Chapitre 11 : Une éclaircie

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Aujourd'hui depuis bien longtemps je crois enfin que tout va un peu mieux. Je commence à sortir plus souvent de ma chambre. Il m'arrive de me perdre au fond du couloir et de rester plusieurs heures sur une chaise à lire un livre. Parfois je joue même aux cartes avec d'autres patients. J'essaie le plus possible d'être sociable et de ne pas tourner les talons dès qu'un patient approche. C'est assez difficile pour moi de tenir une conversation avec quiconque. Cela m'angoisse encore, je vais avoir du travail à faire pour réussir à communiquer avec les gens qui m'entoure. Le chemin sera long et je le sais semé d'embûches. Mais je ne peux pas rester là spectateur de ma vie qui me file sous les doigts. Je dois agir, faire des choix, recommencer à avoir des rêves. Et pour m'aider à avancer je participe régulièrement aux activités proposées par les soignants pour nous aider à apprivoiser nos faiblesses. Dans ce service j'avais la possibilité de cuisiner certains jours, d'autre d'aller dans des centres équestres pour m'occuper des chevaux, certains patients avaient le droit d'aller faire des courses en étant accompagné. Alors je m'efforçais à participer pour essayer au mieux de reprendre contact avec des gens, de m'entrainer à être dans des situations qui peuvent être angoissantes. La concentration c'est ça qui me manquait, et le traitement était en parti responsable de ce manque. Mon esprit est pour l'instant trop frivole. Ça n'allait pas être simple de vouloir de nouveau vivre, pensais-je.

Pendant bien trop longtemps je me suis regardé mourir. J'étais vide, je ne voulais rien, je mangeais peu. Je ne dormais jamais bien, je me réveillais la nuit sans savoir pourquoi ou en sueur après avoir cauchemardé sur la nuit du viol. J'avais complétement arrêté de ressentir assez de sentiments pour qu'ils provoquent des larmes qui couleraient sur mes joues. Je n'avais aucune envie, aucune fierté, je me serais laissé trainer dans la boue. Tellement je me foutais de tout. Du beau temps comme de la pluie. D'avoir quelqu'un sur qui prendre appui, de sourire pour que les autres soient ravis. C'est horrible, mais je prenais même plus trop de plaisir à rester en vie. Je n'en avais plus rien à foutre de leur jugements, de leurs sourires, de leur pitié et même de leurs mains tendues. Je restais seul dans ma chambre, mon esprit s'était déjà pendu. L'avenir était plus que flou, tout paraissait inattendu. J'ai passé des années à gamberger. J'ai eu tant de regrets qu'ils m'ont parfois empêché de vivre. J'ai regretté de ne pas avoir pu la sauver. J'étais son ami. Puis ça a fait que raviver les dernières fois que j'ai perdu quelqu'un d'important, et ça m'a fait l'effet, d'un tsunami. Un mélange de honte et de peine. J'avais la sensation qu'une erreur me suivrait toute la vie. Que chaque miroir, chaque flaque ne me balancerai que ce reflet que je cherche à fuir. J'arrivais à un point où j'en avais marre de tout affronter de face. Je ne pensais qu'à m'enfuir. Alors je n'ai pas eu le choix : j'ai décidé de ne plus ressentir aucun sentiment pour ne plus souffrir. Pendant cette période, c'est sûrement quand j'écrivais que j'étais le plus humain. Je ne me confiais qu'à ma plume. Parce que je pensais qu'il y avait qu'elle qui pouvait me tendre la main. Et je vidais mon esprit pour m'apaiser sans même savoir si ça irait mieux demain. Mais sans cette plume, je n'aurais jamais pu attendre le lendemain. Je n'étais qu'un tourbillon d'émotions négatives, j'étais instable.

D'un coup je me leva, regarda l'heure et parti dans les couloirs.

Je vois passer de très vieux messieurs confits dans les rides qui tiennent à la main un mouchoir gris ou un masque chirurgical ; les épaules couvertes de pellicules. C'est un défilé qui mêle au cocasse le lamentable, celui des hommes quelque fois considérables mais en cet instant décrépis.

Désormais ma part de rêves s'est rétrécit à des dimensions plus humaines. 

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