Chapitre 17

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Le cœur serré, je me penchais à la fenêtre arrière gauche de la Saxo et secouais la main. Papy, appuyé sur sa canne, et mamie se tenaient sur le pas de la porte de la longère, emmitouflés dans de chaudes pelisses ; oncle Fab et tante Béa nous saluaient de grands signes ; Eliott retenait Atlantide qui avait menacé de monter dans la voiture quelques minutes auparavant et Caroline et Simon affichaient d'immenses sourires. Ils avaient recouvré leur jovialité en apprenant que ma cousine n'était définitivement pas enceinte, mais seulement un estomac sur pattes très vorace en période hivernale. Le souvenir encore frais du soulagement excessif de Béatrice quelques jours plus tôt me tira un fin sourire avant de s'étioler dans la tristesse de devoir déjà les quitter. Cette semaine passée en leur compagnie avait eu le mérite de me rappeler à quel point ma famille comptait pour moi. Cela m'avait aussi aidé dans mon entreprise de me relever, une pierre après l'autre pour que les fondations de mon nouvel havre de paix ne s'écroule point à la moindre tempête.

Je restai une minute de plus la tête dans les bourrasques piquantes, puis, remontai la vitre à l'aide la molette. Sans plus attendre, je branchai mes écouteurs à mon téléphone et lançai une chanson. Mes yeux agrippèrent les sommets des pins, la dureté des rochers enchevêtrés, les pentes dévalant dans une gorge, le village de Labeaume niché dans son écrin figé par le givre et la rivière qui le traversait, bruyante mais apaisante. Un maelström d'émotions me saisit jusqu'à ce qu'on quitte cet endroit qui avait abrité nombre d'expéditions avec Eliott, de disputes et de réconciliations avec les uns les autres, de vacances estivales paradisiaques.

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Pénélope se gara comme un pied entre deux voitures qui prenaient toute la place, selon elle, et me largua sans cérémonie après une bise des plus rapides. Le soir était tombé depuis bien longtemps sur Dijon et elle était pressée de retrouver son nid douillet.

- Tu m'appelles quand t'es rentrée ?

- Sans faute, bichette.

Je demeurai sur le trottoir, mon sac de cours auquel je n'avais pas touché lesté sur mon dos, mon bagage à la main. La Saxo disparut dans un nuage de gaz. Alors, je détournai les yeux vers la maison des Vulpair, toute illuminée des guirlandes électriques de Noël, et mes incertitudes trouvèrent le moyen de se frayer un passage dans mes pensées ; Etienne et mon avenir en premières doléances.

De l'autre côté de la porte d'entrée, la chaleur du foyer m'enveloppa. Je posai mes affaires dans le vestibule et allai saluer les habitants. Judith s'était mise de corvée de repas avec Christelle, Marc faisait des mots croisés à côté et Etienne écrivait dans son dernier carnet qui serait bientôt entièrement couvert par son écriture. En entendant la porte s'ouvrir, puis se refermer, ils avaient jeté un œil dans le couloir.

- Bonsoir, dis-je.

- Bonsoir, Maude, comment vas-tu ? répondit Marc.

- C'était très chouette.

- Une bonne nouvelle dans ce cas !

J'acquiesçai avant de leur demander comment s'était déroulée cette première semaine de vacances pour leur part. Chacun y alla de son couplet. Judith me narra l'épisode épique de la panne en pleine partie de Loup-garous, Etienne s'éternisa sur sa joie d'avoir reçu en cadeau des chaussettes fantaisies - une couleur jaune canari à pois verts, une autre rouge rayé bleu et orange et une troisième avec des singes cousus sur le côté - et des nœuds papillons des plus distingués, selon lui - un bleu pastel uni, un deuxième rouge framboise avec des motifs blancs et un dernier bleu canard brodé de fleurs blanches et roses -, Christelle me rapporta en aparté le coup de téléphone de Julia Clarian et la gaieté manifeste de celle-ci en apprenant mes retrouvailles avec une branche de ma famille et Marc râla à propos de la télévision qui ne voulait plus s'allumer, ce qui lui avait gâché son rendez-vous avec Secrets d'Histoire. Après les avoir tous écouté et entamé diverses discussions, je m'enquis finalement de Laurie.

Quand l'espoir se meurt - Chauve-sourisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant