Chapitre 22

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Henri était heureux de retrouver sa mère. Elle semblait différente, ses traits moins fatigués, elle avait repris un peu de poids, l'air en très bonne forme. Il avait l'impression de retrouver la maman dynamique et souriante de son enfance, celle qui faisait semblant de ne pas le trouver dans ses cachettes évidentes lors de leurs interminables parties de cache-cache. Il était arrivé en milieu d'après-midi et avait directement balancé la totalité de son linge sale dans la machine à laver. Puis, Marion avait tenu à l'emmener faire les magasins pour se trouver des vêtements à sa taille. Car elle était agréablement surprise de voir son fils si bien. Lui aussi avait prit du poids, il avait bronzé. Et ses cheveux avaient incroyablement vite poussés. Elle ne reconnaissait pas son petit garçon qui maintenant était un homme.


- On va t'acheter des rasoirs, blagua-t-elle en frottant sa barbe naissante sur les coins de sa mâchoire pendant qu'ils étaient arrêtés à un feu rouge.

- Tu crois ? répondit-il amusé en regardant ses poils parsemés dans le rétroviseur.


Il espérait que ce début timide de barbe lui donne l'air plus âgé. Mais ses traits étaient encore juvéniles, il ressemblait à l'adolescent attardé qu'il était, rien de plus.


- Tu as l'air bien, je devrais arrêter de me faire du mauvais sang pour toi je crois.

- Oui je vais bien, promis, je suis heureux maman.


Elle avait envie de pleurer rien qu'à l'entendre. Ce n'était plus une vie conditionnelle, elle pouvait se permettre de laisser son fils partir. Il pouvait lui manquer. Elle savait qu'il finirait par rentrer à la maison. Il était temps qu'elle pense à sa propre vie maintenant ?

Dans le magasin, Henri essaya plusieurs jeans et quelques chemises légères à carreaux qu'il gardait ouvertes sur ses t-shirts. Il choisissait les pièces les plus sobres et les plus basiques, en adéquation avec sa discrétion naturelle.


- Tu as ce qu'il faut pour l'été ? demanda sa mère en fouillant le rayon des shorts.

- Il me faudrait quelques trucs en plus, rien de fou, la tempéra-t-il en reposant le short orange qu'elle essayait de sortir du rayon.

- Un peu de couleur ça fait pas de mal, négocia-t-elle, amusée.


Marion continuait de regarder les vêtements quand Henri fut attiré par une longue robe blanche à fleurs, sur un mannequin, à l'entrée du rayon des femmes. Il n'avait aucun mal à visualiser Mia la porter, les cheveux légèrement soulevés par le vent, en train de ramasser des fleurs sauvages sur la rive. Il regretta de ne pas pouvoir l'acheter sans devoir répondre aux questions que se poserait sa mère.

Le soir venu, mère et fils mangèrent devant un film qu'ils avaient déjà vu 100 fois par pure nostalgie. Quand Henri gagna son lit étroit dans sa petite chambre d'enfant, il eut l'impression d'être parti depuis des siècles. Comment le temps pouvait-il être si perturbé ? Il se sentait si bien à la cabane qu'il en oubliait sa vie d'avant, la vie d'après. Comme s'il avait encore besoin d'être bordé, Marion entra dans la chambre de son garçon pour lui dire bonne nuit. Assise sur le bord de son lit, elle lissait le repli du drap avec douceur.


- Tu vas aussi me raconter une histoire ? se moqua tendrement Henri.

- Tu sais que j'ai adoré être ta maman, je dois m'habituer...

- Tu es toujours ma petite maman, la rassura Henri en l'invitant à se serrer contre lui.


Même si aujourd'hui il était assez grand pour que ce soit lui qui la tienne dans ses bras, il se sentait toujours comme un enfant auprès d'elle. Il se sentait aimé, protégé, inconditionnellement.


- Je vais transformer cette chambre en salle de couture si tu ne reviens pas très vite !

- Maman, si je reviens, je pense que ce sera dans mon propre appartement. Il faut que tu vives ta vie, il faut que le reste du monde ait la chance de te connaître, même si j'ai adoré t'avoir pour moi tout seul.


Le lendemain, Henri se réveilla en sentant les rayons du soleil sur son visage. C'était étrange d'ouvrir les yeux sur sa chambre enfantine sans vraiment se sentir chez soi. Ses posters, ses figurines et ses jeux vidéos... Il vit la Game-Boy de Flora sur l'étagère au dessus de son bureau et sourit. C'était le jour des 48 ans de sa mère, il avait prévu un cadeau depuis déjà longtemps, même avant son départ pour la cabane. Avec la voisine, qui était aussi la meilleure amie de Marion, ils avaient réservé un week-end dans un hôtel de luxe à deux heures d'ici, avec spa et piscine. Le séjour était pour deux personnes, à savoir Marion et son amie. Il savait combien elle en avait besoin, il avait hâte de lui faire la surprise.

Plus tard, tous attablés à la grande table du salon, Henri, sa mère la voisine et son mari détaillaient le programme du week-end. Marion était folle d'enthousiasme et blaguait avec son amie comme deux adolescentes impatientes. Elles s'organisaient déjà pour une journée de shopping afin de se trouver des maillots de bain pour l'occasion.

Henri se sentait un peu coupable car, en pensée, il était déjà sur la route pour rentrer à la cabane. Il comptait les heures. Même s'il adorait être avec sa mère, il ne pouvait plus ignorer l'angoisse qui l'habitait depuis qu'il était parti. Occupé, il avait pu occulter les questions qui lui trottaient dans la tête à propos du comportement étrange de Mia au moment de son départ. Mais à quelques heures d'y répondre, il était inquiet.

Vers 16 heures, il remplit son sac avec ses vêtements propres et ses récents achats et regarda sa mère charger un cabas avec des tupperwares et des provisions en lui indiquant de bien faire attention aux dates qu'elle avait indiquées sur les couvercles. Elle insista aussi pour vérifier son pilulier et pour faire le point sur ses médicaments en attendant les renouvellements. Henri retrouva, un instant, la « maman infirmière ». Marion était triste de le laisser repartir et rassurée en même temps. Tel l'oisillon qui s'éloigne de son nid dans son premier vol, Henri était un adulte à présent, il y avait quelque part derrière ses angoisses de maman, ses peurs pour l'avenir et la fierté d'une mission bien accomplie.

Les larmes qui accompagnaient ses grands mouvements de bras pour dire au revoir à son fils n'avaient pas le même goût brut et amer de celles qu'elle avait versées la première fois qu'il était parti. Elle rentra chez elle le cœur plus léger.

Sur la route, Henri était un peu agité. Il roula sans s'arrêter jusqu'à la forêt, roulant un peu trop vite sur les routes les moins fréquentées. Il était impatient de revoir Mia. Il ne se doutait pas du choix difficile et douloureux qu'elle avait fait pour lui, pensant le sauver. Henri ne pensait qu'à combler le manque qu'il avait subit pendant ce court week-end loin d'elle.

MinuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant