Chapitre 14

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Nous marchons maintenant depuis plus de trois heures dans la forêt. Nous nous dirigeons vers le Mont Weather. Vers cette rivière où Jasper a reçu une lance. Nous espérons un village ou quelque chose qui y ressemble en partant dans cette direction. Pour l'instant, nous n'avons échangé des mots que pour se mettre d'accord sur le chemin à prendre. Nous nous contentons d'écouter les bruits de la forêt, essayant de trouver un indice sur la direction à prendre. Malheureusement, à part les chants des oiseaux et les frottements des feuilles à cause du vent, rien ne nous montre la direction à prendre, nous laissant dans le flou total. 

Alors que le soleil commence à se coucher, nous nous arrêtons pour lever notre camp pour la nuit. Octavia prend la parole lorsque nous sommes installés.

_ Dis-moi, tu ne m'as jamais raconté comment s'est passé ton enfance. Me dit-elle intriguée.

_ Tu veux que je me confie sur toute ma vie ? Je lui demande surprise. 

_ Oui, si tu veux bien. Ecoute, tu peux avoir confiance en moi et je pense qu'on va chercher pendant un bout de temps. Autant faire plus ample connaissance, non ?

_ Tu as raison. Je réponds à ma nouvelle amie. 

Je ne sais pas par quoi commencer. Je ne sais pas ce que j'ai le droit de dire ou non. Est-ce que je peux vraiment avoir confiance en elle ? La sincérité qui se lit dans ses yeux réussit à me convaincre que oui, je peux avoir confiance en elle. Je peux tout lui dire. 

_ Je ne sais pas trop par quoi commencer. Je lui dis embarrassée. 

_ Tu n'as qu'à commencer par ta naissance, du moins de ce que tu sais. 

_ Très bien. 

Je respire un grand coup pour me donner le courage nécessaire à la révélation que je dois lui faire.  

_ Je suis née le quinze janvier deux-mille-cinq, à quinze heures quinze précisément. Je commence en me remémorant toutes les fois où je l'ai dit fièrement durant mon enfance. 

Les yeux de mon amie s'arrondissent sous la surprise. Je ne la laisse pas placer un mot que je continue mon récit.

_ Je suis née dans une clinique de Seine-et-Marne, à environ une heure de Paris. Sur mon acte de naissance, mon nom est Julie Pivoine.

Cette fois-ci, ce ne sont pas seulement ses yeux qui trahissent son étonnement, mais aussi sa bouche. Elle est grande ouverte, tellement qu'elle pourrait gober des dizaines de mouches à la fois. Elle referme sa bouche une demie seconde, avant de la rouvrir. C'est comme si ses paroles ne voulaient pas sortir. Il faut avouer que la voir comme ça est plutôt drôle. Le problème, c'est que si je laisse apparaître mon amusement, elle pensera que c'est une blague. Hors, c'est loin d'en être une. 

_ Je... Je ne comprends pas ? Réussit-elle finalement à dire. 

_ Laisse moi continuer. Lui dis-je. 

Elle hoche la tête pour m'inciter à continuer. 

_ Mon enfance a été très paisible. Loin de tout les soucis de l'Arche, même si j'ai passé une belle enfance sur la station aussi. J'avais de bonnes notes tout au long de mes premières années de scolarité. Puis vint mon entrée au collège. Je me suis fait harceler pendant les deux premières années. Après ça, je n'avais plus aucune confiance en moi. Mes notes ont commencé à chuter. Je suis passée de bonne élève à élève moyenne. Ensuite, est venue la rentrée au lycée. J'ai revécu lorsque j'y suis entrée. Je reprenais confiance en moi petit à petit. Je restais toujours très discrète. J'ai rencontré Thibault et Lucie. Des personnes en or qui sont très vite devenues mes meilleurs amis. Toute ma seconde s'est très bien passée. Elle n'est pas encore finie, mais ça ce n'est qu'un détail. Une nuit, à environ deux mois de la fin des cours, j'ai disparu. Cela n'a duré qu'une petite heure pour la population des années vingt. Personne n'a rien remarqué. Mais pour moi, ça a changé des milliers de choses dans ma vie. 

