Chapitre 1

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Il entre dans ce bar, comme à son habitude. Sa table est libre, comme toujours. Depuis le temps qu'il s'y installe, c'est véritablement devenu sa table. Il n'a même plus besoin de la réserver, tout le personnel sait quand il vient et que personne ne doit se trouver là à ce moment.

Il s'installe, laissant son manteau sur le dossier de la chaise juste face à lui. Il n'a plus besoin de demander la carte ou d'appeler un serveur, on vient lui déposer son verre dans les quelques minutes qui suivent son installation. Qui a dit que les Moldus ne savaient pas recevoir ?

Il sirote lentement son verre, laissant le liquide lui brûler doucement la gorge. Cette sensation est tellement familière qu'elle lui est presque réconfortante.

Il prend le journal qui lui a été apporté en même temps que son verre et après un soupir, il commence sa lecture. L'actualité n'est pas des plus intéressante : tout semble aller pour le mieux dans le monde.

Bien évidemment, c'est faux.

Mais après une guerre, on a envie de croire que tout va bien, que tout ira mieux, qu'un monde meilleur est en train de se construire. Pourtant cette période ne durera pas longtemps. Tous, humains et sorciers, se ressemblent sur un point : leur capacité à oublier.

Très vite, chacun retombera dans ses habitudes, aussi médiocres soient elles. Chacun recommencera ses malveillances, ses méfaits et ce manège durera jusqu'à la prochaine grande crise. Cette vision peut sembler bien noire, mais elle lui permet d'équilibrer un peu ce qu'il lit depuis des mois dans les journaux.

Dans la rubrique nécrologique, il parcourt les noms avec attention. Une fois cette dernière complètement lue, il ne peut retenir un rictus satisfait. Il se félicite d'ailleurs en avalant une bonne gorgée, ravivant le feu dans sa gorge.

Cette journée ne lui avait pas semblée exceptionnelle, pourtant, il devait avouer qu'elle semblait se finir sous les meilleurs augures.

La soirée passait lentement et avec elle, le bar se vidait peu à peu. Il n'aimait pas particulièrement la présence des Moldus, mais cette partie du monde avait l'avantage de lui offrir toute la discrétion dont il avait besoin. Chez le Sorciers, il était connu, bien trop à son goût d'ailleurs. Qu'il soit haï ou adoré n'avait aucune importance, il attirait l'attention et c'était déjà bien trop.

Non, il appréciait le calme et l'anonymat que lui offrait cet endroit. Et puis, depuis le temps qu'il y venait, il avait maintenant mérité quelques avantages. Par exemple, le verre du patron à la fermeture qui lui était offert.

Celui-ci n'était pas en apparence ce que l'on peut appeler « un homme respectable ». Il avait une hygiène un peu douteuse, un vocabulaire limité et des fréquentations loin d'être exemplaires. Mais, il fallait admettre qu'il savait tenir son établissement d'une main de maître. Il a le sens des affaires, sait reconnaître une opportunité quand elle se présente à lui, et sait surtout comment se comporter avec ses clients réguliers.

Au départ, il avait pensé pouvoir venir parler avec lui, mais au vu des réponses laconiques et presque cinglantes par moments, il avait rapidement compris que c'était inutile. Alors, il l'avait observé, de son comptoir. Il avait observé ses gestes, ce qu'il commandait, son attitude et comme tout bon tenancier, il avait rapidement pu cerner le client qu'il avait en face de lui.

Un soir, il s'était avancé, venant lui-même resservir un verre. Il avait fait venir une bouteille exceptionnelle : un cognac Rémy Martin XO Excellence de 30 ans d'âge. A près de 200 euros la bouteille, c'était sans hésitation une commande spéciale et inhabituelle.

Il avait été surpris de le voir s'avancer avec une telle bouteille pour lui proposer un verre. Mais dans son regard, il vit cette petite étincelle de victoire. Effectivement, ce petit homme, aussi repoussant puisse-t-il être en apparence était un fin connaisseur.

A peine la bouteille ouverte et les deux verres servis, une délicate odeur de jasmin et d'orange était venue lui titiller les narines. En portant le verre à son nez, il l'huma avec un peu plus d'attention, reconnaissant également l'odeur de la figue et de la cannelle.

