Encore sédaté par les cachets, que j'avais ingéré l'avant-veille, marcher me causait un pénible effort. J'étais beaucoup plus à l'aise tout à l'heure dans le véhicule des ambulancières, qui ont effectuées mon transfert du CHU de Clermont-Ferrand à l'hôpital de Thiers. J'étais allongé sur une civière, emmitouflé dans une couverture, car la blouse de l'hôpital étant légère, en ce temps de gel de janvier j'aurais eu froid. En arrivant je reconnu la façade du bâtiment de psychiatrie, c'était en ce même lieu qu'auparavant je venais pour m'entretenir avec un addictologue, que j'ai vu pendant plus de deux ans. Les ambulancières me laissèrent devant la porte du service auquel j'étais assigné. J'entra par une porte avec un hublot au seuil de laquelle, un personnage à la blouse blanche bien repassée avait utilisé son badge pour que la porte s'ouvre. Je le suivais à petits pas derrière lui qui me parlait et que je n'écoutais pas. Un long couloir blanc, c'est ce que j'ai traversé avant de m'arrêter brusquement face à une porte où le soignant s'était lui aussi arrêté.
A la porte voisine je vis une jeune femme que l'homme appela Mme R., elle me regardait fixement avec un singulier sourire qui à cet instant me déplut fortement. Je ne supportais pas de voir quelqu'un sourire avec tant de malice alors que je me sentais pris au piège ici. Être encore en vie me mettait vraiment en colère, je ne le supportais pas.
Une fois dans la chambre, j'observa avec intention les murs qui semblaient contenir les traces de ceux qui sont toujours les premiers à tomber, sous leurs propres coups, à se haïr, à se réprouver. Après une minutieuse inspection des vêtements que les pompiers m'avez apportés, à savoir un short de foot mais pas de t-shirt, je fus laissé seul dans cette chambre impersonnelle, froide et terne, à la grande fenêtre qui m'était impossible d'ouvrir. Cette fois-ci j'étais seul, il n'y avait personne pour me mettre au sol, mise à part moi-même ; et je sentais que dans cette pièce j'étais de trop. Je prenais trop de place, tout comme ce silence apaisant et également irritant qui remplissait toute la pièce. Loin des gens j'étais désormais seul et proche de moi. Sûrement de trop, je me sentais oppressé par ce vide trop immense pour que je n'y plonge pas. La chambre entière m'envahissait et ce fut extrêmement compliqué d'essayer d'effacer toutes ces ombres que je voyais, tous ces mots qui me transperçaient. J'étais seul, personne d'autre que moi était là. Je devais m'y habituer, vivre avec tout ce qui me hantais. A travers le miroir de la salle de bain c'était mon meilleur ennemi que je voyais. J'allais devoir l'affronter si je ne voulais pas que ce soit lui qui prenne ma place et qui me fasse sombrer.
Ce soir là j'ai très peu mangé, pourtant cela faisait trois jours que je ne m'étais pas alimenté. A Clermont j'ai été hydraté par perfusion, mais je n'ai pas mangé, je n'en avais ni l'envie ni la force. Comment aurais-je pu vouloir gouter au plaisir simple de la vie alors que je venais de tout faire pour que celle-ci s'arrête ?
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La psychiatrie
Non-FictionDeuxième fois que je suis hospitalisé. Désormais j'ai dix-huit ans et je suis interné sans mon consentement dans le service des adultes, en psychiatrie aigüe. De longues journées passent, remplies de solitude, de remises en question, et d'obligati...