Chapitre 14 : Ça va aller

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 Je ferme les yeux et je vois une multitude de personne défiler. Là, je les vois apparaitre devant moi, se tenant bien droits, me regardant dans le fond des yeux. Leur regard me transperce, je les vois qui semble être devenu de parfaits inconnus désormais, leurs gestes ne me sont plus familier, il n'y a bien que dans leur regard que je les reconnais un peu. Je sens le souffle qui me manque, et mon cœur s'accélère à chaque nouveau visage qui se présente à moi. Je suis comme paralysé devant toutes ces personnes qui ont un jour joué un rôle important dans ma vie. Je suis incapable de bouger, c'est comme si tout mon corps était retenu par des chaines trop grosses pour qu'elles se cassent. Mes pieds s'enfoncent dans le sol et plus le temps passe plus je m'ancre dans la terre. J'ai des pensées diverses plein la tête. Là encore il est dur pour moi de me concentrer. Tous les souvenirs remontent à la surface et tel une vague balaye tout sur son passage. Un besoin de pleurer me prends, mais aucune larme coule. Je suis submergé. Je revis en quelques instants seulement, des bribes de ma vie, des moments joyeux, des épreuves surmontés, des souvenirs de mon ancienne vie. Et là je crois que c'est le chaos. Je revois son visage, à lui qui a été le premier à me faire du mal, puis à tous celles et ceux qui ont suivis. Toutes ces personnes qui prenaient surement du plaisir à me faire subir tout ce qu'on ne souhaiterait à personne. J'entends leur rires, et leur insultes, je ressens de nouveau leur coups. Je me revois rasant les murs, cachant ma lame, m'enfermant dans les toilettes. Ces toilettes dans lesquels je n'ai plus jamais voulu m'approcher, en ayant peur qu'ils recommencent à me déshabiller. Je me rappelle de tous leurs messages, leurs menaces. Des appels qui ne s'arrêtent pas et des soirées que j'ai passé dans le noir à dégueuler ma peine. Et voilà maintenant que mes pensées se dirigent encore vers cette nuit de septembre, et là c'est la dégringolade. Le flash, je ressens la force de ses mains sur mes poignets, j'ai du mal à respirer, j'angoisse. Je ne sais plus quoi faire, je suis en train de perdre le fil. Je sens son odeur qui me donne envie de vomir tout cette horreur. Ça ne s'arrête pas. J'ai les yeux fermé et je revois ce pont au-dessus de ma tête, celui que je voyais lorsque je voulais qu'il arrête.

D'un coup j'ouvre les yeux. Je suis en sueur et affolé. Je panique et je me répète « c'est fini, c'était un cauchemar » ça va aller, je suis en sécurité ». Je soupir. Ça va aller, je suis éveillé et seul dans ma chambre. Rien ne peut m'arriver. Je me lève et prends un verre d'eau. Il faut que je me sorte ces souvenirs de ma tête, mais comment faire lorsque tout ça revient toutes les nuits sans cesse ?

Dans ces moments-là j'essaie de me dire que je ne peux pas rester dans cet état. Il faut que je ne me laisse pas abattre, il a déjà réussi à me tuer plusieurs fois. Je ne peux pas le laisser avoir main mise sur ma vie. Alors j'essaie de remonter la pente et de ne pas me laisser chuter de nouveau. J'appuis sur la sonnette pour demander aux soignant de m'apporter une dose de mon traitement.

Dans les instants suivants, je me suis mis à penser à elle qui me manquait tant depuis son décès. Et je me suis dit que si elle était à mes côtés aujourd'hui elle n'aimerait pas me voir comme ça et elle ferait tout pour que je me sente mieux. Donc je ne dois pas la décevoir, je ne peux pas me laisser aller comme ça et ressasser souvent tous mes traumatismes. Je ne le devais pas pour elle, et surtout pas pour moi. Car c'est ça qu'elle voulait, que je me sente bien, que je n'oublie pas de garder espoir, que je profite du bonheur quand je le croise. Elle m'a tellement apporté, grâce à elle j'avais réussi à prendre confiance en moi et faire abstraction des bourreaux. Et puis on a passé tellement de temps à se parler de nos vies, comme si chaque anecdote dîtes était comme le soulagement d'un poids. Après nos longues heures de conversation nous nous sentions plus léger. Depuis qu'elle n'est plus là c'est souvent que je me dis que je ne peux pas continuer de vivre comme ça. A laisser le temps s'écouler et à regarder la vie passer devant moi sans que je ne puisse l'atteindre. C'est étrange car la vie me passionne par moments, et je dois avouer que c'est souvent en tant que spectateur que je vois le bonheur. Je n'y suis jamais vraiment, je les vois sourires aux lèvres, dansant, tournoyant, dans la pièce et je vois leurs âmes qui brillent et apportent de la tendresse à l'ambiance, et moi je suis là insignifiant comme vide de sens. Je ne sais où est ma place et je me sens perdu dans cet environnement que j'aimais tant.

Il me semble que ces temps-ci je me sens un peu mieux, j'ai un peu plus de motivation qu'à mon arrivée. Je ne veux pas trop m'avancer mais je crois que je commence à trouver ma place, ici dans cette hôpital. J'ai pris mes marques et je commence à m'adapter à cet environnement. Je ne sais pas si c'est un point positif ou négatif car je ne veux pas que ma place se résume à ce numéro de patient dans cet établissement. Chaque jour qui passe je vois des patients arriver après moi dans ce service et déjà repartir. Je suis l'un des seuls à rester là au milieu des patients qui résident dans ce service depuis des mois et des années.

J'ai recommencé à écrire, et parfois même je dessine. C'est comme si ces activités me tenaient en vie, comme si elles étaient un pilier central solide. Je passe la plupart de mon temps à lire et faire des allers-retours dehors pour sortir fumer. J'essaie de profiter au maximum de ces moments de pause clope dehors pour me ressourcer. Je me laisse inspirer par le vent dans mes cheveux, et par ce ciel qui m'aspire. Certains jours je fais des partis d'échecs avec un patient. Je discute quelques temps avec certaines personnes et c'est comme si à chaque échange je les connaissais un peu plus, et qu'elles s'ouvraient à moi.

Je me demandais si elles aussi avaient l'impression de me connaitre un peu mieux ou si je ne leur laisser rien transparaitre sur la personne que je suis. Je me demande si je ne suis pas ridicule face à elles à leur parler. J'avais certes progressé dans l'art de tenir une discussion, malgré mes efforts je n'étais pas totalement convaincu d'être à l'aise et de ne pas le laisser transparaitre. 

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