La mission

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Quatorze heures. Le temps qu'il nous faut pour traverser des dizaines de galaxie, pour nous faufiler aux bordures des systèmes indépendantistes. Nous avons voyagé à une vitesse maximale et malgré la puissance des hyperpropulseurs, nous nous sommes arrêtés une fois dans le trajet pour recharger nos ressources. Et parce que Mira nous a fait un caprice pour respirer de l'air frais. Elle supporte mal l'hyperpropulsion. 

Nous n'avons pris que quelques minutes de pause, atterrissant brièvement sur une planète appartenant toute entière à Santaria, une zone protégée où l'accréditation des assassins nous a ouvert les portes du spatioport. 

Comme prévu, ces heures m'ont paru interminables et ce n'est pas tout à fait terminé. Il nous reste une heure, ou deux, selon Thorrak et j'hésite entre me jeter dans le vide spatial ou me taper la tête contre les mêmes parois en fer que je connais sur le bout des doigts. La patience n'est pas mon fort.

Je n'ai pas fait grand-chose durant ces quatorze heures. J'ai profité de nos grandes provisions pour manger à ma faim et j'ai débordé sur mes rations, piquant dans le tas de Thorrak. Je savais que, contrairement aux deux autres femmes, il ne dirait rien et ne relèverait pas, puisqu'il s'en fiche royalement. J'ai beaucoup bu aussi, pressentant que je n'aurais plus la chance de me rassasier avant un moment quand nous débuterons la mission. 

Si mon esprit a failli imploser sous le joug de l'ennui, mon corps me remercie. Ce galon d'eau pure a rendu l'éclat lisse et nacré à ma peau asséchée par la soif et la faim. Cette revigoration a produit l'effet d'un bon en arrière de dix ans. Ma pâleur de semi-cadavre ambulant n'a pas changé, cependant. 

De crainte que Thorrak me pose des questions sur les manuels et que je sois incapable d'y répondre, pour ne pas le mettre en colère, j'en ai lu quelques-uns. Ce savoir m'a intrigué et j'ai, par conséquent, accepté de me prêter au jeu. J'ai étudié chaque page en retenant le plus de détails possibles. Il s'agit d'histoires, de politiques et de pouvoirs. J'irai plus loin, c'est de la géopolitique. Je possède les bases, mais la situation de l'univers m'est apparue cent fois plus claire avec ces informations précieuses. 

En plus, ces livres ne sont pas écrits sous le point de vue de Santaria, comme tous les autres bouquins que j'ai consultés par le passé, et j'ai pu nuancer ma vision des faits. Tempérer mon adoration pour la République. Je l'admets, cette nation représente tout pour moi uniquement si elle me sauve. Je l'admets, cette nation est remplie de défauts. Je l'admets, cette nation ne vaut pas mieux qu'une autre. Toutefois, je lui serai fidèle. Quoi qu'il en coûte.

Outre ces heures suffocantes dans ce vaisseau, une dynamique s'est créée et s'est installée entre deux de nos coéquipiers. Ou plutôt coéquipières.

Les multiples disputes entre Zora et Mira ont persisté. Elles se sont développées et ont atteint un point culminant, lorsque la prisonnière a frappé l'assassin avec un couteau, la manquant de peu. Elles se méprisent. A mes yeux, elles sont mortellement similaires. Ce qui leur causera du tort un jour. Ou finira par les rapprocher.

Thorrak leur a d'ores et déjà trouvé un surnom : les deux rats, par rapport à la dernière syllabe de leurs deux prénoms. Je sens qu'il en a marre d'elles et qu'il se réjouit d'atterrir bientôt. Il se languit de leur donner une mission pour les distraire de leurs chamailleries. En toute franchise, j'ai cru les décapiter à une vingtaine d'occasions, au minimum. Insupportables, elles braillent, aboient et mordent.

D'un côté, l'exotique assassin déteste que l'on remette en question sa force et ses compétences ; de l'autre, l'ancienne détenue haït que l'on essaie de la faire taire. Le clash s'est révélé féroce, constant et extrêmement agaçant pour nos pauvres oreilles. Voilà pourquoi je suis restée dans mon compartiment. Je cherchais à les éviter.

RAVAGEUSE (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant