Où es-tu?

Partie 7 : La rançon (3)

L'inspecteur Thonneau arriva vers 10 heures. Baptiste et Justin l'attendaient de pied ferme.

- Vous pouvez m'expliquer ce qui se passe ?, l'attaqua d'emblée Baptiste.

Et Justin de surenchérir :

- Est-ce que c'est Antoine qui a enlevé ma sœur ?

L'inspecteur prit le temps de saluer Giuliana et de lui demander qui elle était avant de poser sa veste sur une chaise de la salle à manger. Il se tourna ensuite calmement vers les deux hommes. C'était sa manière à lui d'asseoir son autorité.

- Asseyez-vous, messieurs, proposa-t-il. Nous serons plus à l'aise pour discuter.

Quand ils eurent tous pris place autour de la table en chêne de la salle à manger, il poursuivit :

- Nous avons bel et bien arrêté monsieur Antoine Dubrez. Ce jeune homme a eu la mauvaise idée de nous mentir sur son emploi du temps du jour de l'enlèvement. Il a donc dû éclaircir certains points mais, à ce stade, il ne nous reste plus qu'à vérifier son alibi avant de le faire libérer. D'autre part, nous n'avons trouvé aucune preuve de son implication dans ce crime lors de la perquisition de son domicile. Il reste malgré tout un de nos suspects et devra se tenir à notre disposition le temps de l'enquête...

Le sonnerie du téléphone de Giuliana interrompit les explications. Elle s'excusa et sortit discrètement de la pièce pour répondre.

- Pourquoi pensiez-vous qu'il ait pu être impliqué ?, demanda Baptiste.

- Monsieur Dubrez a affirmé s'être rendu sur son lieu de travail comme chaque jour. Or, nous avons découvert qu'il était au chômage depuis au moins trois mois. Il s'est aussi beaucoup endetté avec la construction de sa maison. Cela aurait pu expliquer le pourquoi d'une demande de rançon.

- Oui, mais il était avec nous hier, au moment où Lucie nous a appelés...

- C'est vrai. Mais nous n'excluons pas la possibilité d'un complice. Pour mener une telle affaire, on n'est pas trop de deux.

Giuliana revint dans la pièce. En guise d'explication, elle glissa à son demi-frère :

- C'est rien, juste un livreur que j'ai oublié de décommander ce matin...

Il ne releva pas, trop soulagé de savoir que son meilleur ami était presque tiré d'affaire. Le policier se tourna alors vers lui :

- Et vous ? Rien ne vous est revenu ? Toujours aucune idée de qui pourrait vous en vouloir ?

- Non, je ne vois vraiment pas...

L'inspecteur réfléchit un instant, comme s'il hésitait à leur confier ce qu'il avait découvert, puis il se lança en regardant Baptiste :

- Avez-vous envoyé un message à Lucie le 4 avril vers 9 heures ?

Interloqué, le jeune homme répondit :

- Heu... non ?! Je ne lui ai rien envoyé. Pourquoi me demandez-vous ça ?

- Parce que nous avons obtenu ses relevés téléphoniques et, ce matin-là, elle a reçu un message signé de votre nom, disant textuellement : « Je sais ce que tu veux me cacher. Je veux qu'on se voie pour en parler tout de suite. Je suis devant chez toi ! »

Justin lui jetait déjà un regard soupçonneux. Il s'insurgea :

- Je vous assure ! Je ne savais rien de sa grossesse avant d'arriver ici !

Giuliana intervint avec conviction pour le défendre :

- Il faut le croire quand il vous dit qu'il n'a rien fait ! Vous n'avez qu'à vérifier sur son portable !

L'inspecteur la regarda avec intérêt et finit par lui répondre :

- Vous avez tout à fait raison, mademoiselle. Mais le numéro utilisé est celui d'une carte prépayée qui a été enregistrée sous un faux nom auprès de l'opérateur...

- Ecoutez, le défendit soudain Justin. Vous vous êtes déjà trompé à propos d'Antoine, alors laissez Baptiste tranquille ! Pourquoi se demanderait-il une rançon à lui-même ? C'est complètement absurde !

Baptiste le regarda avec étonnement et aussi reconnaissance. Il demanda :

- C'est comme ça qu'on l'a attirée dehors pour... ?

Mais il ne put terminer sa phrase. L'inspecteur poursuivit à sa place :

- Pour l'enlever ? C'est fort probable... Malheureusement, personne dans le voisinage n'a rien vu. Nous n'avons aucun témoin.

Il décida de changer de sujet :

- Bien, laissons cela de coté... pour l'instant... Voici les consignes : si jamais vous avez les kidnappeurs en ligne, essayez de les garder le plus longtemps possible et demandez bien à avoir une preuve que Lucie soit toujours en vie. Ne faites pas de bêtise ! Quoi qu'il arrive, n'agissez pas seul. Vous pourriez vous mettre en danger... et elle aussi !

- Très bien, promit Baptiste.

- J'ai eu votre banque en ligne... Ils nous préparent l'argent pour 13 heures... Alors voilà comment nous allons procéder...

A l'heure prévue, Baptiste partit à la banque avec l'inspecteur. On le reçut dans une pièce isolée gardée par des policiers armés. La voiture elle-même avait été escortée par des gendarmes à moto. Tout cela le terrifiait. Et il n'avait qu'une hâte : que tout soit terminé... Et encore ! Comment est-ce que ça allait se terminer ? Lucie et lui en sortiraient-ils indemnes ? Et si c'était le cas, accepterait-elle qu'il fasse à nouveau partie de sa vie et de celle de son bébé ?

Toutes ces questions tournèrent en boucle dans sa tête jusqu'à ce qu'il rentre à la maison.

De retour dans la voiture, l'inspecteur lui annonça toutefois une bonne nouvelle :

- Votre ami a été libéré il y a plus d'une heure. Nous avons pu contacter la personne qui lui a fait passer un entretien le 4 avril à l'heure présumée de l'enlèvement. Son alibi étant confirmé, nous n'avions plus de raison de le garder...

Mais Baptiste n'était pas dupe.

- Vous le soupçonnez encore, n'est-ce pas...

L'inspecteur marqua un temps de silence éloquent avant de répondre :

- Il vaut mieux n'exclure aucune piste, ne croyez-vous ?

En arrivant chez Lucie, on déposa les sacs dans une des chambres à l'étage. Baptiste vit qu'Antoine avait cherché à le joindre et il décida de le rappeler. Dès qu'il décrocha, il entendit que ça n'allait pas :

- Dis-moi que tu me croies, le supplia son meilleur ami. Tu sais, toi, que je n'ai rien fait !

- Calme-toi, lui enjoignit-il. Bien sûr que je te crois ! Je n'ai jamais imaginé que tu puisses enlever une femme enceinte !

Antoine lui sembla infiniment soulagé. Il reprit sa respiration avant de lui dire :

- Salomé... elle ne veut plus de moi... Tu sais, je... je lui ai caché que j'avais perdu mon travail. Elle m'en veut... Elle refuse que je rentre à la maison...

Baptiste essaya de le rassurer :

- Elle finira par comprendre et elle te pardonnera... En attendant, tu peux toujours squatter ici, avec nous...

- Merci ! Je ne sais pas où aller... Vous avez des nouvelles pour Lucie ?

Le jeune homme soupira :

- Non, toujours rien...