RAVAGEUSE (Tome 1)

L'appel du destin

Je m'employais à ranger mes cheveux rouge sang dans l'élastique qui les retenait, quand j'entends des pas derrière les portes coulissantes et deux secondes après, quelqu'un toque. Ma tranquillité s'apprête à être réduite à néant, ce qui me fait lourdement soupirer. Sourcils froncés, mains sur les hanches, je me retourne en direction du bruit et grogne sans le moindre intérêt : 

— Quoi ? 

Un homme de petite taille se glisse timidement dans ma cabine. Il trépigne d'un pied à l'autre, semblant chercher ses mots face aux foudres que lui adressent mes yeux. Ridicule. Se tenant aux bars de fer qui parcourent la cabine afin de ne pas malencontreusement tomber, il s'incline sur-le-champ et évite de me regarder trop longtemps, se donnant un futile air brave. Il m'annonce :

— Nous arrivons sur Draark, Madame. Veuillez, je vous prie, pour votre sécurité, vous placer sur un siège. L'atterrissage ne sera pas long, alors attachez votre ceinture et patientez juste un court instant.

Je hoche de la tête et il parait satisfait. Il m'adresse un sourire que je ne lui rends pas – pourquoi le devrais-je ? Il sort. Les portes se referment bruyamment à son passage. La minute qui suit, je ressens les secousses de la navette. Elles se répercutent dans mes jambes qui se mettent à trembloter. Mon équilibre n'est pas le meilleur, mais je me maintiens debout, afin de m'observer dans le miroir qu'ils ont mis à ma disposition. J'ajuste mon haut. Toute la tenue, constituée d'une mince tunique, d'un pantalon à moitié déchiqueté et de bottes plutôt bien conservées, est cachée sous un long manteau que j'ai volé la semaine dernière et arbore une forte couleur rouge, assortie à ma chevelure. 

J'affectionne cette couleur. Lorsque je tue, le sang se confond avec celle-ci ; il la parfait.

J'attache mon ceinturon et y range mon épée, prenant soin à ce qu'elle se remarque bien. Je reste sur mes pieds tant bien que mal jusqu'à qu'il n'y ait plus de vibrations. Un dernier regard vers mon reflet m'indique que tout est en ordre. Je m'apprête à quitter la cabine, mais les portes se rouvrent sur le même individu maigrichon. Il semble surpris de constater que je ne l'ai pas écouté et ne suis pas assise, néanmoins il ne commente pas. Cela vaut mieux pour lui.

— Madame, nous venons d'atterrir sur Draark, territoire officiel de la République Santaria. L'équipe et moi-même espérons que vous avez été à votre aise et que...

Je ne lui laisse pas le loisir de prolonger ses piaillements inutiles. Je l'abandonne dans cette petite cabine pour gagner l'extérieur. Je me souviens du chemin et traverse vivement les couloirs du vaisseau de transport. Dans le sas, je me prépare à revoir le soleil. La lumière éblouissante me frappe, mais je ne mets pas longtemps à m'en remettre. Je plisse les yeux, m'offrant ainsi une mine plus sévère encore. Je descends les quelques marches de la navette, escortée par deux gardes Santarian. Dès l'instant où j'ai accepté de venir sur cette planète, ces deux hommes ont décidé de me suivre sans cesse et cela commence à sérieusement m'irriter. Je n'ai besoin de personne pour me défendre. J'aurais adoré le leur hurler à la figure afin qu'ils s'écartent. 

Seulement, je les ignore et prie pour qu'ils partent, car mon bras posé sur le pommeau de mon épée me démange de plus en plus. En bas, un homme imposant, métisse, des habits de Colonel et l'écusson qui va avec, patiente en observant la gigantesque baie vitrée qui nous sépare des rayons du soleil. Je jette un bref coup d'œil à ce spatioport, tout à fait banal et ressemblant à tous les autres avec ces immenses structures en fer et les techniciens qui s'agitent dans tous les sens sous le trou béant au plafond destiné aux allées et venues des vaisseaux ; puis, je me reconcentre sur lui. Les bras croisés dans son dos, il se tient droit et impassible. En me voyant, il me sonde. Je ne lui accorde pas une grande attention en me postant devant lui, optant pour ma nonchalance habituelle.