Chapitre 19

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Du bruit me réveilla. J'ouvris des yeux hagards sur la pièce éclairée par la fenêtre, à demi vermoulue, et observai Sébastien se démener à ranger les affaires, passer un coup de balai dans les confettis, bazarder dans un grand sac les décorations pour un prochain nouvel an...

- Ah ! Enfin réveillée, la belle au bois dormant ! Tu sais qu'il est bientôt onze heures et demie ?

- Tu viens de me l'apprendre, grommelai-je en me redressant, emmitouflée dans l'épaisse couverture. Tu es levé depuis quand ?

- Neuf heures, je crois. Si t'as faim, les restes sont dans le frigo.

- Merci.

D'un pas mal assuré, je me dirigeai dans la pièce attenante, ouvris la porte du frigidaire et me servis une poignée de profiteroles dans un bol. Je revins auprès de mon ami et mangeai en le regardant à l'œuvre.

- Au lieu de ne rien faire, viens m'aider, lança Sébastien en s'appuyant sur son balai.

- Je me restaure, une chose après l'autre, souris-je.

Il fit la moue.

- T'en es quand même à ton dixième profiterole.

- Et alors ? C'est pas assez pour avoir le ventre plein !

Il soupira en secouant la tête et se remit à ses diverses corvées. Par charité d'âme, je décidai de me lever et rendre service ; je lui devais bien ça. En moins d'une heure, tout redevint comme avant, en néanmoins un peu plus lumineux et propre.

- Bon... que fait-on ? demandai-je. On déjeune ensemble ou on rentre chacun chez soi ?

- Vu l'heure autant manger tous les deux. On finira les restes comme ça.

Aussitôt, je partis chercher les toasts, les feuilletés de saucisse, les carottes, les choux-fleur et les différentes sauces. On festoya une dernière fois dans notre repaire presque sans parler parce que le silence était notre meilleur compagnon, parce qu'on avait pas besoin de paroles pour rire et sourire. On était lié comme les doigts d'une main, on était frère et sœur de cœur et j'avais l'intime conviction que rien ne pourrait nous séparer. Sébastien, c'était mon pilier.

- Au fait, j'ai oublié de te raconter la semaine chez une cousine issue de germain du côté de mon père, dans les Landes.

- Oui, c'est vrai ! Comment ça s'est passé ?

- J'appréhendais mais, franchement, ça n'a pas duré. Rose, la cousine de mon père donc, a deux fils : Maïeul et Jean-Eudes. Ils sont tellement drôles, tu ne peux pas t'imaginer ! Leur imagination dépasse les frontières de la mienne. Je me serais cru dans Treize à la douzaine !

Un grand sourire amusé étira les coins de ma bouche à cette dernière phrase et je l'écoutai avec plaisir me narrer les quatre cents coups que les trois cousins s'étaient faits la joie d'accomplir. À grand renfort de moulinage de bras, il mima les sauts à la Tarzan dans la cage d'escalier grâce aux antiques collants ultras résistants de leur grand-ma accrochés à l'abat-jour, puis la collection des mouches mortes glissées dans le lit d'une cousine insupportable, les bandes de papier toilette roulées en boule et trempées qu'ils avaient balancé au plafond de la salle d'eau et la fois où ils avaient joué aux fantômes dans le dortoir des filles au mitan d'une nuit sans lune.

- Que de belles farces, en effet ! commentai-je. Vous vous êtes fais rouspéter ?

- J'pourrai fanfaronner en disant que non, mais... il se pourrait bien qu'on était privés de cadeaux de Noël pour la peine...

J'éclatai de rire sans retenue.

- Bien fait ! eus-je le culot de dire.

Sébastien m'adressa une grimace mais le sourire finit par reprendre ses droits sur son visage jovial.

Quand l'espoir se meurt - Chauve-sourisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant