Mercredi 26 octobre 2005
C'est amusant de constater que dès que je bois un peu et que je suis seule, je ressens le besoin irrépressible d'écrire. Dans mon « journal intime », par exemple. Retrouvé après mon dernier déménagement, souvent relu, mais dans lequel je n'avais pas encore réécrit. Sûrement parce que cela ne m'était pas nécessaire.
Trois ans, depuis la dernière fois que j'ai écrit dans ce cahier.
Trois ans, neuf mecs dans ma vie.
Jérôme donc
Yann
Paolo
Nathaël
Fahim
Christophe
Quentin
David
Roman
Belle moyenne.
Et pourtant, aucun n'a compté, personne n'arrivais à la cheville de ce que je pensais être l'amour. Impossible de m'engager. J'en ai souffert. Je pense que quitter, ce n'est pas moins pire que d'être quittée. Toujours moi la méchante, à prononcer ces mots définitifs, à chercher comment faire passer la pilule sans heurts, sans casse. A affronter les réactions, les rires jaunes, les colères, même les larmes une fois, en face. Et toujours, me demander pourquoi je n'en souffre pas. Ne pas souffrir, ce n'est pas moins pire que de souffrir. On se demande ce qui ne va pas, ce qui ne tourne pas rond.
Jusqu'au jour où je l'ai rencontré. Lui. L'amour. Mon amour.
Olivier a huit ans de plus que moi. Des yeux noirs de velours, les épaules larges, une voix basse et grave. Il a tout ce dont j'avais toujours rêvé chez un homme. La culture et l'humour, la douceur et la virilité.
Et je l'aime, je l'aime à la folie. Je découvre des sensations nouvelles, que je n'ai jamais connues. Quand je pense à lui, mon ventre se tord, comme ce soir, où on ne dort pas ensemble. Mais je suis heureuse. Infiniment heureuse. J'ai appris. Il me l'a appris. Il m'apporte tant.
Bien sûr, ma vie a changé. Je vois un peu moins mes amies, surtout Kenza, je travaille maintenant, j'ai un métier, je suis en couple, je suis adulte.
Olivier me met des post-it d'amour dans le frigo, sous la tasse, sur ma télé, sur la porte. Tout ce dont j'ai rêvé. Je m'endors dans ses bras, la nuit, je le cherche, je me rendors en lui tenant la main. Il me serre dans ses bras, me caresse les cheveux, me met de la mousse à raser sur le bout du nez, me masse le dos.
On chahute, on se câline, on fait l'amour, on joue. On s'aime. L'amour parfait.
Je l'ai rencontré il y a neuf mois à l'anniversaire d'Adeline. Ils bossent dans la même étude. On avait mangé chez elle, une longue table et un osso bucco à partager, j'étais assise face à Olivier, et tout de suite, je suis tombée sous son charme. C'était réciproque, il n'a pas tardé à profiter du débarrassage de table pour se renseigner sur moi auprès d'Adeline. J'étais en couple avec Roman à cette époque-là, c'est ce qu'elle a dû lui dire, mais ça n'a pas suffi à lui faire lâcher l'affaire, ce qui m'allait bien. De toute façon, ce n'était encore qu'une histoire stupide qui ne me menait nulle part. Après le dessert, on a continué à discuter, puis Adeline a mis de la musique, et on a tous dansé. Il devait être 4h du mat quand il s'est levé pour mettre lui-même un titre. C'était Layla, la chanson d'Eric Clapton. Il m'a invitée à danser, il sentait bon, un parfum frais d'eau de Cologne haut de gamme. Quand nous dansions, il m'a murmuré à l'oreille l'histoire de cette chanson. Clapton l'a écrite comme une déclaration pour la femme de son ami, Georges Harrison, dont il était très amoureux. Il a juste dit ça, sans en dévoiler davantage, mais m'a regardée d'une drôle de manière, avec un sourire mystérieux et comment dire que ça m'a fait quelque chose.
Nous nous sommes revus quelques jours plus tard. Nous sommes allés au cinéma, voir un film de Woody Allen, Melinda et Melinda, et il m'a raccompagnée bien sagement. Mais le soir, j'ai reçu un message de sa part :
« Juliette, you got me on my knees
...
Turned the whole world upside down ».
Je crois qu'on ne m'avait jamais rien dit de plus beau, de plus délicat.
J'ai quitté Roman. Mais ce qu'Olivier ignorait, c'est que son rival n'était pas Roman, mais Simon.
Cinq jours avant la soirée d'Adeline, Simon m'avait dit qu'il n'arrivait pas à m'oublier. J'étais passablement désespérée, et son message m'a fait l'effet d'un ascenseur émotionnel. C'est ce que je rêvais de lire depuis des années. Et pourtant, pour être tout à fait honnête, je savais que je n'étais pas prête. Il fallait que j'aille au bout de ce processus d'autodestruction de mon amour–propre, je savais que je ne pouvais pas encore m'engager avec lui, pour de bon. Je lui ai dit que je reviendrai, quand je serai prête. Que je l'aimerai toujours.
Puis j'ai rencontré Olivier, et je me suis rendu compte que le problème, ce n'était pas le moment, mais la personne.
Quand j'ai revu Olivier, nous sommes allés dîner, puis boire un verre. En sortant, c'est moi qui l'ai embrassé. La meilleure décision de ma vie. En faisant cela, je tournais une page de ma vie, je lui offrais mon cœur.
J'ai souvent cru tomber amoureuse, mais aujourd'hui, je sais.
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L'amour à l'imparfait
RomanceUne femme - trois hommes - trois histoires. Juliette mène une existence calme et paisible, entre ses deux enfants et son mari avec lequel elle forme un couple fort et stable. Quand le passé revient la hanter après vingt ans, sous la forme d'un choi...