Sublime Créature

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L'est partie pour un rien, pour donner aux vautours
L'entier de ses reins pis nos restes d'amour
L'avait pas dans les mains la place pour mes chagrins,
L'en a mis plus, encore plus, toujours plus, sans fin,
Le poids lourd des idéaux sur la route des déceptions
J'crois bien qu'y'avait pourtant parfois l'bruit des bonds
Que font les cœurs quand on les embrasse d'en-haut,
Qu'on les embrasse d'amour, quand les baisers sont beaux,
Quand il chante, le cœur, sur des airs d'opéra, des airs marins,
Des airs de rien dans mes déserts de sable et l'amer des destins.

Ma Sublime savait faire sourire à mes peines les plus tristes,
L'avait les yeux divins – c'est elle seulement si Dieu existe...
C'est que le soleil lui-même se couchait dans ses cheveux d'or !
Et quand bien même je sombre et l'oubli moi je l'aime encore.
Dans le trop peu des mots dits, je suis trop vieux et maudit
Pour prétendre à séduire le bambin qui m'eut donné la vie.
L'avait pas dans le cœur la place pour m'y mettre, paraît qu'j'étais lourd
De tous ceux qui s'veulent se sentir aimés moi j'y ai donné trop d'amour
L'a mis du vide au bout d'mes pas, à tisser du vent, m'a fait du néant,
A ne jamais s'y complaire accepter la malédiction de ne plus être enfant.
Dire adieu aux espoirs, dire à dieu à l'Amour, et à tes yeux de velours,
Foutre le feu encore pour m'enflammer, brûler mon âme à tes contours.

C'était le soleil d'une nuit, l'éveil chuchotant dans le bruit,
C'était la merveille d'une vie, ma plus belle Poésie.
Ma Sublime Créature, elle dormait où je gis à jamais, promis,
Dis-le ma Sublime, qu'nous deux ça valait rien, t'inquiète vas-y,
Que les coups claquent, que les corps frappent, que mes os craquent,
J'en peux plus ma Sublime des larmes qui m'tombent en grosses flaques !
Au Port parfois j'entends chanter les navires marins, les Phares rient,
Et moi je bois et moi au bar seulement j'passe à tabac mes inepties,
Leur mettre des gifles à ces espoirs, la Terre est grande, t'es déjà loin !
A ces bateaux de fortune qui s'en vont fendre les horizons lointains
J'attends ma place pour rejoindre ma Sublime avant d'mourir,
Parce que je meurs, je meurs de vivre, et je meurs surtout d'en mourir,
Le creux à l'estomac, mon ventre famine qui crie la fin, allez Sublime !
Sans toi j'dois dire qu'y'a pas le moindre sens qui se colle à mes rimes.

Si tu veux viens ce soir qu'on se r'dise nos fêlures, qu'on se compte les poèmes,
Qu'on se l'dise un peu comme on s'perd sans l'autre, beaucoup comme on s'aime,
Comme on s'aime beaucoup, comme faut plus qu'on s'défile,
Qu'on va s'arrêter d's'enfuir à chaque ombre qui nous voilera les cils.
Qu'on se crie, qu'on s'écrive, ma Sublime, qu'on s'déchire pour mieux s'coudre,
Des lambeaux d'nous à l'autre, de l'autre en soi qu'on étale ou plutôt qu'on saupoudre ;
Car on est fait des morceaux du corps qui s'morcelle quand l'âme se déchire,
Car on est fait de poussières dans les yeux qui font les larmes s'enfuir.


Mon cœur se referme et mon artère s'ouvre sous mes dents qui ne te mordent plus
Ma Sublime j'deviens dingue, y'a la Folie ici qui traîne partout son énorme gros cul,
Qu'elle s'radasse la salope dans chaque coin d'ma tête, mes névroses mises en exergue,
Je vais à vau-l'eau ivre et flottant sur les flots déchaînés : mes voiles n'ont plus de vergue.
Je dérive et délire, j'me déchire et j'étire chaque promesse au plus haut des cieux,
Et je n'atteins pourtant rien de mieux que le fond des abysses qui se cachent dans tes yeux.
Ouais ma Sublime elle m'aimait pas elle aimait pas grand-chose de moi,
J'crois bien qu'en moi elle avait froid, j'crois qu'elle dormait mal dans mes bras,
Elle décousait de fil de soi tous les mots qu'j'y disais tout bas
Elle partait pis elle rev'nait pas, l'est jamais vraiment v'nue je crois


