L'embuscade

34 1 0
                                    

Le lendemain, nous nous réveillons sous les aboiements de Zora. Je sursaute et bondis sur mes pieds sans chercher à comprendre, posant une main préparée au combat sur mon épée. Thorrak se redresse plus lentement, mais il est tout autant en alerte. Je ne précise même pas l'état de Mira ; elle se lève si vite qu'elle se cogne la tête contre une planche de bois et crie pour une raison obscure à mon sens. Je ne m'intéresse aucunement à elle et me focalise sur la brune qui descend les premiers marches et se baisse pour nous avertir de ce qui se passe là-haut.

— En effet, je confirme ce qui tu as dit ! dit-elle à Thorrak. Les bandits ici sont prêts avant l'aurore ! 

— Ils rodent dans les environs ? s'enquiert-il, front plissant.

— Ils ne font pas que roder, Reddra ! Ils nous ont encerclés et se rapprochent de plus en plus de la planque. 

— Combien sont-ils ? demandé-je.

— Trop. Techniquement, le nombre importe peu. Ce sont leurs armes qui m'inquiètent davantage. Armés jusqu'au cou ! 

— Je crois que notre arrivée ne leur a vraiment pas plu, marmonne Thorrak.

Il daigne enfin réagir et se secoue comme pour se réveiller complètement. L'assassin se dirige automatiquement vers les escaliers et il remonte avec Zora qui a gardé cette expression étrange, mélange de contrariété et d'agitation. Je devrais être en train de les suivre, mais un mot tourne en boucle dans mon esprit. Reddra ? Red étant le diminutif. Je connais très bien son patronyme, puisque tout le monde sait qu'un certain Thorrak a assassiné la grande Ravageuse, autrement dit ma mère. J'ignorais son prénom jusqu'à présent. Le savoir me procure une sensation sordide, ressemblant à de la fierté. J'ai longtemps espéré tout connaître sur ce meurtrier. 

Alors que je m'apprête à monter à la surface, je glisse un regard vers Mira qui s'est rassise par terre, la tête entre les genoux tenue par ses deux mains. Je songe à la rassurer et à lui caresser le dos pour qu'elle se détende, lui promettre que nous arrangerons la situation et qu'elle n'a rien à craindre. Mais..., en fait, ce n'est pas mon genre ! Je pouffe à mes propres pensées et hausse les épaules, n'ayant cure de sa frayeur. Cependant, elle m'empêche de rejoindre les deux assassins en me retenant le bras.  

— Tu es cette femme qui a jugé les trois prisonniers l'autre jour. N'est-ce pas ? J'espérais que les deux autres nous laissent un moment seules !

Elle a l'air complètement désespéré.

— Aide-moi, je t'en supplie ! Je préfère largement mourir plutôt que de servir de je-ne-sais-quoi à qui que ce soit ! Donc, si tu refuses de me prêter main forte pour que je m'enfuie, tue-moi, s'il te plait !

Je prends sa main et l'enlève froidement de mon bras. 

— Il est hors de question que tu meurs. Tu sers pour une grande cause ! 

— Laquelle au juste ? Moi, tout ce que je vois, c'est que vous êtes une bande de meurtriers fous et impulsifs, surtout les deux autres, et que vous avez beaucoup trop le goût du risque ! De un, je ne suis pas du tout comme vous et je ne tiens pas votre rythme ! De deux, je déteste que des innocents soient tués ! J'ai toujours mis un point d'honneur à voler et blesser ceux qui l'ont mérité. De trois, cette planète m'insupporte et m'effraie au possible ! Sors-moi de là, pitié ! 

— Tu participes à une opération urgente et nécessaire visant à la destruction de vaisseaux à l'usage dangereux, ainsi qu'à la dénonciation d'un traître de Santaria et à rétablir l'équilibre dans notre régime ! Est-ce une cause suffisante pour toi ? 

Mira roule des yeux et me scrute d'une telle façon que j'ai l'impression d'être une déjantée. Je sais bien qu'elle se fiche de la République et que l'argent l'intéresse. J'aimerais bien lui dire que Gareli lui offrira de quoi vivre à son aise pour longtemps, mais je ne suis pas sûre qu'il lui remette une quelconque récompense. D'ailleurs, je parierais plutôt sur sa mort en guise de remerciement. 

RAVAGEUSE (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant