Aujourd'hui je me rends compte que ça fait plusieurs années que je pense à elle et qu'elle ne quitte jamais longtemps ma tête. Savoir que désormais elle ne vit que dans mes pensées je n'ai jamais été capable de l'accepter. Je ne peux vivre avec l'idée qu'elle ne vit que dans ma tête. Cela fait bientôt cinq ans, cinq longues années que je ne me fais pas à l'idée qu'elle n'est plus de ce monde depuis ce fameux dix-sept juin. C'est arrivé trop soudainement, bien avant qu'on puisse se serrer dans nos bras. C'est peut-être pour ça que je ne l'accepte pas. Que ça me fou en l'air de ne plus me rappeler du son de sa voix. Que je m'en veux d'avoir oublié certains détails de sa personnalité et de ses gouts. J'en viens à m'en vouloir de ne pas être allé la voir. De ne pas avoir pu être auprès de ces proches au moment où il le fallait. Ça me ronge, et je crois que je serais toute ma vie dans le deuil. Et plus j'avance, plus je grandis plus les gens partent, certains s'en vont pendant quelques mois et d'autre disparaissent. Leur vie s'arrête, la mienne s'essouffle. Et à chaque décès je m'effondre un peu plus.
Je sens mon corps qui tremble à l'appel de son nom, il résonne dans tout mon être comme si j'en avais besoin. C'est une bien lourde perte qui a causé désordre dans ma vie. Du jour au lendemain je me retrouvais seul au milieu de toutes celles et ceux qui prenaient du plaisir à me cracher dessus, à me porter des coups, à m'enfermer dans les toilettes et à me toucher, à me dégouter de moi-même. Il me fallait une porte de sortie, quelque chose qui me fasse m'écarter de cette réalité qui revenait me frapper de plein fouet chaque journée de cours au collège. Alors tout de suite je me suis enfermé dans un monde à part, entouré de fumée. J'ai commencé à me consumer très jeune, à le consommer très tôt et jusqu'à tard chaque soir. C'était la dégringolade au fur et à mesure que les taffes se tiraient. Et le temps est passé, de nouvelles blessures m'ont affaiblie et je tentais à chaque instant de m'éloigner de ce quotidien et de ce monde qui décime. Et je m'abimais au rythme des musiques toujours plus rapide. Heure après heure, enfermé dans ma cellule je restais là à continuer de me défoncer pour me sentir planer. J'aimais me perdre dans la noirceur des ténèbres et tenter de me guérir à grand coup de poudre blanche et d'extase de la nuit. J'étais comme cet homme qui compte désormais ses nombreuses ecchymoses au rythme des basses du mal qui émanent des caissons, qui s'abandonne, s'anéantit sur la frontière entre mourir et résister. Dans le tumulte de l'obscurité qui régnait je continuais de me noyer dans un verre, puis un autre. Et tout le jour je comptais les heures qui passaient tout en fumant ma douceur. Je n'attendais que la soirée pour voler juste une nuit encore.
Ici, je suis obligé de faire sans tout ces produits et de me contenter du traitement que l'on me donne. Au début de mon hospitalisation, dans le service fermé c'était horrible. Je voulais absolument qu'ils me relâchent pour pouvoir consommer. C'était mon seul souhait, que ça se termine. Les jours qui ont suivit je me suis laissé aller avec le traitement que le psychiatre m'a prescrit. Dans mon lit je me sentais voguer, dans un ciel tout cotonneux. Je fermais les yeux et je me sentais tanguer. C'était agréable, mais je voulais plus, toujours plus. Le traitement à été changé et les voix qui me parlent dans ma tête sont devenues moins prégnantes. C'était comme découvrir une nouvelle façon d'être, on ne sait plus comment agir. On est perdu. D'aussi loin que je me souvienne, elles ont toujours été là. Elles étaient présentes au collège, je me refugiais dans ma tête après qu'elle était décédée, car c'était le seul endroit où je me sentais réellement en sécurité. Et j'ai pris cette mauvaise habitude de ne vivre que dans ma tête, sans jamais sortir de ma bulle et expérimenter la vie. Je suis bien trop longtemps resté assis, au lieu de me mettre debout et de lever le poing. C'est décidé, je ne peux plus rester un simple spectateur, moi aussi j'ai des rêves et des projets et je vais tout faire pour les accomplir. Et si je suis en manque de rêve ça n'est pas grave, je vais partir arpenter de nouveaux paysage et trouver de nouvelles inspirations. Je ne peux pas rester enfermé ici attendant que le temps passe je dois y aller et faire mes preuves. Je vais avoir le courage de tout affronter demain, et je sais que je ne serais pas seul, ma famille est là pour me soutenir et m'entourer si je me perds. Les amis on verra ceux qui restent j'ai l'impression que plus les mois passaient plus je les perdais. Plus j'étais seul et désœuvré. Mais je ne vais pas me laisser abattre il faut que je réussisse.
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La psychiatrie
Non-FictionDeuxième fois que je suis hospitalisé. Désormais j'ai dix-huit ans et je suis interné sans mon consentement dans le service des adultes, en psychiatrie aigüe. De longues journées passent, remplies de solitude, de remises en question, et d'obligati...