Alors fringué de mes costumes de chagrin je vais perdu sur les avenues
Crier son nom et pis chanter combien j'l'aimais, comme j'suis foutu,
Comment c'est moche et aussi gris que mon Paris pluie de Mélancolie sans son visage,
Qu'ça fout la rage quand tout dégage, qu'y fallait pas d'dérapage, qu'y fallait rester sage.
On a pas su contenir les envies et on paie cher l'partage de chair
Qu'on a pu s'faire à s'en défaire les idéaux sous nos paupières.
Qu'elle a bien joué ma Sublime à faire mon âme du bout d'ses doigts
Un bout de rien, un jouet plastique seulement, Colifichet d'autrefois.

Ma Créature mais dis-moi c'qu'elle était belle l'aventure,
Celle qui ne laisse au fond de moi je crois bien qu'une fêlure,
J'allais te dire les mots d'amour comme on en disait y'a mille ans
Quand on avait pas bien compris encore que ça ne dure qu'un temps,
Qu'on s'faisait miroiter au ciel quelques promesses d'un éternel,
J'suis d'ces amours d'poèmes tu sais qui survivent aux siècles frêles,
Qui déchirent l'artiste maudit des Misérables de ses enfers
Quand l'infini des saisons ne rime déjà plus qu'avec hier.
Alors ouais ma Sublime, aux souvenirs qui volent aux mauvais vents,
Viens qu'on s'redonne au ventre aut'chose que ce néant géant
Qui ronge dans mes plaies le sel qui cicatrise
Et qui me fait, saignant, victime de ta traitrise.

Ma Sublime c'était l'idéal d'un idéal,
C'était le coup fatal pour fendre mon moral,
et y'a plus rien dans mes reins à r'donner à d'autres chiens,
j'suis vidé d'être si creux, je suis déjà mort j'crois bien.
Mais ma Sublime elle revient pas, ça fait longtemps que je l'attends,
Ça doit faire quelques siècles je crois, je l'aimais déjà bien avant
Avant d'avoir perdu mon âme au fond de ses prunelles belles,
Et de n'avoir plus le regard que tourné au gouffre du ciel.

Qu'aux désillusions violentes on leur donne des gants !
Qu'elles nous boxent un peu moins quand elles cassent nos dents,
Quand ma Sublime elle a cogné dans le plus profond de moi,
Moi j'ai bien senti se briser dedans chacun de mes milles éclats.
Alors je vais, morcelé, sans un message sur le tactile du téléphone,
Je vais errant surtout traîner avec d'autres traînées mes idées connes.

Ma Sublime tu sais j't'aurais donné tout l'Univers entre mes reins,
Toutes tes larmes que tu cachais j'les aurais prises dans mes mains
Pour faire de tes tristesses un chef d'œuvre et peindre ton regard
Sur la feuille abrutie qui ne te connait pas pour en faire l'œuvre d'art.
Mais j'suis pas grand monde moi pas plus Picasso que Rimbaud,
J'fais que dessiner avec des mots les restes de mes lambeaux.

A Londres ou Barcelone ma Sublime ouais jusqu'au bout des mondes,
Moi j'irais avec toi de Paris à l'au-delà s'il fallait qu'on s'inonde
Des pluies d'ailleurs qui nous f'saient je crois bien pleins de vie,
Qui nous f'saient tu t'souviens en courant sous les gouttes, Poésie.
Et puis des nuits d'hôtel s'il en faut ma Sublime, fenêtres sur l'Univers,
A s'faire de ces amours qu'on n'osait pas s'dire, fenêtres sous tes paupières,
Et aux églises catalanes y aller épouser ton âme et t'y marier le corps,
Au sang des sangrias, ir a bailar el tango contigo mi amor.

Mais des voyages magnifiques ne reste que celui vers l'Oubli
Dans le cortège des adieux il me faut te laisser partir, ma Sublime Tragédie.
Je ne trouve de fin à ces maux, à ces mots, à cette histoire en vain,
C'est l'Adieu je crois bien qu'il me manque à te dire mes chagrins.
C'est chose faite et je peux ravaler amèrement ma Sublime défaite,
Et garder au-dedans du profond d'mon squelette ma blessure parfaite.

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