Chapitre 10

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Je suis en face du SAS de décompression. Mes parents adoptifs sont à l'intérieur. Ils me supplient de ne pas faire ça. Je m'apprête à appuyer sur le dernier bouton du tableau de commande. Ils me supplient, encore et encore. Mais je ne les écoute pas. J'appuie. Le SAS s'ouvre sur l'espace. Leurs corps sont éjectés dans le néant, condamnés à dériver toute l'éternité.

Je me réveille en sursaut. C'est le même cauchemar depuis maintenant presque un an. Je me vois ouvrir le SAS chaque nuit. Je suis une meurtrière. Je les ai tués alors qu'ils m'ont hébergé, éduqués, aimés. Il m'a fallu un seul moment d'inattention. Qu'un seul instant pour que ma vie toute entière bascule. Pour qu'ils soient condamnés à sort par ma faute. Tout ça parce que je n'ai pas été capable de cacher la couleur de mon sang. Je ne suis qu'une idiote.

Sans que je ne puisse me contrôler, des larmes ont commencé à couler sur mon visage fatigué. Ma respiration est devenue saccadée. Mes mains tremblantes. Je me lève sans un bruit. Je m'écarte de notre camp improvisé. Je ne vais pas les réveiller pour moi. Je ne suis pas indispensable. A quoi bon déranger leurs sommeils pour une idiote comme moi. J'essaie de faire la dure à cuire, mais au fond, je me déteste. Je déteste la personne que je suis. Je déteste mon sang. Je déteste ma vie. Je me déteste.

_ Eh, ça va ? Me demande Octavia en me sortant de mes sombres pensées.

_ Oui. Dis-je d'une petite voix, essayant tant bien que mal de reprendre une respiration normale.

Il ne manquerait plus que les autres me vois faible. Là, ce sera sûr, je n'aurais plus besoin de faire partie de ce monde.

_ T'es sûr ? Ça n'a pas l'air d'aller pourtant. Insiste-t-elle gentillement.

_ Je t'assure que ça va Octavia. Retourne te coucher s'il te plaît. Je la supplie presque.

Heureusement pour moi, elle m'écoute et retourne à son paisible sommeil. Moi par contre, je pars à la rivière. Il y a peut-être un monstre marin qui vit dedans, ce n'est pas ce qui va m'empêcher d'aller me baigner, kit à y laisser ma vie.

****

Le soleil se lève sur cette planète radioactive. Les autres aussi. Moi, je suis toujours dans l'eau. Regarder un levé de soleil sur l'eau, c'est toujours mieux que sur la terre ferme. Malheureusement pour moi, mon moment de tranquillité est vite interrompu par mes amis.

_ Eva ! Qu'est-ce que tu fous ? Me crie Clarke depuis le bord.

_ Reviens ! Tu risques de te faire attraper par le serpent. En plus, on ne sait pas nager. Continue Finn.

Vous, vous ne savez pas nager. Je corrige dans ma tête. J'ai fait dix ans de natation synchronisé, je sais très bien nager. Je nage depuis que j'ai cinq ans. Je vais sur mes dix-huit. Bien sûr que je sais nager. Pour leur prouver mon activité préférée, je commence à nager dans l'eau. Je n'ai plus pied là où je me trouve, au milieu de la rivière. Je me renverse, puis sort mes jambes de l'eau. Il n'y a plus qu'elle qui dépasse de l'eau à présent. Je me suis entraînée toute la nuit. J'ai réussi à calmer ma crise d'angoisse comme ça. J'ai toujours eu besoin d'une activité physique pour les calmer. J'aurais préféré ne pas en avoir. Malheureusement, depuis que j'ai treize ans, toute époque confondue, j'ai un trouble de l'anxiété. J'ai appris à vivre avec mes crises d'angoisse, mes insomnies, et mon anxiété constante. Nager m'aide à me sentir mieux. Quand je danse dans l'eau, je m'évade. Je ne pense plus à rien à part contrôler mes mouvements.

Après ma petite représentation, je nage vers le bord. La nuit est terminée. Mon évasion aussi.

_ C'était super stylé. T'as appris ça où ? Me demande Octavia admirative.

La Guerrière Au Sang NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant