RAVAGEUSE (Tome 1)

Les promesses des rebelles

Ces deux-là me donnent la migraine. L'un s'adosse au mur et m'analyse inlassablement, pensant peut-être que, dans ces rêves les plus fous, j'abdiquerai et je rejoindrai leur joyeuse troupe de traîtres infâmes ; Xiao Liu. L'autre se tient totalement droit et impassible, mais je sens qu'au fond de lui il doute et se pose d'innombrables questions ; Reddra Thorrak. A mes yeux, ils ne représentent plus que des pots-de-colle incommodants dont je dois à tout prix me débarrasser pour m'échapper. Si ma tentative de prévenir le Bureau du Président a réellement échoué, il me faut partir d'ici et trouver un autre moyen qui fonctionnera. 

Pour une fois, je prends mon échec comme une sorte de succès amer, car je sais au final l'étendu du pouvoir des rebelles. Il reste bien sûr à révéler au grand jour leur identité pour les éliminer un à un. Dans un roman de fiction plutôt barbant et irréaliste, je me souviens que le héros déniche par miracle une liste préparée par ses propres ennemis, à savoir pourquoi, et il en use pour divulguer leur position, les détruisant. J'aimerais tant que ce papier de recensement existe, cela nous rendrait la vie si simple. Malheureusement, je vis dans un monde très concret et une telle chance ne peut arriver, surtout pas à moi. 

Ma crainte serait que le Président ne voie pas la véritable menace et soit englouti par l'orgueil du conquérant. Or, avec l'alliance de Zergra et la Rébellion, ainsi que l'incident des messages interceptés, il sera forcé d'ouvrir les yeux et d'imposer des mesures drastiques pour les stopper définitivement. J'ai bien peur en revanche que cette guerre s'éternise sur des siècles et des siècles, un millénaire peut-être. De toute façon, si Santaria gagne, une nouvelle forme de résistants apparaîtra et si ces mécréants gagnent et deviennent les grands maîtres, de nouveaux opposants se soulèveront ; la paix existe-t-elle réellement ? 

Puisque les deux ne se décident pas à parler, je continue à méditer. Je préférerais presque qu'ils me fassent leur ridicule propagande pour que je puisse m'occuper et ne plus subir l'ennui. Un léger picotement persiste à m'agacer. Grâce à Thorrak et à son ouverture violente de porte, mon arcade sourcilière s'est fendue. La maigre douleur ne me dérange pas, à contrario de la fine goutte de sang qui s'écoule avec lenteur le long de ma tempe. 

Je précise aussi qu'ils ne m'ont même pas rassise, ces crétins ! Xiao Liu m'a derechef attachée, les mains reposant sur mon ventre. Depuis toute à l'heure, je suis allongée par terre, fixant le plafond et jetant de temps en temps des regards vers eux pour savoir ce qu'ils font et le réponse est rien. Ils ne bougent pas, réfléchissent ou me toisent. Quelques fois, j'agite mes pieds pour attirer leur attention. Si j'étais en position de négocier, j'exigerais une nouvelle tenue, de préférence celle que je portais dernièrement. La tenue atroce d'un sujet de Zergra m'horripile à un point inimaginable. Elle est certes bien mieux que la robe blanche du centre médical, mais j'estime mériter des habits décents et qui ne me décrédibilisent pas. On dirait que je sors d'un hôpital pour les dégénérés mentaux. Quel mauvais goût. 

— A quoi penses-tu ? 

La voix de Thorrak me surprend et me fait sursauter. Je redresse ma tête et le dévisage avec une grimace disgracieuse. Je me rallonge correctement et répond honnêtement.

— Ma tenue actuelle est extrêmement terrifiante. Les sujets de Zergra ne détiennent aucun goût en matière de mode. Encore un domaine où Santaria excelle. Et ne dites pas que j'exagère ou que je m'entête à soutenir ma nation, car j'ai raison et l'univers entier en est conscient. Tout le monde adule la mode républicaine ! 

— Sérieusement ? grogne le double agent. Tu es littéralement sur une planète que tu haïs et ton unique préoccupation réside en la mode de Zergra contre celle de la République ! Tu plaisantes, j'espère !

Xiao Liu explose de rire et affirme :

— Je la connais et je peux t'assurer que ses pensées partent loin quand elle se languit !