Mes yeux s'ouvrent, tandis que je suis prise par un long frisson le long de mon échine. Je sursaute et jette un regard circulaire à mon environnement. Je pâlis encore plus qu'en découvrant l'identité du mercenaire que nous cherchons. Je reconnais l'endroit et tous les souvenirs me reviennent en mémoire, tels des rafales tempétueuses d'une honte passée. Machinalement, je commence à m'agiter et à essayer de bouger. Evidemment, mes poings sont liés, mes pieds aussi. Une corde m'attache à un pilier de béton à moitié détruit. Il a pris ses précautions.
— Ah, tu es réveillée ! Tant mieux, nous avons beaucoup de choses à nous raconter ! Tu me vois bien ?
Je me calme à cette voix rocailleuse et pourtant si douce. A sa question, je me rends compte que ma vision est trouble. J'inspire et expire calmement pour apporter de l'oxygène à mon corps. J'évite au maximum de le regarder et distingue la silhouette de Thorrak. Il est parfaitement éveillé et me toise, me demandant de façon muette qui est cet homme face à nous et ce que nous faisons là. Je ne réponds pas et me plonge dans un silence de plomb. Je ne pense à rien du tout.
Du moins, je m'en convainc très mal. Tout mon esprit est dirigé sur un seul souvenir, sûrement celui qui me hante le plus après la mort de mes parents et qui précède mon premier assassin. Je sens ses yeux posés sereinement sur moi et en plus d'augmenter mon malaise, un agacement m'incommode de plus en plus. Son attitude n'a apparemment pas changé. Il a gardé cette aura de quiétude constante qu'il soit face à une personne qu'il apprécie ou une personne qu'il déteste viscéralement. Je suis une des deux. Malheureusement, il n'a aucune raison de m'aimer et toutes les raisons de me haïr.
Je souffle longuement et me risque à scruter une seconde fois cet endroit pour être certaine. Non seulement il nous a déplacés et nous sommes désormais loin de la maison du mercenaire, mais en prime nous nous trouvons sur le lieu d'une véritable tragédie. Un mari et sa fidèle épouse habitaient tous deux sur un manoir bancal mais chaleureux au-dessus de la ville, sur une crête. Ils vivaient à l'écart pour se protéger. La hauteur leur permettait de surveiller les alentours et être prévenus en cas d'attaques. Une personne a réussi à s'infiltrer, à leur trancher la gorge et à brûler la demeure. C'était moi. Il nous a menés au centre des ruines.
— T'ai-je manqué ? s'enquiert-il sur un ton plaisantin. Moi, tu m'as grandement manqué ! J'avais chaque jour envie de te retrouver. Tu sais pourquoi. Il faut que nous ayons une discussion.
Je préférerais m'enfuir et ne jamais lui parler, mais je suppose que je lui dois au moins ça. Alors, je me surprends à répliquer amèrement :
— Si tu veux me cracher à la figure et me prouver ton ressentiment pour me tuer ensuite, je t'en prie, fais à ta guise.
Il pouffe.
— Bon sang, Krixia, tu es vraiment la même ! J'ai eu peur que ta petite virée sur Draark et ta rencontre avec ton Gareli t'aient transformé, mais...non.
Sa voix me fait vibrer, parce que je redoute le moment où elle criera et me rappellera l'erreur que j'ai commise. Cependant, il demeure maître de lui-même, ce qui ne m'étonne pas. Je n'ose toujours pas lui rendre son regard et cela semble l'égayer, puisque j'arrive à entendre son sourire à travers ses mots. Thorrak me fixe sans relâche et cherche à comprendre ce qu'il se passe ici. Voyant que je ne suis ni prête à lui expliquer, ni à le confronter, il s'approche de l'assassin avec les bras croisés et le dos bien droit. Il s'agenouille devant lui et le pointe du doigt en me questionnant :
— Lui fais-tu confiance ? Pour information, il a tenté de partir dès qu'il a deviné une présence dans les parages. Il t'a laissé complètement seule, Krixia. C'est désolant qu'il te serve de coéquipier.
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RAVAGEUSE (Tome 1)
Fantasy« Je fuyais cette vérité, mais je suis l'enfant du chaos et au chaos je dois retourner. » Elle est une jeune novice de la République Santaria, mercenaire pour subsister. Sa vieille connaissance et mentor, Priam, l'invite subitement à rejoindre l'In...