Te souviens-tu, Fardeau ? De tes rêves amochés de voir fleurir villa sur les ruines de ton quartier mental ? C'est bien toi, Fardeau, qui as combattu chimères et dragons pour gagner ta tour de cristal ? C'est bien toi, Fardeau, qui, enfin au sommet de sa vie, voudrait sauter ?
Viser le culminant pour redescendre aussi sec ; c'est bien toi, la déception, Fardeau ?
Fardeau petit caprice satisfait s'en voit déçu d'avoir tant rêvé ; rien de plus qu'une erreur cachée. Il s'est battu, Fardeau, la rage aux dents, l'envie au regard, n'a pas voulu lâcher pour se trouver une jolie prison où enfermer son désespoir.
C'est pourtant de cette même prison qu'il émane aujourd'hui.
La fourmilière est niée, la solitude bien installée entre les meubles branlants – et ce sont bien les seuls. Un nouveau point de départ pour repartir vers la même chute inexorable, derrière de nouvelles fenêtres sur de nouveaux paysages de bitume qui accueillent de nouveaux visages et de nouvelles tristesses... mais tu le sais, Fardeau, tu sais bien qu'aucune illusion ne vient combler l'immuable terrible de la condition humaine.
Oui, Fardeau, tu t'es battu comme un Dieu, mais tu es resté humain à tout prix – ne t'en déplaise.
« Ce ne sont que des mensonges ! », répètes-tu inlassablement à ton for intérieur qui ne t'écoute même plus. Ou peut-être est-ce lui qui te fauche de ses assauts dépressifs incessants. Le résultat est le même : un petit Fardeau à peine recroquevillé, bien ouvert aux affres de la vie, prêt à avaler chaque petite mort jusqu'à la grande implosion.
C'est de l'encéphale que viendra l'attaque, Fardeau : ce sont bien nos Folies qui te dévoreront.
D'aucune de tes effractions mentales n'a su te libérer quelque peu. Tes névroses tressées en fil d'Arianne, tu pensais remonter à l'Origine en regardant ta constitution misérable de l'intérieur. L'introspection ne palie en rien aux désespoirs environnants ; tu les as, tout au mieux, supportés plus longtemps. C'est paradoxalement ainsi qu'ils t'ont abîmé plus fort.
T'es tout décousu, Fardeau, c'est pas de fil dont t'avais besoin, mais de tresser ta corde.
Avec ta gueule qui fait peine à voir, tu comptes les vieillesses qui s'entassent sous tes yeux malades. La flamme de la jeunesse t'a bien cramé, Fardeau, t'es brûlé de partout de cet incendie qui te consume depuis le jour misérable de ta torture première ; dont ton premier hurlement s'était déjà fait l'écho. Le brasier dans les poumons a laissé des cendres affamées qui t'ont déjà trop rongé et leurs morsures incurables te rappellent sans cesse comme cette plaie suffoque et t'étouffe.
T'as déjà mille fois mille ans, Fardeau, alors combien encore t'en reste-t-il à devoir vieillir ?
Je crois que t'as trop donné aux autres Fardeau. Et puis leurs égoïsmes ! faudrait bien les laisser tous s'étouffer avec un par un ! T'as la rage aux lèvres à chaque idiotie que tu comptes, à chaque mensonge, à chaque petite manipulation qui tente en vain d'améliorer la réalité sans s'avouer la vérité. A chaque fois qu'un idiot dit le contraire de ce qu'il fait sans même s'en rendre compte (et ça l'arrange bien, n'est-ce pas).
Fardeau toi t'as brisé chacune de tes barrières psychiques ; mais ce sont les leurs qui t'arrêtent !
Allez viens Fardeau, qu'on se jette au profond du néant d'un gouffre sans fin, sans foi ni loi devenir bandit des grands fonds de ces mots d'argile fragiles au possible avec lesquels ils te fatiguent ; arrêter de s'abrutir de convenance pour ne surtout pas tuer son prochain ; attaquer le premier, mordre l'autre plutôt que la poussière ; mais l'autre n'est pas plus poussière que toi, Fardeau – il l'est peut-être même déjà un peu moins.
Fardeau les ténèbres seulement encore t'éclairent, et je suivrai leur lumière avec toi.
Indissociable, l'amertume nous relie. Fardeau, nous trouverons les divines torpeurs
Dont seul le silence, invincible et salvateur, dans toute sa majesté, sera le roi.
Il y fera régner ici ce que l'on a trop longtemps voulu chercher ailleurs,
Et nous serons sauvés, Fardeau, sauvés des monstres qui hantent nos poèmes,
Fardeau, nous serons sauvés de tous nos actes, de nos mots et de nous-mêmes.
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Folies
PoésieChaque pensée est une folie de plus, et chaque folie est une pensée nouvelle. Ici, je les assemble et de toutes mes folies, je récrie ma Folie. Elle est nombreuse, et, se faisant toute belle, elle vous invite à les connaître... venez donc, mais ne v...