Au bar des Tristesses

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Dis c'qu'ils sont dégueulasses ces piètres amoureux,
Qui font rougir de rage la jalousie des Dieux !
Ils se donnent ces promesses qui ne durent qu'un instant
Celles que nous nous fûmes un jour, c'était il y a mille ans.

Ce qu'ils puent ces gens-là, à plein nez, de pleine vie,
Ils ont l'odeur parfaite des plus belles poésies !
Quand ils font du Rimbaud dans ces mots qu'ils se disent,
Qu'ils redonnent à l'amour ses fragrances exquises,

J'ai la gerbe qui me monte de les voir ainsi vomir
Les belles lettres que je n'sais même plus écrire !
Pas jaloux pour un sou, je plains ceux que j'envie
De me rejoindre un jour dans l'éternelle nuit.

Qu'ils sont tristes de bonheur ces langoureux idiots
Devant mes yeux-dégoût c'est qu'ils brillent si beaux !
Quand ils se donnent aux lèvres ces baisers d'avenir
Ils s'assurent en silence qu'ils vont bien se l'détruire.

Le mien c'était hier, quand mes valises ont quitté ta demeure,
J'ai pris chaque miette dans mes cartons, j'ai laissé les meilleures,
Et j'ai retrouvé au bar le silence des amoureux
Qui le furent jusqu'à ce qu'ils se disent adieu.

Au comptoir des tristesses c'est toujours les mêmes histoires
Des fesses de princesses parties qu'on se rêve de revoir,
Des restes morcelés de nos lambeaux déchirés d'espoir,
Et le crâne percé à jour par ce despotique drapeau noir.

Nos consciences bleues d'hématomes sont saignantes à point,
Et nos cœurs fendus de pleureurs du soir font du chagrin
Une douce mélodie qui s'élève dans le cimetière de ce bar,
Où personne n'ose s'échanger des yeux le vide qu'ils ont au regard.

On attend que nous rejoigne les pauvres malheureux,
Qui firent rougir de rage la jalousie des Dieux !
Qui savent enfin que ces promesses ne durent qu'un éphémère,
Comme celles que nous nous fûmes un jour, il y a quelques « hier ».

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