Allongé dans mon lit, un souvenir vint alors me faire réagir. Ma voisine de chambre s'appelle Mme R.. Elle porte son nom. Le nom de celui qui, une nuit de septembre m'a volé ma vie. Ce monstre de mes nuits, celui qui détruit chacun de mes rêves et me hante à travers les cauchemars. Ce violeur. Pouvait-elle avoir un lien étroit avec lui ? Est-ce qu'elle pourrait être sa mère ou bien quelqu'un d'autre de sa famille ? Mes pensées fusent et je n'arrive pas à les arrêter. Je crois que je deviens fou, le numéro à quatre chiffres de ma chambre est identique à la date du viol, à mon arrivé cela m'avait déjà interpellé, et là deuxième coïncidence, ma voisine de chambre porte le nom de mon agresseur. Pourquoi je suis là, qu'est-ce qui se passe ? L'angoisse monte et je ne sais la refreiner.
Il faut que j'arrête de penser, il faut que je laisse ces idées de cotés et que je me lève pour aller prendre le petit déjeuné et mon traitement va bientôt faire effet je pourrais alors ne plus penser. Et au pire j'en parlerai au psychiatre si je le vois aujourd'hui. Le traitement que le psychiatre a mit en place pour essayer de me sortir de cette folie affecte ma manière d'interagir avec le monde. Je me sens lourd mais également léger, j'ai l'impression que je survole chaque chose et que je ne fais qu'effleurer le monde. Cette sensation n'est pas déplaisante car j'ai l'impression que rien ne peut me toucher, comme si je n'étais pas atteignable. Allongé dans mon lit il me semble que je lévite au-dessus de celui-ci, que je fais partis de ce vide qui occupe la chambre où je suis.
On frappe à la porte puis elle s'ouvre, une infirmière entre.
- Bonjour Alex, on repasse dans dix minutes pour faire quelques examens.
- Euh d'accord, répondis-je surpris.
- A tout à l'heure.
- ... oui à tout à l'heure.
Des examens. Quels examens ? De ce que je me souviens quand j'étais à Clermont-Ferrand ils m'ont fait beaucoup de tests. Bien que pendant environ dix longues heures je fus resté dans un service branché à plusieurs machines qui faisaient du bruit, avec oxygène et hydratation, ils ont eu la bonne idée de me faire passer tout un tas de tests que j'ai peiné à supporter. J'étais en totale crise, même étant très sédaté, en ne pouvant pas parler, et en luttant pour ouvrir les yeux, je ne voulais pas qu'ils me touchent. J'étais à ce moment-là épuisé, j'espérais que tout ça n'était qu'un rêve et que j'étais en train de bel et bien mourir. Mais je me trompais, et ils devaient tout faire pour que je vive, c'était leur métier. Et moi, je ne voulais pas. Je voulais qu'ils me laissent là, partir doucement, loin de tout ça. Soudain une voix me sort de mes songes.
- Bonjour, on vient avec des chariots on va te faire passer quelques examens.
Je me retournai et vis Carole une des infirmières, accompagnée de Vincent un aide-soignant.
- Bonjour, dis-je.
Vincent versa quelques gouttes de désinfectant au creux des mains de Carole et des siennes, puis rapprocha le chariot sur lequel était relié le tensiomètre. Carole reprit en se frottant énergiquement les mains :
- Du coup on va commencer par prendre ta tension, viens t'assoir par ici. Ça va tu as bien dormi cette nuit, tu n'es pas trop fatigué ?
- Oui ça va merci, j'ai eu un peu de mal pour m'endormir, mon cerveau n'arrêtait pas de cogiter mais le traitement de 22h m'a endormi très rapidement.
- Oh mais attends, je n'avais pas vu les plaies, on va désinfecter et mettre des bandages on ne peut pas te laisser comme ça, poursuivit Carole.
- Tiens pour nettoyer les plaies, dit Vincent en passant des compresses et de l'alcool à l'infirmière.
C'est vrai que ces plaies devaient être désinfectées et c'est vrai aussi qu'elles étaient profondes. J'avais enfoncé la lame dans ma chair, souhaité que le mal s'écoule de mes veines, et que le sang se déverse. Après avoir mis de l'alcool sur mes blessures, avoir passé de la crème sur mes avant-bras, mes mollets et mes cuisses, elle fit des bandages pour mes bras et mes jambes. Elle mit des compresses énormes sur mes cuisses, elle fixa le brassard pour prendre ma tension. Mon coude était posé sur une table, mon bras était allongé et ma paume vers le plafond. Seize de tension, comment cela pouvait-il être possible ? moi qui avais l'habitude d'avoir une tension de neuf ou de dix. Vincent nota, sur l'ordinateur devant lui, le résultat et me demanda de m'allonger sur le dos afin qu'il me prépare pour passer un électrocardiogramme. Après avoir bien installé les électrodes il me demanda de ne plus parler et de rester calme. Au fil des battements de mon cœur, l'appareil dessinait sur le papier mon rythme cardiaque.
- Bon tu as un cœur qui bat vite, lança Carole.
Par la suite, je fus pesé et mesuré, j'ai dû également répondre à énormément de questions concernant ma santé ou bien mes habitudes. Après cela je fus blasé et je ne voulais plus entendre parler de questions.
Le seul point positif c'est qu'en sortant de ma chambre Vincent est allé chercher la valise avec mes affaires que ma mère avait préparé et apporté aux soignants. J'avais désormais de quoi me laver et surtout de quoi m'habiller. Je me sentais moins déshumanisé.
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La psychiatrie
Non-FictionDeuxième fois que je suis hospitalisé. Désormais j'ai dix-huit ans et je suis interné sans mon consentement dans le service des adultes, en psychiatrie aigüe. De longues journées passent, remplies de solitude, de remises en question, et d'obligati...