RAVAGEUSE (Tome 1)

La vengeance de la mercenaire

Je tempère ma colère aux secondes qui défilent et me focalisent entièrement sur mon désir de tuer Gareli. Déglutissant péniblement, je me redresse sous le regard attentif de Xiao Liu et j'ouvre la pochette de Thorrak. Elle contient toutes les preuves de l'égoïsme et de l'ambition dangereuse du Seigneur, incluant des actes de corruption sur des hauts gradés et des militaires, ainsi que des images le montrant dans des endroits illégaux de débauches et de violence. Autrement dit, ceci suffirait à le condamner à un crime que le Président ne pardonne jamais, la dépravation publique. Tous les membres de son gouvernement, de près ou de loin, doivent maintenir un paraître irréprochable à ce niveau-là. Les maîtresses et la polygamie sont autorisées, mais en privé seulement. Tout ce qui concerne les orgies ou tout geste à caractère sexuel inapproprié en publique est puni. 

— Tu es prête ? s'enquiert Xiao Liu.

Je l'observe un instant. Son sourire me console. Il s'approche et dépose une main amicale sur mon épaule.

— Je t'accompagne jusqu'aux portes du Conseil. Il te faudra terminer seule. 

J'opine du chef et nous nous remettons en marche. J'essaie de ne plus songer à Zora et décide plutôt d'agir pour nous deux. Nous franchissons les derniers couloirs et atteignons enfin les portes qui m'ont toujours été interdites. Ornées de pierres précieuses et de magnifiques gravures en arabesque, j'ai rêvé de pousser ces battants pour le jour de mon sacre de Ravageuse. Aujourd'hui, je compte bien y entrer afin de réclamer ce titre. Cependant, nous nous arrêtons rapidement en voyant les six gardes. 

Un ange passe entre nous. Je m'attends à ce qu'ils se décalent et dévoilent leur statut de rebelles, mais apparemment ils sont de bons soldats de Santaria. Je lance un regard en biais à Xiao Liu, lui indiquant de ne pas les tuer, seulement de les blesser. Il acquiesce et les gardes s'avancent vers nous, revolvers en main. Avec mes mains, je mime un décompte et à trois nous leur bondissons dessus. 

Je décoche un violent coup dans le menton du plus proche, l'assommant. Pour la suite, je me sers de lui comme d'un bouclier et le pousse pour gagner deux gardes à l'arrière qui me vise. J'en déstabilise un en le propulsant contre le mur et frappe l'autre avec son propre revolver après l'avoir désarmé. Le garde se redresse très vite et se place derrière moi pour m'étrangler avec une ficelle, sûrement celle de son uniforme. Je lutte pour me dégager et ne pas étouffer. Après plusieurs tentatives pour le cogner, je comprends qu'il m'esquive habilement et que je gaspille mon énergie. 

Pendant ce temps, Xiao Liu taillade vivement la main du garde qui lui fonce dessus, récupère son arme et la projette dans la figure d'un autre homme. Ce dernier s'évanouit sous la violence du coup. Il heurte à trois reprises la mâchoire de son adversaire pour qu'il tombe dans l'inconscient et un troisième le plaque au sol. Il roule et sa longue robe noire le dérange dans ses mouvements. Néanmoins, il trouve une opportunité de se défaire en tapant l'arrière de sa nuque. Le républicain s'écroule sur lui et le poids l'écrase par terre. 

En remarquant ma situation, l'adrénaline lui permet de repousser le corps lourd du garde et il s'élance pour asséner le coup ultime à la tempe. L'homme tourne presque sur lui-même à cause de la force et chute rudement. Xiao Liu s'empresse de saisir la ficelle et la balance derrière nous. Il vérifie ma gorge, tandis que je tousse et reprends de l'oxygène. Il tente une piètre plaisanterie :

— Sois plus agile devant Gareli !

Ni lui ni moi ne rions. Je me retourne vers les portes et mon cœur rate un battement. Xiao Liu appuie légèrement dans mon dos pour m'encourager.

— J'espère que tu ne m'oublieras pas quand tu obtiendras ton titre !

— J'espère que tu ne m'oublieras pas quand tu deviendras un rebelle !