Le goût était à la hauteur des espoirs donnés par l'odeur : un équilibre parfait entre les arômes et une texture veloutée absolument inégalable. La finale était tout aussi exquise, longue et puissante, le transportant presque dans un autre monde. Même vide, le verre était empreint d'odeurs caractéristiques, terminant cette dégustation à la perfection.

A minuit passé, la salle était presque vide. Le patron, toujours derrière son bar avec encore deux serveurs, semblait attendre patiemment que les derniers clients se décident à quitter leurs sièges. Il ne le regardait pas directement, il savait pertinemment qu'il ne partirait que quand plus personne ne serait là. Chaque fois c'était le même rituel : ce n'est qu'une fois le dernier client parti qu'il se levait à son tour, s'habillait et quittait lui aussi l'établissement.

Ce soir, il semblait ne pas particulièrement avoir envie de mettre les gens dehors. N'avait-il pas envie de rentrer chez lui ? Il n'en savait rien, et pour être honnête, il s'en fichait. La vie de cet homme ne l'intéressait pas, pas plus que la vie d'un autre dans cette pièce.

Il finissait son verre à gorgées mesurées cette fois. Il pouvait encore les compter sur les doigts d'une main, mais arrivé à un certain nombre, il prenait plaisir à les goûter avec d'autant plus d'attention.

C'est finalement aux alentours d'une heure trente du matin, après avoir bu son verre avec le patron, qu'il se leva et se rhabilla. Dehors, il lui semblait qu'un vent glacial soufflait, rendant l'atmosphère encore plus sombre qu'elle ne l'était. Il réajusta son écharpe et remonta son col sur sa nuque.

Après avoir saluer d'un signe discret de la tête le tenancier et ses employés, il sortit. Le froid lui frappa effectivement le visage, faisant légèrement rougir ses joues. Il n'avait pas pris le risque de venir en voiture, sachant pertinemment qu'il comptait boire. Il en appela donc une et fut heureux de voir le chauffeur arriver rapidement.

Installé à l'arrière du véhicule, il avait rapidement donné son adresse, se laissant ainsi conduire tout en se réchauffant. Le conducteur ne lui adressa pas un mot et ce n'était pas pour lui déplaire. Il n'avait d'ordinaire pas la patience de répondre avec courtoisie à ces marques de fausse politesse, mais à cette heure et avec ce degré d'alcoolémie, il l'avait d'autant moins. Arrivé devant le grillage en fer forgé, il descendit, payant sa course dûment en y ajoutant tout de même un pourboire. Il n'avait aucune patience, mais il n'en oubliait pas pour autant toute son éducation.

En remontant l'allée, il sentait le froid lui piquer le bout du nez et l'alcool lui réchauffer le ventre. Il fut ravi d'arriver à la porte d'entrée, l'ouvrant sans attendre plus longtemps.

Il déposa presque négligemment ses clefs sur la console à gauche et se débarrassa de son manteau en l'accrochant au porte-manteau à sa droite. Il laissa ses chaussures au pied de l'escalier, montant les marches aussi vite qu'il le pouvait, aussi vite que l'alcool le lui permettait.

Arrivé dans sa chambre, il s'écroula sur le lit sans plus de cérémonie. Trop occupé à se concentrer pour se déshabiller, il remarqua à peine la radio qui fonctionnait dans la pièce.

Après un grésillement particulièrement long, la voix d'un jeune homme qu'il aurait pût reconnaître malgré les années empli la pièce, annonçant fièrement :

« Le Ministère nous annonce cette nuit en exclusivité que tous les Mangemorts ayant participé à la Grande Bataille de Poudlard sont désormais en détention sous étroite surveillance ! »

Un son rauque lui échappa et il ne put s'empêcher de cracher : « Jamais entendu pareille connerie. »

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Et voilà donc pour ce premier chapitre !

J'espère qu'il vous a plu, n'hésitez pas à laisser un petit commentaire ou un petit vote, ça fait toujours plaisir et nous, nous nous retrouvons donc mercredi, à 18h pour la suite.

L'ange noirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant