourtant, nous étions bien ici, vingt ans après s'être vus pour la première fois, vingt ans après avoir fait la sieste dans le même berceau, vingt ans à nous être connus. Nous étions là avec notre histoire qui avait commencé sur les mêmes lignes et qui, dix-huit ans après, s'était séparée, nous devenant propre. Ce soir, cette ligne nous redeviendrait commune et ce premier souvenir s'écrirait sur nos deux pages de vie.

Le bruit de la salle permettait au silence qui nous entourait, Harry et moi, de s'alléger. Pourtant, il était là, il persistait. Je ne savais pas que dire et Harry ne parlerait pas.

À vrai dire, j'avais tant de chose à lui dire, à lui confier, à lui raconter, que je ne savais par où commencer. Mais surtout, ce vide entre nous était encore présent. Encore béant.

Et même si j'avais plongé pour essayer de le rattraper, il restait loin. Trop loin de moi.

Nous commandâmes nos desserts, les dégustant en silence.

Je l'observai. J'observai ses cheveux, son visage, ses mains. Mais surtout, j'admirai son courage.

Son courage d'être venu sous le regard de tous ces gens. Son courage de les affronter.

J'étais face à la salle, je voyais tout ce qu'il se passait et les regards que certains lançaient au fauteuil dans lequel il était, étaient irrespectueux, impolis. Aucun dans cette salle ne connaissait le pourquoi de la situation de ce jeune inconnu de vingt ans. Personne ne savait que c'était parce qu'il avait vaincu le froid et la neige qu'il respirait devant eux.

ClimbheartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant