Que dire après avoir fait une tentative de suicide ? Si je voulais répondre simplement je dirais comme à mon psychiatre depuis le premier jour que je l'ai vu « ça va ». Que puis-je réellement répondre lorsqu'il me demande comment ça va. A chaque fois que je le prononce, c'est comme si ma voix était entravée, que ces deux mots ne sortaient pas. La voix un peu froissée je dis « ça va ». Que dire d'autre, il y a tellement de chose qu'au final il n'y a rien de particuliers. Que des faits qui se suivent et parfois même se chevauchent. Un amas de choses qui nous atteint. Je ne pense pas que je sois réellement capable de lui répondre. Je pense que le mal était là depuis bien trop longtemps, presque huit années que j'ai commencé à me dégrader, à perdre des bouts d'espoir. A ne plus pouvoir me regarder dans le miroir trop longtemps sinon j'en viens à me détester et à m'en vouloir. Beaucoup d'épreuves assez tôt et puis bien sûr pas toujours la capacité d'en parler, comme s'il n'y avait que moi que ça regardait. Des mains tendues, juste une et loin de moi. Une qui se distingue puis qui s'éteint à tout allure dans une voiture. La fin d'un monde, une nouvelle arrivée dans ma vie et puis tout bascule. Mots en suspens, de sa main sur la mienne, la sensation s'efface, ensevelie par le poids des mois. De nouvelles saisons se succèdent et j'avance sans elle. Seul de nouveau, j'en vient à me demander si mon défaut est de ne compter que sur un seul être, une seule personne et finalement tout perdre. Beaucoup de remises en question, presque constamment. Les nouvelles mauvaises habitudes arrivent et s'ancrent profondément, il m'est impossible de m'en défaire. A chaque fois c'est la même chose, je n'y arrive pas. Et là tout s'enchaîne, la culpabilité me frappe de plein fouet, et mon corps s'enracine dans un sol qui n'est plus mien. Et pendant toute cette durée dans ma tête les scénarios s'enchainent et puis les voix ne sont pas muettes, je ne m'entends plus penser. Ça en devient insoutenable. Sans cesse elles prennent le dessus sur moi et ça devient un réel carnage. Après je regrette et le moral retombe au plus bas. Il a fallu une crise précédée de long moments d'angoisse pour me faire craquer. Ça faisait des mois que je ne mangeais plus, que je ne sortais que très peu de mon lit. Que je passais mes journées à consommer tout ce qui pouvait affecter mon état d'esprit. J'étais dans un rythme de vie destructeur, dans une phase ou toutes les personnes que je croisais me semblaient vouloir me faire du mal. Je me sentais perpétuellement en insécurité comme à mon arrivée ici. Et puis il y a eu la journée de trop, la soirée de trop. Et là j'ai explosé, mes derniers souvenirs sont quand je me suis allongé dans mon lit parlant avec ces voix qui s'accélèrent dans ma tête et hurlent après moi. Et là trou noir, plus rien. La voix du pompier me criant dessus et son visage que je n'arrive pas à percevoir et c'est tout. Et que dire sur cet évènement ? Vraiment, je m'efforce de réfléchir mais je ne sais pas ce que je suis censé dire là-dessus. Alors je parle du présent mais depuis cet acte il ne s'est rien passé dans ma vie, mise à part que je suis enfermé ici. Si quelqu'un me demande de lui parler de ce que je deviens je pense que cela serait vraiment très difficile pour moi de répondre. Car étant entre ces murs blanc je ne fais rien de captivant, ou bien même intéressant. C'est comme si pendant tout ce temps, ma vie s'était interrompue, comme en suspens.
Et maintenant je pleure sans que les larmes coulent. Je me sens submergé, j'allais vraiment mal. C'était comme une tempête dans laquelle j'avais été déchiré. En milles morceaux sur le sol. C'était une souffrance bien trop intense. J'ai vécu cela comme un arrachement. Je crois que si je pleure à l'intérieur c'est parce que je me rends compte que j'avais été dans un état vraiment horrible. Et je me rends compte qu'aujourd'hui j'ai pris du recul et que le traitement m'aide un peu à mettre de l'ordre dans mes pensées. Lorsque l'angoisse monte j'essaie de mon concentrer sur quelque chose pour éviter qu'elle grandisse et prenne toute la place. Si j'échoue je peux prendre une gélule bleue qui m'aide à y voir plus clair. Ce traitement est comme une béquille sur laquelle je me tiens pour rester debout et ne pas tomber. Il me supporte et m'aide à avancer.
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La psychiatrie
Non-FictionDeuxième fois que je suis hospitalisé. Désormais j'ai dix-huit ans et je suis interné sans mon consentement dans le service des adultes, en psychiatrie aigüe. De longues journées passent, remplies de solitude, de remises en question, et d'obligati...