Chapitre 9 : Ce matin il fait beau

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C'était un matin comme je les aime, moi qui crains le jour lui qui ne m'est pas propice, qui ne m'a jamais apporté du bon. Jamais, en aucun matin de ma vie, je ne fus vraiment joyeux. Habituellement ce n'est qu'au courant de l'après-midi que je me réchauffe lentement, et, seulement vers le soir, en mes bons jours que je m'anime, que je deviens fécond et parfois, souriant et ardent. C'est un matin comme je les aimes, un beau froid, dit un patient. Le ciel bleu, juste quelques nuages blancs très haut et l'air vif qui vous pique les narines. Un de ces matins où je rentrais chez moi, traversant la ville après une longue soirée bien arrosées avec des personnes qui vous entourent et ne vous lâchent pas. Un de ces matins où je croise des personnes se réveillant à peine, où les routes sont déjà pleines de gens dans des voitures sur le chemin pour aller travailler.

Ce matin il fait beau et je viens de prendre mon petit déjeuné avec les autres, et je suis sur le point de finir de rouler ma cigarette pour aller fumer. Tout est plus grand de ce côté-là du hublot, les couloirs sont plus nombreux, ils entourent le grand patio, celui dans lequel il y a un banc en pierre pour s'assoir et également des chaises vertes de salon de jardin. Des arbres également, et on pouvait même voir le soleil. De l'autre côté c'était impossible de voir le soleil et la lune. Dans ce patio nous nous sentions moins enfermé, même si une fois assis sur une des chaises ou sur le banc on était constamment entourés par ces murs qui sont devenus notre seul et unique paysage. Je me sentais mieux dans cet espace, il était déjà plus vert et plus grand. Les personnes qu'il y avait restaient soit muettes soit elles déblatéraient sans s'arrêter pendant parfois plus d'une demi-heure. Interrompre la conversation se voyait être difficile, et parfois rester dans un silence profond me dérangeait et me mettez mal à l'aise ; bien que souvent je faisais partie de ces personnes qui s'effacent et ne disent pas un seul mot. Le silence n'était jamais vraiment là, dans ma tête rien ne pouvait supprimer ces voix, pas même les cachets ou alors uniquement certaines fois quand le psychiatre augmente les doses. Au début le traitement allait, mais à croire que mon corps s'est habitué

Mais je pense que je supporte maintenant avec plus d'aisance certains maux qui avant m'avaient torturé plus longuement et plus profondément, m'avaient même parfois bouleversé jusqu'au fond de mon être. A chacun des bouleversements de ma vie j'avais finalement, c'est indéniable, gagné quelque chose en liberté, en esprit, en profondeur, mais aussi en solitude, en détachement. Ma vie de crise en crise avait été une descente ininterrompue, un éloignement toujours plus béant du normal, de ce qui m'était permis, du quotidien. Chaque fois, l'arrachement d'un masque, l'écroulement d'un idéal avait été précédés de ce vide, et de ce silence sinistre, de cette strangulation mortelle, de cet isolement et de cette désespérance, de ce morne enfer sans Amour que je devais traverser de nouveau. Je voulais juste qu'on me laisse me balancer, virevolter pour ne jamais me poser. Qu'on me laisse m'ennuyer, tournoyer et à jamais m'affoler.

Cependant, avant de m'engloutir dans le mal, moi, cet homme disloqué, je vais encore tirer une fois de plus de mon orgueil l'énergie de relever la tête. Je le souhaite ardemment et j'y pense sans cesse. Cette décision semble s'alimenter d'un sentiment de culpabilité. Cette bonne vielle culpabilité si prompte à resurgir du tréfonds de mon enfance.

Et l'effort n'est pas négligeable, celui que je dois fournir pour trouver un nouvel équilibre. Et demain, si je ne me lève pas de ma chute, je leur dirais que chaque respiration que je prends est un élan vers ma victoire car ma persévérance est plus rapide qu'une fusée. 

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