Je fais une pause pour laisser à mon amie le temps d'assimiler les informations que je lui donne. Celle-ci m'écoute attentivement. Je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi passionné par ce que je racontais. Je reprends finalement mon histoire, sous les yeux attentifs d'Octavia. 

_ Le dix-huit juin deux-mille-cent-trente-et-un, à midi-dix-huit, je suis née pour une deuxième fois, mais cette fois-ci sous le nom d'Eva Wick. Je suis le deuxième enfant de la famille Wick. Mes parents ont été envoyés à la dérive juste après ma naissance. Mon frère a été placé chez un couple d'amis de mes parents, et moi dans un autre. On a passé notre enfance séparé. Il se souvenait qu'il avait une petite sœur, malgré qu'il n'avait que quatre ans. Moi, je n'ai appris son existence que le jour de mes seize ans. Je me suis fait arrêter moins d'un an plus tard, à la même fête que toi. La suite, tu connais. Seulement, il y a un mois, j'ai voyagé dans le temps pour la première fois. Je suis retournée dans les années deux mille vingt. J'ai retrouvé tous mes souvenirs. Mes parents biologiques, ceux de l'Arche, m'ont trouvé. J'ai pu faire leur rencontre et apprendre à les connaître. J'ai même revu mon frère. Mon père m'a appris à utiliser mon don. Maintenant, je peux partir où je veux à l'époque que je veux. Je suis restée tout juste deux semaines là-bas. Ma mère savait qu'on allait descendre sur Terre. J'ai voulu revenir alors que j'avais la possibilité de rester. Mais je pense que ma place est ici, sur cette Terre qu'on ne connaît pas. Voilà, c'est mon histoire. Je termine en la regardant. 

_ Wouha ! Me dit-elle. Je pensais être la seule à avoir un frère. Ton histoire est vraiment incroyable. Tu peux voyager dans le temps ! C'est un truc de malade ! Me dit-elle admirative. 

_ Oui, j'avoue que c'est complètement dingue ! Dis-je en la suivant dans son euphorie. Et toi, c'est quoi ton histoire ? Je lui demande. 

_ Je suis une enfant non autorisée. J'ai passé ma vie à craindre les visites surprises des gardes. Mais bizarrement, ma mère connaissait toujours l'heure à laquelle elles avaient lieu. Ce n'était donc plus vraiment des visites surprises du coup. A chaque fois, je devais me cacher sous la dalle de plancher, d'où le surnom la fille sous le plancher. Ca a duré seize ans comme ça. Mon frère et ma mère me faisaient l'école. Je me rappelle que maman nous lisait l'Iliade le soir avant de dormir quand on était petit. Bellamy a toujours été très protecteur envers moi. C'était bien quand personnes ne savaient que j'existais, maintenant, c'est comme s'il voulait contrôler ma vie. Mais je l'aime quand même, c'est mon frère après tout. 

_ Il a l'air d'être un super grand frère. Je lui réponds. 

_ Il l'est. Me dit-elle. 

Depuis le temps qu'on parle, la nuit est tombée et la Lune est haute dans le ciel. Mais alors que j'allais prendre la parole, nous entendons une branche qui craque. Nous nous relevons rapidement pour sonder la forêt qui nous entoure. Nous sommes attentives au moindre bruit. 

Alors que j'allais me rasseoir, me disant que ce n'était qu'un simple lapin, un homme surgit devant nous. Il est grand, imposant. Son masque forme une deuxième mâchoire sur son visage. Il fait peur, mais c'est le but. 

_ Et merde. Dit Octavia à côté de moi. 


La Guerrière Au Sang NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant