Rousseau

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Ce matin encore, je ne veux pas me réveiller. Je sais que je n'aime pas la journée qui arrive.

- Debout, le prince !

C'est Harland. Il court dans tous les sens, que c'est fatigant ! Il fait les lits et range la chambre à 6 heures 30 du matin... Car oui, en plus d'être hyperactif, Harland est insomniaque.

- Ta gueule, Harland, lui criai-je, la tête sous mon oreiller.

Si l'accusé a peur, ça ne se voit absolument pas. Il m'arrache l'oreiller des mains puis tire sur la couverture pour la faire tomber par terre.

- Va te faire foutre, Harland ! On commence à 9 heures !

Le jeune homme me sourit, puis me répond :

- Y'a des gens qui veulent te voir. Ils attendent devant l'entrée de la salle commune.

- Hé ben ils vont attendre encore un peu ! Comment je fais si j'ai pas mes 9 heures de sommeil obligatoires ?

Puis j'ajoute un truc très Malfoy :

- Je vais avoir un teint affreux !

Harland lève les yeux au ciel. Je l'ai clairement saoulé.

- Fais pas ta gonzesse, Malfoy ! Tu vas bouger ton cul, t'habiller et aller voir ce qu'ils veulent !

Je lui jette un regard noir, qu'il soutient plusieurs secondes, puis il se détourne. Profitant de cet instant de faiblesse, je me rapproche de lui. Nous sommes si près que je peux sentir son souffle chaud sur ma peau.

- Ici, c'est pas toi qui donnes les ordres.

Il déglutit, visiblement avec difficulté.

- Donc tâche de ne pas recommencer, sinon... Je m'occuperai de toi.

Les menaces, c'est Serpentard et Malfoy. Parfait. Je souris, d'un sourire cruel.

- Crois-moi, tu risques de le regretter.

Les autres occupants du dortoir nous observent, médusés. Ils ne m'ont jamais vu en colère. Ce petit échange me fait une très, très bonne pub.

C'est finalement  Osarius qui a le courage de demander :

- Du coup tu vas y aller ou non ?

Je lui souris, puis lui réponds :

- Oui. Par simple curiosité. Ils viennent de quelle maison ?

- Gryffondor, répondit Harland.

Je perds mon sourire presque immédiatement, puis j'en remets un, sadique et artificiel.

- Oh, hé bien alors nous allons leur montrer qui est le chef !

Et là, je me déteste au plus haut point. Je suis devenu odieux, arrogant et... Plus que détestable.

- Tu veux que quelqu'un t'accompagne ? demande Delaney, qui vient d'arriver, alertée par les cris.

Je réfléchis. D'un côté, si c'est la rousse, je préfère être seul. Il y a peu de chances pour qu'elle vienne seule en même temps... De l'autre, si c'est une bande de Gryffondor qui veulent me péter la gueule, j'aimerais bien avoir des mecs costauds avec moi... Je pèse le pour et le contre puis réponds :

- Je vais y aller seul. S'il se passe quoi que ce soit, ou si j'ai besoin de vous, j'envoie mon patronus.

Tous me regardent avec des yeux ronds.

- Tu sais faire un patronus ? me demande Delaney, émerveillée.

- Bien sûr, mentis-je.

Eamon, arrivé peu après Delaney, me regarde en souriant. Du regard, il me fait comprendre qu'il faut qu'on aie une discussion.

- C'est quoi ton animal ? me demande Osarius, suspicieux comme toujours.

- La fouine, répondis-je.

Je déglutis. Ce n'est pas un mensonge total, j'ai déjà réussi à faire un patronus. L'animal était visible, c'était bel et bien une fouine. Mais en réalité, je ne compte absolument pas leur envoyer un patronus. J'y arrive très mal, environ une fois sur cinquante, et, en plus, je ne pense pas avoir besoin des autres Serpentard.

                                                 .oOo.


Après avoir brossé mes cheveux puis m'être habillé, j'ai fait languir les ou la Gryffondor une bonne demi-heure. Fier de moi, je descends les escaliers du dortoir, traverse la salle commune d'un pas rapide puis ferme la porte derrière moi. Arrivé dehors, quelle ne fut pas ma surprise lorsque j'aperçus...

La rousse. Seule.

Elle semble ne pas m'avoir vu. Elle s'est assise par terre, un bouquin ouvert sur ses genoux. Plongée dans sa lecture, je n'ose pas la déranger.

Je suis un Malfoy, merde ! D'où vient cette timidité ? Non, je ne dois pas la laisser lire tranquillement. Je-dois-lui-pourrir-la-vie !

Je me racle donc la gorge de façon très méprisante (pour changer), puis elle se tourne enfin vers moi. Aussitôt, elle se fend d'un grand sourire. Elle se lève, puis vient vers moi.

- C'est pour quoi ? demandai-je.

Je ne veux pas passer par dix-mille chemins. Ça ne sert à rien. En tant que bonne Gryffondor, elle prend une grande inspiration puis me répond :

- J'ai beaucoup repensé à notre conversation d'avant-hier.

- Je...

- Laisse-moi finir. C'est assez dur comme ça. Je me disais qu'on se ressemble beaucoup, au fond.

Je laisse échapper un petit rire. Nous ? Semblables ? À d'autres !

- Oui, je sais. Une Gryffondor et un Serpentard. Un Malfoy et une Potter...

Alors là, je ne comprends plus rien. Si c'est la fille de Potter, elle n'est pas censée me détester ?

- ...Mais, tu vois, moi aussi les gens ont placé beaucoup d'espérances en moi. Je suis la fille de Harry Potter ! Je dois être géniale comme lui. Mais... non. J'aime faire des conneries et être méchante. Mais pas comme toi. Toi t'es...

- Je suis ?

- Nan, rien.

Elle sourit.

- Je me demandais si tu refuses toujours mon amitié.

Je ricane, et elle ne baisse toujours pas les yeux. Alors, perdu, je réponds :

- Bien sûr que oui ! Qui voudrait être ami avec... Toi ?

Elle sourit à nouveau, d'un sourire sincère. Je suis vraiment perdu. Pourquoi est ce qu'elle sourit ? Elle devrait pleurer !

Elle me tend une carte, et je la saisis.

- Si tu as besoin de quoi que ce soit, pense à ton problème en tenant la carte. La mienne chauffera, je pourrais te donner une heure. Ah, au fait, je m'appelle Lily.

- Hé ben dégage, Lily ! m'exclamai-je. Si tu crois que j'ai besoin d'une psy, tu t'es fourré le doigt dans l'œil ! Je comprends toujours pas pourquoi tu m'as dit tes secrets...

Je secoue la tête de gauche à droite, puis rigole. Je me fous de sa gueule. Je vois des Serpentard au bout du couloir. Cela m'encourage, j'en rajoute une couche.

- Tu peux compter sur moi : dès demain, tout Poudlard sera au courant de tes petites histoires. Dégage ! sifflai-je.

Elle prend son sac de cours qui était à côté d'elle, puis s'en va en courant.

Je m'en veux. Je ne sens pas les larmes couler sur mes joues. Je ne vois pas les larmes couler aussi sur les siennes.

Je regarde la carte. Elle est blanche, et il n'y a qu'un mot, un seul, d'inscrit au centre du petit carré de papier, noir sur blanc.

Rousseau.

Journal d'un serpentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant