Long Temps

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Mais c'est ici, mon Dieu, que je l'ai croisé ! - il me semble, quand le soleil, encore vermeil, s'allongeait sous la voûte des nuages. Je m'allongeais avec lui ; j'étais seul, un peu trop, comme à l'habitude.
Mais ne m'y suis-je pas fait ? Il semblerait que je ne m'habituerai jamais à moi.

Quelle plaie alors ! Devoir vivre avec soi : n'avoir honte de rien d'autre qu'être né.

M'y revoilà : l'égarement - ne jamais savoir suivre la pensée. Peut-on seulement l'apercevoir ? Si tôt épuisée, elle disparaît déjà : n'en reste que les souvenirs. Mais la pensée de toi n'a pas d'aile, elle ne s'envole jamais. Toujours là, couchée au soleil où je me prélassais quand tu faisais printemps de mes saisons.

J'ai photographié les plus beaux instants de mes yeux : j'ai fait mon monde dans le monde. À m'en sortir, je m'épuise mais n'en fait rien – suis-je bien à ma place ? Peut-être les dents un peu abîmées mais néanmoins assez en place pour tenir accrochées jusqu'à la sortie. M'éclipser, je l'ai voulu. M'envoler, je l'ai pu, parfois. Vivre ? Je n'ai jamais su ; pourtant...

Voilà donc un cadeau ! un cœur déposé au sein de ma poitrine – mais qu'en faire ? Si je le donne, il se déchirera. Si je le garde, il se videra. Alors, je le laisse battre : je préfère penser avec mon cerveau que supposer avec mon cœur. Ma tête réfléchit, et lui échoue. Me reste-t-il un mauvais choix que je n'ai pas encore fait ? Laisser tanguer mes esprits et tourner mon sang dans tous les sens... est-ce là la seule réalité que je puisse côtoyer ? Ici-bas, quel ennui !

« Sois bête et apprends à grogner. N'apprends à penser que ton instinct. Ne panse rien : mords, griffe, hurle. » - et si je me voulais unique ? Il ne serait pas sage que de vouloir s'élever... Car je suis bas, si bas ! Tout me paraît trop grand – si grand que le vertige me prend à peine j'ouvre les yeux.
Resté là, je ne risque rien : je ne peux tomber. Mais à m'élever, j'aurais bien trop peur de retrouver le sol. Ne rien avoir pour ne rien perdre – quoi d'autre ?

Le Temps m'a joué des tours. Perfide, il s'est infiltré – il a emporté ce que j'ai voulu tenir. Parti avec les amis, les amours, les joies et les peines : tout comme lui, je ne serai jamais plus le même.
Une seconde est passée, me voilà déjà différent. Dois-je alors rayer les lignes qui précèdent ? Sont-elles déjà si vieilles ? Ne pourrait donc survivre que ce qui est Universel : « les mains se brûlent, les rires partent en éclat, la vie blesse, et cætera ». Ce n'est pas assez.

Je ne me contente de rien. Toujours affamé, j'aime à bouffer tout ce qui se présente à mes lèvres. Je mange plus que de raison – je me nourris. Qu'est-il de mieux ? Avoir le ventre rond et ne manquer de rien : dévorer la vie. C'est ainsi que j'ai toujours fait, pourquoi Diable changer ? J'ai voulu m'adapter à d'autres, puis à d'autres. Mais dans l'adaptation, j'ai appris que jamais je ne conviendrai à tous.

« Ne va jamais là où ça cogne, tu n'en tireras que des bleus. Va vers les caresses, ne bats pas les murs, adoucis-les, épouse leurs formes. Vis, sois, et surtout : sois en vie. Ce n'est qu'un mauvais moment à passer. » - alors, j'irai danser. Et je m'en vais te dire adieu.

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