La fumée de la Providence

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Il se redresse et avant qu'il ne me dévoile définitivement son corps, je récupère à mon passage mes armes et sors de la pièce. L'air de Kapleeen m'agresse aussitôt et j'ai besoin de deux respirations pour m'y accoutumer de nouveau. Mes poumons ont découvert des atmosphères plus saines et maintenant ils ont du mal à accepter celle de la planète. Je descends les escaliers et distingue les grandes jambes de Thorrak se balancer sur l'étage du bâtiment d'à côté. Je lui fais signe de me rejoindre. 

Nous nous retrouvons en bas et nous accroupissons dans un coin relativement silencieux de la garnison. Je vérifie qu'il n'y a ni étage supérieur, ni placard, ni porte, ni aucun endroit d'où épier notre conversation. Derrière un tonneau de bière, nous devrions être en mesure de voir n'importe qui arriver. Je lui explique en résumant la situation et Thorrak se fige un instant. Je ne saisis pas tout de suite sa réaction ; il me fixe afin de juger le vrai du faux. J'insiste sur le sérieux de mes propos et il se détend.

— Si je récapitule, tu nous a guidés droit dans un repère de rebelles.

— Ce ne sont pas des rebelles, grondé-je. Premièrement, sur tous les mercenaires présents ici, certains ne se doutent même pas du plan de Xiao Liu. Ils aspirent seulement à faire tomber le gouvernement, le reste ne leur importe pas. Deuxièmement, j'ose espérer qu'ils ne se tourneront pas vers la Rébellion. Je préfère encore la Couronne de Zergra que ces immondes scélérats. 

— Ils ne nous empêcheront pas d'accomplir notre mission ? Dans le cas où nous échouons à cause de tes petits copains, tu sais que Gareli serait capable de détruire cette planète de colère.

— Qu'il la détruise, ça fera un problème en moins ! 

— Ton ami pourrait mourir. Cela ne te fait rien ?

— Ce n'est pas mon ami, marmonné-je.

— Ah oui, c'est uniquement ton allié ! Pardon, que suis-je bête !

Je lance un regard circulaire à nos alentours et passe outre son sarcasme. Un groupe de mercenaires discutent bruyamment non loin de notre position et leurs rires gras se répercutent en moi. Ils s'amusent et boivent ensemble, trinquent et fêtent à priori la réussite de leur contrat. Ils ne sont pas assaillis de jalousie ou d'envie les uns envers les autres, ne tentent rien pour se voler et arborent leurs équipements sans crainte. Je n'arrive toujours pas à y croire. Est-ce Xiao Liu qui a créé ceci ? Une telle entente n'existe pas dans mon monde. Où ai-je atterri ? Comment a-t-il pu bâtir cette alliance en quelques jours à peine ? Il semblerait que Thorrak lise à nouveau dans mon esprit facilement et il murmure sur un ton de confidence et d'évidence :

— J'ai réfléchi pendant que tu hurlais avec ton acolyte et il est clair que cette oeuvre ne date pas d'une semaine ou deux. Il a forcément travaillé des années pour atteindre cet objectif. Ton Xiao Liu possède obligatoirement des ressources qui ont intéressées tous ces mercenaires, en plus de leur promettre leur vengeance. Il s'est préparé depuis plus longtemps que tu ne le soupçonnes. 

J'acquiesce, il a raison.

— Il a déjà évoqué dans le passé une envie de rassembler les mercenaires pour anéantir le gouvernement, mais il se moquait lui-même de cette idée et avait conscience que ce serait impossible.

— Non, c'est possible, observe ce qui t'entoure !

Plus loin, d'autres mercenaires s'entraînent. Là, je plonge en plein rêve. Nous ne nous révélons jamais nos compétences personnelles pour éviter que lors d'un combat l'ennemi pare tous nos coups et nous batte. Je les toise en attendant de les voir vraiment batailler, mais ils restent posés et s'enseignent leurs bottes secrètes. Quelques-uns leur crient des conseils et ils les appliquent à la lettre. Ils s'améliorent grâce aux avis constructifs de leurs semblables. Nous ne sommes pas bienveillants et certainement pas partageux ! Qu'est-ce qui est advenu de Kapleeen et de son égoïsme répugnant ?

RAVAGEUSE (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant